Facebook Live, Periscope : Jérémie Mani, « Le live devient un programme télé temporaire, fait sur Internet » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 09 Juin 2016 à 08:50
Jérémie Mani a répondu à nos questions.
La vidéo live est partout...et notamment sur Air of melty ! Pour notre interview de la semaine, Jérémie Mani, Président de Netino, une agence spécialisée dans la e-modération, a accepté de répondre à nos questions au sujet de ce phénomène qui prend toujours plus d'ampleur sur les réseaux sociaux.

En 2016, c’est indéniable, impossible d’échapper au phénomène du Live ! C’est bien simple, il est partout ! De YouNow, l’appli de live vidéo incontournable pour les jeunes anglo-saxons au phénomène Periscope en passant par Snapchat qui pourrait être le nouveau roi du live auprès des Millennials, tout cela sans oublier Periscope et Facebook Live, les deux leaders du marché, la vidéo en direct a envahi les réseaux sociaux. Jérémie Mani, Président de Netino, agence spécialisée dans la e-modération, a accepté de nous apporter un éclairage sur le phénomène Live. A quel point se développe-t-il aujourd’hui ? Peut-on vraiment dire qu’il s’agit du nouveau selfie des jeunes ? C’est bien plus complexe que cela…La preuve tout de suite !

-Air of melty : Y a-t-il eu un déclic précis pour permettre au live d’exploser ces derniers mois ?

Jérémie Mani, Président de Netino, agence spécialisée dans la e-modération : Au tout départ, c’est Meerkat, qui a déjà disparu, qui a lancé la tendance il y a un peu plus d’un an. Mais ça n’a pas pris tout de suite parce que c’était tout de même un nouvel usage à appréhender. Ensuite, Periscope est apparu. Et tout s’est accéléré au moment où Twitter a racheté l’application. Tout le boom médiatique s’est fait sur cette appli. A ce moment-là, on ne constatait pas encore d’utilisation très pratique, mais il existait déjà des rendez-vous live. Je pense notamment au « combat du siècle » entre les deux boxeurs Mayweather et Pacquiao, durant lequel quelques dizaines de personnes ont filmé leur télévision via Periscope pour rendre le match accessible à tout le monde. Plus récemment, il y a eu un drame en direct sur Periscope (une jeune femme a diffusé son suicide sur l’application, NDLR). Donc on commence à s’interroger aux risques liés à cette application, ce qui fait forcément parler. A côté de ça, on remarque quand même aussi énormément de choses très positives avec, par exemple, le chef Jean Imbert diffusant régulièrement des live sur sa page Facebook, qui rassemblent une grande partie de sa communauté. De façon générale, le live est aujourd’hui une façon, pour une célébrité, d’être plus proche de ses fans sans avoir à mettre en place des moyens lourds de diffusion. Et ça donne clairement un côté plus authentique et spontané. On ressent vraiment l’impression d’être en direct dans un événement, et non pas d’être pris dans un événement scénarisé.

-Air of melty : Quels sont les chiffres associées à ces vidéos live aujourd’hui ? Quelle est l’ampleur du phénomène ?

J.M : Parmi les chiffres qui circulent, on peut noter le chiffre fou réalisé par un live du DJ David Guetta, qui aurait fait plus de 3 millions de vues. Si on ramène cela à une audience télévisée, c’est tout à fait comparable à de très bonnes audiences de la TNT, par exemple. Ce n’est pas anodin, même si les vidéos live engendrent (forcément) des vues très variables. Il y a quelques temps, deux candidats de l’émission de télé-réalité Les Marseillais étaient en live sur la page Facebook de W9 et ont engendré plus de 65 000 commentaires en quelques heures, ce qui est énorme. Je vous laisse imaginer le nombre de vues puisque l’on sait que de nombreux internautes ne commentent pas. Certains live, quand ils sont bien amenés en termes de promotion, peuvent faire des audiences énormes, parce que cela devient un programme télé temporaire, qu’on a fait uniquement par Internet, certes, mais qui peut être très apprécié, des jeunes notamment.

-Air of melty : Certains experts du digital estiment que le live sur les réseaux sociaux est devenu le nouveau selfie auprès des jeunes, qu’en pensez-vous ?

J.M : On n’est pas tout à fait sur les mêmes types de consommation puisque, certes, on peut regarder un live en différé, notamment sur Periscope, mais tout l’intérêt réside dans l’instantanéité, dans le moment présent. Un live, c’est une extension d’un chat et une virée dans les coulisses d’endroits qu’on ne voit pas d’habitude tandis que, le selfie, c’est davantage une carte postale, sur laquelle une personne se montre en train de faire quelque chose, et qu’on partage avec d’autres. Dans le selfie, il y a un côté un peu égotique, en mode « je me montre en train de faire des choses et je le publie ». Dans le live, sur Facebook comme sur Periscope, on donne rendez-vous à des gens pour leur dire de suivre un événement, qui ne nous montre pas forcément ou dans lesquels ont n’est pas forcément acteur. On se transforme en envoyé spécial, pour quelques minutes ou quelques heures, en plein cœur d’un événement qui peut intéresser bien au-delà de sa communauté. On donne accès à un véritable contenu. Donc je ne suis pas convaincu que le selfie et le live soient vraiment comparables.

-Air of melty : Quelles sont les valeurs associées aux vidéo live postées sur les réseaux sociaux en comparaison aux vidéo plus classiques ?

J.M : Principalement, ce qui frappe, c’est la logique de spontanéité, pour l’instant en tout cas. Parce que, avec les quelques débordements qu’il y a eu, le live risque de devenir de plus en plus cadré. Aujourd’hui, tout le monde peut se filmer en live, mais ça risque de changer. Je vois cela comme une extension ou la suite logique de ce que sont YouTube et Dailymotion. Sur ces plateformes, tout le monde peut créer et diffuser des vidéos et on est aujourd’hui dans le complément avec le live, puisqu’on peut permettre l’émergence d’un nouveau type de talents, qui peut interagir directement et en live avec sa communauté pour lui demander ce qui lui plairait. Les spectateurs, via leurs commentaires, peuvent influer sur ce qui va se passer. Et ça c’est inédit, même sur le digital !

-Air of melty : Quelles sont les ressemblances et différences entre Facebook Live et Periscope aujourd’hui ? Vers quoi les deux services évoluent-ils aujourd’hui ?

J.M : Les deux services, appartenant à deux réseaux sociaux concurrents, proposent pratiquement la même chose aujourd’hui, avec le même type de fonctionnalités. L’une des seules différences visibles, c’est que, sur Periscope, les commentaires sont incrustés directement dans la vidéo live, ce qui peut poser des problèmes au moment de la rediffusion car le commentaire n’est alors plus forcément en adéquation avec le moment auquel vous regardez le contenu. Cela pose aussi des problèmes de modération, avec des commentaires négatifs qui ont un impact plus fort en étant affichés au plus près des visages des personnes présentes dans le live que dans les commentaires sous la vidéo. Cela peut paraître anodin mais cela peut faire la différence dès lors qu’il s’agit de marques qui souhaitent communiquer en live, par exemple. Mais, hormis cela, c’est presque la même chose.

-Air of melty : On parle aussi beaucoup du réseau social YouNow, qui cartonne auprès des jeunes anglo-saxons, et qui est d’ores et déjà vu par certains professionnels comme étant la nouvelle plateforme qui permettra de dénicher les nouveaux talents du web. Qu’en pensez-vous ?

J.M : De nouveaux réseaux sociaux naissent très régulièrement. La question, c’est de savoir lesquels arriveront à atteindre le nombre de membres suffisant pour que ça devienne un phénomène. Aujourd’hui, beaucoup de gens continuent à aller sur Facebook parce qu’ils connaissent eux-mêmes beaucoup de gens qui y vont et ont donc peur de manquer quelque chose s’ils n’y vont pas. YouNow est encore peu connu en France, mais c’est effectivement un réseau que l’on suit…en espérant ne pas leur porter malheur en disant cela !

-Air of melty : Quelle pourrait être la prochaine tendance autour du live : toujours plus interactif, toujours plus mobile…?

J.M : Je pense que, la prochaine tendance, ce sera quelque chose qu’on ne peut pas encore imaginer et qui sera complètement disruptif. Finalement, Facebook Live, c’est du YouTube en live et ça n’a donc rien de très nouveau. Il y a, certes, un nouvel usage, mais on ne peut pas parler de révolution. Régulièrement, on rajoute donc des petites fonctionnalités aux services qui existent déjà. Mais on va finir par arriver à une limite du perfectionnement de ces outils déjà bien présents. Celui qui se différenciera, ce sera celui qui inventera une toute nouvelle façon de communiquer, complètement étonnante. On le sait, les jeunes ont envie de tester des choses que leurs grands frères et leurs grandes sœurs ne font pas. J’attends donc quelque chose de complètement différent et j’ai hâte de découvrir cette nouvelle façon de communiquer, que l’on n’a pas encore forcément en tête.