Olivier Houdé, « La génération Z, confrontée aux multi-écrans, voudra mieux comprendre et maîtriser son monde » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 12 Sep 2014 à 14:55
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A l’heure où tous les marketeurs ne parlent que de la génération Y, la rédaction d’Air of melty s’intéresse déjà à la génération qui la suit : la génération Z. Les jeunes qui la constituent, nés dans les années 2000, représenteront à leur tour une cible unique en son genre qu’il convient d’appréhender dès à présent, afin de répondre au mieux à ses attentes. Pour ce faire, Olivier Houdé, Professeur de psychologie et membre du nouvel Observatoire des médias et de l’éducation au CSA, a accepté de répondre à nos questions.

Y, c’est LA lettre qui fait parler tous les spécialistes, qui n’ont que la génération Y en tête. Mais force est de constater que la génération Z la suit de près et mérite d’être davantage mise en lumière, car elle représente également une cible de choix pour les marques. En effet, nous vous en avons déjà parlé il y a quelques semaines, la génération Z constitue une génération d’entrepreneurs qui pourrait révolutionner le commerce traditionnel. Cette semaine, la rédaction d’Air of melty a eu la chance de poser trois questions à Olivier Houdé*, Professeur de psychologie à l’Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité. Egalement membre du nouvel Observatoire des médias et de l’éducation au CSA, il devait participer à une conférence intitulée ‘La génération Z : Quel consommateur demain’, lors des journées de l’UDECAM mais un empêchement l’avait forcé à annuler. Une semaine après son intervention manquée, il se livre finalement sur cette génération Z qui fait tant parler d’elle…et le fera encore plus dans quelques années.

-Qui est réellement la génération Z ? Qu’est-ce qui la caractérise ?

Après la génération Y (1980-90), la génération Z (2000-2014) est plongée dès le plus jeune âge dans le monde des multi-écrans. Avec le numérique se développe à grande échelle une pensée très rapide, fluide et flexible. Plus que leurs parents ou grands-parents, les jeunes de cette génération ont la capacité cognitive du multitâches. À l’image de ce qui se passe dans la société.

-Comment communiquer avec elle ? Uniquement via les nouvelles technologies ?

La technologie a changé le développement des enfants. Des tests scientifiques montrent que l’usage des écrans, notamment les jeux, améliore l’attention visuelle sélective et la prise de décision rapide. C’est précieux à l’école, comme dans la vie ou dans son métier plus tard. Jamais les générations précédentes ne s’étaient trouvées confrontées à une masse pareille de choix et de micro-décisions chaque jour, et si jeune. Des études montrent aussi que les usagers intenses du numérique ont une mémoire plus superficielle. Ils retiennent les liens sur les moteurs de recherche, savent où trouver l’information mais ils ne mémorisent pas la connaissance en profondeur. Faudra-t-il alors exclusivement leur parler ce langage rapide ? La réponse est non : pas seulement. La génération Z cherchera autre chose.

-En quoi les centres d’intérêt de cette jeune génération seront-ils différents de ceux des générations précédentes ?

Pour le comprendre, il faut savoir que leur cerveau, comme celui de leurs ancêtres, fonctionnera toujours avec trois systèmes cognitifs : le système 1 est intuitif et rapide. Le système 2 est logique, plus lent, plus réfléchi et on y fait moins appel de façon spontanée. Le troisième système active le cortex préfrontal, à l’avant de notre cerveau : c’est un système d’arbitrage qui va nous inciter à recourir au système 2. Jusqu’ici le monde des écrans a surtout mobilisé de façon assez automatique le système 1 des enfants et des adolescents. En sens inverse, la tendance pour cette génération Z, devenue adulte, sera de rechercher de plus en plus ce qui lui manque, c’est-à-dire l’exercice des systèmes 2 et 3 : le raisonnement, le contrôle ou la « résistance cognitive » à travers la prise de recul et l’inhibition positive (jusqu’à la déconnexion), l’hyper-connexion maîtrisée, les mesures, la compréhension des rouages des médias et du numérique, etc. C’est leur cortex préfrontal qu’il faudra satisfaire ! Comme toutes les générations précédentes depuis la nuit des temps, la génération Z, confrontée aux multi-écrans, voudra mieux comprendre et maîtriser « son monde ».

* Olivier Houdé publie en cette rentrée : Apprendre à résister, Éditions Le Pommier (29 août 2014). Il a aussi publié en 2014 Le raisonnement, Que sais-je ? Éditions PUF.