Vidéo en ligne : Netineo, « Les jeunes se dirigent de plus en plus vers une consommation de snacking » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 11 Fév 2015 à 16:45
Philippe Bornstein a répondu à nos questions sur le thème de la vidéo en ligne.
On ne cesse de vous le répéter sur Air of melty, en 2015, la vidéo en ligne représentera un fort enjeu pour les marques et les médias qui cherchent à s'adresser et à engager les jeunes. Mais pour bien miser sur cet outil marketing puissant, certains vont clairement devoir revoir leurs stratégies, en vue de s'adapter et de se révéler toujours plus pertinent auprès de la jeune génération. Philippe Bornstein, Directeur de Netineo, justement spécialisé dans la vidéo en ligne, nous donne son regard sur le sujet.

Le mois dernier, pour bien commencer l’année, Air of melty vous présentait les 5 tendances en matière de publicité digitale à suivre en 2015. Parmi elles, on retrouvait le micro-ciblage, le mobile et, surtout, la vidéo. Aujourd’hui, Philippe Bornstein, Directeur de Netineo, qui conseille et accompagne les entreprises et les professionnels dans la définition et le déploiement de leur stratégie en matière de vidéo sur Internet, a accepté de répondre à nos questions, sur les grandes tendances actuelles et à venir en matière de vidéo en ligne. Format Pré-roll, format InRead, évoqué lors des Journées Grandes Marques 2015 de l’EBG, Google Glass et même Gangnam Style, aucun sujet ne sera oublié !

-Aujourd’hui, par quoi passe une bonne expérience utilisateur en matière de vidéo pour les jeunes ?

Je pense qu’il y a différents axes sur lesquels la vidéo doit travailler pour être conformes aux expériences attendues par les jeunes. La première, c’est la qualité de l’expérience en termes de vitesse. On ne supporte plus d’attendre pour qu’une vidéo, qui doit par ailleurs avoir une qualité de rendu aussi bonne que celle que l’on a sur une télévision, se lance. Or, ce parallèle avec la télévision n’est pas encore au rendez-vous pour la vidéo sur Internet. La deuxième chose, c’est qu’on est face à une multitude de contenus, avec des jeunes qui consomment beaucoup de vidéos. Il faut des solutions, technologiques notamment, qui doivent apporter de l’aide pour permettre d’identifier les bonnes vidéos par des algorithmes de recommandation mais aussi en apportant de l’information sur le nombre de fois qu’une vidéo a été vue, qui est quand même un indicateur majeur pour inciter à regarder ces mêmes vidéos. Un autre aspect important à travailler davantage, c’est la description de la vidéo, qu’il s’agisse du titre comme de la description et de la vignette de la vidéo, qui permettent de découvrir le contenu de la vidéo, sans lancer la vidéo. Cela permet d’avoir un maximum d’expériences positives avec la vidéo elle-même.

-A quel point les réseaux sociaux jouent-ils un rôle dans le succès d’une vidéo ? Comment les marques doivent/peuvent-elles adapter leurs vidéos à ce terrain ?

Les réseaux sociaux sont devenus, en quelques années, incontournables. Ils accaparent une part très significative du temps passé sur Internet par les jeunes. On voit de plus en plus la montée en puissance des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter en matière de vidéo. Il y a six mois, Facebook annonçait faire 1 milliard de vidéos vues par jour quand YouTube en annonçait 4 milliards. Il y a une semaine, Facebook annonçait désormais faire 3 milliards de vidéos vues par jour. Très vite, dans quelques semaines, il est probable que Facebook fera plus de vidéos vues que YouTube, à lui tout seul. Twitter monte également en puissance, avec un format plus court et le développement de son propre player et son propre système d’ad-serving, pour gérer sa publicité et mettre en avant des formats qui sont parfois innovants. Ces réseaux sociaux constituent des carrefours d’audience absolument incontournables. L’ambition pour les marques va être de s’appuyer sur eux pour ensuite tenter de faire venir progressivement l’audience vers son propre site, pour non plus emprunter la relation client et la connaissance de l’internaute aux réseaux sociaux et la gérer par ses propres moyens.

-En parlant de « formats parfois innovants développés par les réseaux sociaux », on peut notamment parler des mini-vidéos de Vine, peut-on penser qu’un nouveau genre de vidéo va venir révolutionner la communication des marques, à l’heure où beaucoup d’entre elles raffolent encore de formats de vidéo assez longs comme outil de communication pour rajeunir leur image ?

Incontestablement, oui. Il est observé et démontré que, plus l’écran est petit, plus les vidéos consultées sont courtes. Donc, aujourd’hui, avec l’explosion des smartphones, notamment pour consulter les vidéos, par nature même, les vidéos doivent être plus courtes. On ne peut pas vraiment, ou plus, envisager de rester 10 ou 15 minutes à regarder une websérie alors que l’on se dirige de plus en plus vers une consommation de snacking. Vine, avec ses formats très courts et sa forme souvent humoristique, a réussi à collecter et à connecter une audience considérable. C’est donc évidemment un territoire très intéressant pour les marques qui, avec des budgets faibles, peuvent trouver et s’associer à des ambassadeurs de talent pour mettre en avant leurs produits ou leur image de façon intelligente, sans que ce soit trop commercial mais que ce soit en même temps direct. Ces personnalités du net sont devenues des médias, pour certains, et fournissent des expériences nouvelles. D’autant plus que la publicité sur Internet, et notamment en matière de vidéo, est plutôt très mal vécue à cause, notamment, de certains formats comme le pré-roll.

– Justement, quel est l’enjeu autour du pre-roll aujourd’hui ? Est-il complètement inefficace ou non auprès des jeunes ?

Il y a du positif et du négatif avec le pré-roll. Le plus, qui peut être un moins, c’est que c’est un contrat de lecture assez proche de celui de la télévision dans le sens où, avant de voir une émission, je dois regarder la publicité (ou changer de chaîne) pour accéder à mon contenu. Le pré-roll, c’est un peu la même logique, avant de regarder une vidéo éditoriale, on m’oblige à attendre. Le problème, c’est pas trop qu’il y a une publicité devant le contenu éditorial, il faut bien trouver un modèle économique pour financer la création du contenu éditorial, pour financer la création du site, pour financer l’entreprise ou le média, mais c’est plutôt que celle-ci n’est pas forcément pertinente. Parce que trop longue, pas qualifiée, pas adaptée à l’utilisateur. Certains formats pré-roll fonctionnent très bien, dès lors que l’on a su susciter l’intérêt des internautes dès les toutes premières secondes et que le contenu répond à sa promesse initiale ! Le format pré-roll n’est pas un problème en lui-même, mais il faut une publicité qualifiée, pertinente et adaptée à l’audience et à la nature de sa consommation en matière de vidéo. On ne pas bannir complètement le pré-roll, pas quoi le remplacerait-on ? Le prix à payer pour ne plus avoir de publicité sur Internet serait de l’orde de 200 euros par an. Les jeunes seraient-ils prêts à payer ce prix ? Le peuvent-ils d’ailleurs ?

-Et qu’en est-il du format inRead, dont on parle beaucoup ces dernières semaines ?

C’est un format intéressant car il n’a plus besoin de contenu éditorial pour se placer devant. C’est une bannière, en quelque sorte, dont le dispositif d’ouverture fait qu’elle n’est pas envahissante, mais ça suggère aussi qu’on ne la voit pas beaucoup finalement. Il est intéressant en termes de modèle économique parce qu’il est facturé au nombre de vidéos vues. Il connait un grand succès, mais je ne suis pas certain que les internautes y prêtent grande attention, réellement. En fait, les quelques jeunes que j’ai pu interroger m’ont dit qu’ils détestaient ce format parce qu’il se met en plein milieu de la page et qu’on a finalement qu’une envie, c’est de le dégager.

-Lors de votre conférence au salon Cross Medias la semaine passée, vous parliez de l’essor du « multi-écran simultané sur un même écran ». En quoi le multi-écran constitue un enjeu capital pour les marketeurs, particulièrement ceux visant les jeunes ?

La synchronisation des écrans est importante, entre télévisions et autres devices, puisque les jeunes sont souvent sur plusieurs écrans en même temps. Cela permet un rebond, de la part de la même marque ou d’un de ses concurrents. C’est important car, aujourd’hui, en étant multiscreen, multitâches, cela permet d’augmenter l’attention sur des devices plus personnels que la télévision, sur lesquels on peut souvent s’engager, agir : cliquer, partager, commenter, voire même acheter. Et on retrouve de nouveau l’influence des réseaux sociaux.

-La vidéo interactive est-elle déjà une tendance à suivre ? Permet-elle vraiment d’engager les jeunes ou peut-elle encore mieux faire ?

La publicité ou les vidéos interactives, que j’appelle des vidéos transactionnelles, donnent lieu à plus d’engagement, car elles offrent plus d’informations, plus de contenus, plus d’émotions. On observe donc une augmentation significative du temps passé sur la vidéo en question. Je pense que cela apporte une expérience nouvelle et enrichissante, puisque l’internaute peut prendre le contrôle sur la vidéo en choisissant son histoire et ce qui l’intéresse ou pas, et tout cela a de la valeur pour la marque. A l’intérieur d’une vidéo interactive, on peut créer un mini-site en quelque sorte. Mais il faut que le contenu soit pertinent et soit conçu pour créer de la valeur grâce à l’interactivité. Toutes les vidéos ne doivent donc pas devenir interactives juste parce que la technologie le permet.

-Toujours au Salon Cross Médias, dans votre présentation, vous avez mentionné l’exemple d’une vidéo créant le buzz en reprenant la musique de Bob Dylan avec humour et décalage. Selon vous, la musique est-elle un outil à exploiter toujours davantage dans les vidéos ? Particulièrement auprès des jeunes, connus pour être des passionnés de musique ?

Incontestablement, la musique fait partie prenante de la culture de la jeunesse, avec une consommation de plus en plus importante. Et le fait est que la musique s’associe très bien à la vidéo, parce qu’elle permet d’apporter de l’incarnation à cette musique. La vidéo apporte un enrichissement de la musique. On le voit bien avec YouTube d’ailleurs, où le premier type de contenus visionnés est la musique. D’ailleurs, pour la vidéo la plus vue de tous les temps sur YouTube (Psy – Gangnam Style), il convient de dire que ce n’est pas la musique en elle-même qui a assuré le succès de ce clip, c’est vraiment la vidéo, avec la chorégraphie, le look et le personnage de Psy. La musique toute seule n’aurait pas eu le même impact. D’autre part, la musique se diffuse très bien sur Internet, au même titre que les vidéos. Pour les marques, les vidéos musicales représentent donc véritablement une opportunité de s’exprimer en effet, puisqu’il existe une vraie synergie entre la musique et les jeunes. Après, attention aux généralités, toutes les musiques ne fonctionnent pas non plus et pas pour toutes les marques.

-Enfin, lors de votre conférence, vous avez également évoqué le sujet des Google Glass, qui permettent à la fois de voir et de produire des vidéos et pourraient donc révolutionner la vidéo en ligne. Mais est-ce qu’un tel appareil peut plaire (ou plait déjà) aux jeunes et s’intégrer dans ses pratiques quotidiennes ?

Clairement, il y a un périmètre intéressant qui peut toucher un jour au-delà de l’aspect geek et buzz que les Glass peuvent avoir aujourd’hui. Il y a deux usages en jeu : compléter, voire remplacer, le mobile comme un écran de consultation et capturer de la vidéo directement sans utiliser un support mobile, en oubliant presque qu’on est en train de filmer. Il y a quelques années à peine, le mobile n’avait pas du tout pour vocation de consulter ou de produire des vidéos. C’est un fait, la vidéo arrive partout, alors pourquoi pas dans les lunettes ? En tout cas, je vois cela comme une véritable valeur ajoutée dans le monde professionnel, notamment.

A noter que Netineo organise cette année sa deuxième édition des Trophées de la vidéo online. Cette initiative est destinée à développer le marché de la vidéo online et à « apporter visibilité et opportunités commerciales aux candidats », explique Philippe Bornstein. Les candidats intéressés pour participer ont jusqu’à ce vendredi 13 pour s’inscrire. Toutes les informations et modalités sont à découvrir ici.