Vine : Pierre Laromiguière, « Le format court correspond parfaitement aux comportements de content snacking des jeunes » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 06 Nov 2014 à 09:36
Pierre Laromiguiere a répondu à nos questions.
Vine, c’est LE réseau social qui promet de monter, monter toujours plus ces prochains mois. De son côté, Pierre Laromiguière dirige l'agence armstrong, spécialisée dans le search et dans les campagnes de communication sur les réseaux sociaux, et (non) accessoirement l'une des premières agences à avoir utilisé Vine. L’expert sur le sujet a donc gentiment accepté de répondre à nos questions autour du triple rapport ultra fructueux de ces derniers mois : Vine/Génération Y/marques.

Ces derniers jours, Jérôme Jarre, la star de Vine aux 7,6 millions de followers, a mis un peu plus le service de micro-vidéo de Twitter en lumière après la diffusion d’une vidéo le montrant refuser un contrat publicitaire d’un million de dollars. Info ou fake vidéo ? Le mystère reste entier. Toujours est-il que cela a donné envie à Air of melty de poser quelques questions à Pierre Laromiguière, Président de l’agence armstrong, spécialisée dans le search et dans les campagnes de communication sur les réseaux sociaux, et largement convaincu par le pouvoir, marketing comme culturel, de Vine.

Avant toute chose, pouvez-vous présenter en quelques mots et expliquer pourquoi la plateforme Vine vous intéresse particulièrement ?

J’ai créé l’agence armstrong il y a 6 ans, initialement pour servir les clients du groupe (Baobaz) sur les problématiques de Search (media et stratégie). Mais nous avons rapidement conquis les Pure Players grâce à notre forte expertise et nos outils API. Parce que nous maitrisions déjà le plus gros levier digital, accompagner nos clients sur la publicité sociale fut relativement naturel. Ces nouveaux chemins nécessitent « plus » de créativité (applications, images, videos, storytelling, comportements…) et nos succès sur ces nouveaux leviers nous ont permis de diversifier considérablement nos activités autour du parcours client que nous savons adresser de bout en bout. C’est dans ce cadre-là que l’application Vine m’est apparue essentielle. J’ai eu la chance d’être dans nos bureaux de New York quelques jours après la sortie de l’application. Je n’avais pas trop regardé les applications vidéo jusqu’à présent mais le fait que Twitter soit derrière et que je me sois retrouvé bloqué par la tempête Nemo pendant la Fashion Week ont été des facteurs suffisants. Très rapidement je suis tombé sur les contenus produits par Adam Goldberg et je suis resté scotché. Un nouveau format incroyablement créatif était juste né ! A l’instar d’Instagram, je découvrais un moyen de m’essayer à la production créative, cette fois-ci en vidéo.

Peut-on penser que l’application a le même potentiel que YouTube, réputé pour être l’un des sites préférés des jeunes ?

Youtube est plutôt un réceptacle où vous uploadez tout contenu vidéo, y compris des Vines. Le Vine est un format à part entière avec ses propres règles. Son extrême simplicité, son originalité et son fort potentiel créatif sont des différentiateurs évidents par rapport à Youtube. Le format court correspond parfaitement aux comportements de content snacking des jeunes et à la segmentation extrême des évènements dans une journée. Les moments pour regarder des vidéos longues sont finalement assez rares contrairement aux multiples occasions de scroller son feed Facebook, Twitter, Instagram ou Vine (transports en commun, salles d’attente, terrasses de café en attendant quelqu’un…). C’est peu impliquant et il y a suffisamment de contenus émotionnels pour créer une addiction.

Une étude menée par meltyMetrix en août dernier avait permis de montrer que 70% des internautes se disaient intéressés par des applications du type de Vine. Pourtant, le succès de l’application en France reste ‘confidentiel’ par rapport à celui d’Instagram ou de Snapchat. Comment l’expliquer ?

13 millions d’utilisateurs atteints au bout de 4 mois, 40 millions au bout de six mois, je n’appellerais pas ça ‘confidentiel’. Les premières Vine Stars ont atteint le cap du million de followers au bout de 6 mois, et l’un deux vient de franchir les 10 millions récemment (Nash Grier). D’expérience, je n’avais jamais vu autant d’engagements sur une plateforme en si peu de temps. Elles se sont rapidement exportées sur les autres réseaux sociaux mobiles atteignant très rapidement le million de followers sur Facebook, Twitter, Instagram, SnapChat ou… Youtube. Finalement ces Vine Stars sont devenues des Celebrities. Nash vient même d’intégrer le classement des « 25 Most Influential Teens of 2014 » de Time ! L’application n’a pas encore 2 ans et son intégration parfaite dans Twitter reste très prometteur. Nous verrons très bientôt si l’application a dépassé le stade du confidentiel en France avec le passage temporaire de Jérôme Jarre, la seule « personnalité » française des medias sociaux à avoir une audience globale.

Au sujet de Jérôme Jarre, qui fait actuellement le buzz sur Vine, avec sa vidéo dans laquelle il annonce avoir refusé un contrat publicitaire, que représente ce jeune de 24 ans pour la génération Y ?

Je connais pas mal Jérôme pour l’avoir rencontré à New York fin 2013 et fait appel à lui pour la campagne Deezer. C’est d’abord un mec authentique et hyper positif. Il veut réellement donner le sourire aux gens et c’est ce qui explique son énorme succès notamment aux US. Il est un formidable vecteur d’empathie pour les marques. Les jeunes et les familles l’adorent mais sa reconnaissance va bien au-delà. Nous avons passé un moment ensemble avec quelques autres connaissances dans un endroit un peu plus « âgé » et les gens de plus de 30 ans venaient spontanément à lui pour lui faire des hugs. C’était bluffant et inattendu. Son tour du monde devrait beaucoup résonner dans sa génération et au-delà.

Les jeunes talents repérés sur Vine ont-il une chance de devenir un jour aussi populaires que les stars mainstream, comme c’est le cas pour certains YouTubeurs ? La culture Vine est-elle en marche ?

Quand on voit les Vines réalisés par Jérôme avec Pharrell, Ashton Kutcher ou Robert de Niro et qu’il a été l’invité de Ellen Degeneres sur son show puis aux Oscars, on se dit que rien n’est impossible pour eux. En outre, certains ont déjà intégré des castings de séries US. En outre, comment ne pas aborder le cas emblématique de Us the Duo qui a démarré fin 2013 sur la plateforme avec des music covers, a désormais plus de 4M de followers, et a signé avec Universal après être passé en live sur le plateau de Good Morning America. Pour ce qui est de la culture Vine, en dehors des entertainers, il a une vaste communauté d’artistes qui ont, pour la plupart, découvert le potentiel de la plateforme à travers les Vines d’Adam Goldberg. J’en connais personnellement beaucoup et ils sont encore assez inconnus, mais leur art est sans limite…Gooree, Meghan Doherty, HalBot, frinothajino, Maris Jones, Big Red, Johnny Mc Hone, Lunar Mayor en sont quelques uns.

Simon Robic, co-fondateur de la solution Bringr et spécialiste du social media marketing, nous disait il y a quelques semaines que les marques qui ne voient les réseaux sociaux que comme un canal de diffusion de leur message vont « dans le mur ». Etes-vous d’accord avec cette idée ? A quoi doit servir Vine pour une marque ?

Les réseaux sociaux ne sont clairement pas un simple canal de diffusion. C’est avant tout un canal d’engagement qui peut générer énormément de business pour les marques qui l’ont compris. Les marques, et leurs agences, doivent repenser leurs façons d’adresser leurs audiences. Certaines l’ont déjà fait avec plus ou moins de succès. Et l’expérimentation reste la meilleure stratégie à l’heure actuelle.

Pour vous, qu’est-ce qu’une bonne campagne menée sur Vine ? Avez-vous un exemple en tête ?

Le meilleur moyen d’utiliser Vine pour communiquer sur sa marque/ses produits est de faire de l’endorsement. Vine a ceci de particulier que le Viner est également le media. Contrairement aux Youtubers ou aux chaines Youtube, Viner (le verbe) ne nécessite pas une grosse production (même si il y a une réelle tendance) et peut être réalisé en quelques minutes avec son iPhone. Le Viner connaît bien son audience et s’il perçoit bien la marque, il pourra l’intégrer aisément dans son histoire, ce qui produira quelques effets bénéfiques : affinité, sympathie, followers, engagements… La plupart des grandes marques américaines (Chrysler, Visa, McDonalds, HP, GE…) s’y sont mises et utilisent les Viners en porte-paroles créatifs. Ce qu’il manque c’est un bon storytelling. Nous avons déjà réalisé 6 campagnes avec Vine dont les 2 premières au monde pour Orange (le lancement de la 4G #4G6s avec 4 humoristes le 17 avril 2013 et #CannesOnVine avec Adam Goldberg durant le Festival de Cannes un mois plus tard pour promouvoir les liens d’Orange avec le cinéma). Nous avons célébré le premier anniversaire de Vine avec les armstrongVineAwards puis enchainé avec la campagne Deezer #Vineception, faisant appel à plusieurs Vine Stars (Jerome Jarre, Rudy Mancuso, Us the Duo, Meagan Cignoli, Ian Padgham, Kefera…) avec une histoire reliant les 10 Vines produits en 10 jours… (4M de loops). Notre plus gros succès fut sans contestation la couverture de la Coupe du Monde en Vines avec Lego pour L’Equipe (14M de loops). Plus récemment nous avons imaginé le premier #VineWalk pour Vogue durant la VFNO Parisienne.

On parle de plus en plus du fait que les marques doivent faire de leurs consommateurs des co-créateurs de leurs campagnes. Le réseau social Vine permet-il à cette stratégie marketing de se développer ?

Disons que cela permet de générer des interactions, de la participation et du contenu à moindre frais. Mais tout le monde n’a pas le talent créatif. Et la plupart des utilisateurs restent des consommateurs avant tout. Si votre produit ou vote marque s’adressent à une communauté très créative alors oui, cela peut avoir un grand intérêt, mais lorsqu’on parle au grand public, cela reste plus limité à mon sens.

Quelle évolution attendez-vous et espérez-vous pour Vine dans les mois à venir ?

Ils mettent à jour régulièrement et ajoutent de nouvelles fonctionnalités qui permettent à la plateforme d’être encore plus accessible. Ce qui est un signe de grande vitalité. Je pense que la plateforme par son addiction pourrait bien devenir mainstream d’ici 2 ans pour la consommation de divertissements ultra courts.