Visibrain : Bad Buzz, « Les moins de 35 ans font attention à tout, il n’y a pas de détails pour eux » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 26 Jan 2017 à 12:52
On ouvre le dossier des bad buzz !
Et si vous tentiez de passer une année 2017 sans bad buzz ? Bénédicte Matran, Responsable communication chez Visibrain, et Nicolas Vanderbeist, chercheur spécialiste en relations d'influence et assistant-doctorant à l'Université Catholique de Louvain, décryptent le sujet avec nous !

En ce début d’année 2017, Visibrain, plateforme de veille des médias en ligne, a dévoilé une étude faisant le point sur les bad buzz ayant marqué l’année 2016. Aujourd’hui, Bénédicte Matran, Responsable communication chez Visibrain, et Nicolas Vanderbeist, chercheur spécialiste en relations d’influence et assistant-doctorant à l’Université Catholique de Louvain, répondent à nos questions pour vous aider à gérer les couacs de communication dans les mois à venir, particulièrement auprès de la jeune génération. Place à l’interview de la semaine !

Air of Melty : Quels sont les bad buzz qui ont marqué l’année 2016 ? Etait-ce une question de contenus, de forme ou de plateforme mal maîtrisée ?

-Bénédicte Matran, Responsable communication chez Visibrain : D’après ce que nous avons pu voir dans notre étude des bad buzz en 2016 menée avec le chercheur Nicolas Vanderbiest, la crise qui a le plus marqué les internautes est celle d’I-Tele. La durée et les conséquences de la crise ont contribué à marquer durablement les esprits. La chaine du groupe Canal + ressort très marquée par cette crise. Je pense que le grand public a ainsi pu se rendre compte à quel point un bad buzz peut nuire à une organisation.

-Nicolas Vanderbeist, chercheur spécialiste en relations d’influence et assistant-doctorant à l’Université Catholique de Louvain : Les Bad Buzz ont tous marqué à leur façon l’année 2016. Ils sont pour moi tous des unités formant un tout et permettant de prendre le pouls de la population : quelles sont les valeurs que les gens ont envie de défendre, quelles sont les problématiques des entreprises, etc. Il est également difficile d’attribuer la cause d’un bad buzz à un type d’erreur en particulier comme le contenu, la forme ou la mauvaise maitrise des plateformes.

Air of melty : Les bad buzz ont-ils évolué par rapport à l’an passé ?

N.V : En soi, pas énormément. On assiste en réalité à une standardisation des cas autant au niveau du nombre de crises que des formes qu’elles adoptent. Nous pouvons peut-être pointer l’accroissement du nombre de crises dont l’origine se passe en ligne, qui est, lui, en croissance.

Air of melty : Comment une marque peut-elle aujourd’hui éviter le bad buzz ? Et quand il est trop tard, comment le gérer ?

-B.M : Pour l’éviter ou du moins atténuer au maximum un bad buzz, il n’y a qu’une seule solution, c’est surveiller. Savoir ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux, savoir ce que les médias et les internautes disent sur votre marque. Visibrain, en tant que logiciel de veille médiatique, a sorti un nouveau système d’alertes qui a pour but de prévenir un utilisateur en cas d’activité anormale autour de sa marque. C’est très précieux car les alertes permettent au communicant d’être le premier à savoir. En cas de crise, c’est la base. Une fois que la crise survient, il y a plusieurs manières de la gérer. Ces dernières dépendent beaucoup du contexte et de l’image de marque. Mais voici quelques conseils généraux essentiels : Être parmi les premiers au courant, nous l’évoquions, pour pouvoir mobiliser les équipes dédiées et préparer une réponse adéquate. Il faut ensuite bien comprendre d’où vient le problème et comment le buzz s’est répandu dans une communauté ou d’une communauté à une autre. En ce qui concerne la réponse à adopter, si l’entreprise décide de répondre, de manière générale, il ne faut pas chercher à se justifier par tous les moyens : il convient d’apporter une explication, s’excuser au besoin et de montrer de l’empathie. En somme, prouver que le problème a été pris au sérieux et va être géré. Si des détracteurs particulièrement véhéments ont été identifiés, il est aussi possible de s’entretenir directement avec eux pour comprendre le problème et calmer la situation.

-N.V : Une fois qu’un bad buzz arrive, il est très difficile d’inverser la tendance et ceux qui disent pouvoir le faire sont dans le mensonge. Pour éviter le bad buzz, il reste de bons réflexes en amont (veille, définir sa plateforme de marque, sensibiliser les employés, etc.) mais ils ne sont pas un vaccin anti-bad buzz. Dans la gestion des bad buzz, je pointe généralement les 5 sens essentiels à une bonne gestion : Aller au-delà du bruit. Buzz veut dire bourdonnement. Pour autant, il faut définir les communautés qui s’expriment. Si je suis une marque de viande et que je me fais attaquer par des végétariens, cela n’a pas forcément une grande importance; Identifier les actifs en jeux. Crisounette ne veut pas dire crise; L’importance de tirer les vrais enseignements. Pour que l’origine de la crise ne soit plus un problème à l’avenir; L’importance du détail; L’importance d’être ouvert sur le monde qui nous entoure, à la fois dans le flux d’actualité et dans l’identification de valeurs importantes.

Air of melty : Les Bad Buzz affectent-ils l’image d’une marque sur le long terme ou les consommateurs passent-ils (relativement) vite l’éponge ?

-B.M : Il y a différentes crises et donc différentes ampleurs. Une crise peut être éphémère : c’est-à-dire durer quelques jours et être rapidement oubliée. C’est le cas de 74% de celles recensées en 2016. Ensuite, elles peuvent être plus importantes, de type « moyen ». Dans ce cas, l’impact visible est conséquent et la crise peut marquer l’entreprise jusqu’à changer son organisation ou sa vision. Le public se souvient encore de ces crises, c’est le cas de 19% de celles de 2016. Enfin, une crise peut être grave : cette année la proportion des crises graves a augmenté +3%. C’est le pire cas de figure pour une entreprise. Son image en est durablement affectée et son fonctionnement également, ce sont aussi des crises plus longues que les deux précédentes.

-N.V : Un bad buzz doit être considéré comme un signal d’alerte. Il est rare que les bad buzz aient des conséquences importantes sur les actifs principaux (réputation, chiffre d’affaires, etc.) mais si la situation vient à se reproduire, cela peut devenir un marqueur indélébile dont il est difficile de se défaire.

Air of melty : Qu’en est-il des Millennials ? Comment éviter les faux pas auprès de cette cible ?

B.M : La seule différence avec les Millennials, c’est qu’ils sont ultra connectés donc un faux pas envers cette cible est fatal et peut très vite se répandre à d’autres sphères. Aussi, je dirais qu’il faut adopter leurs codes sans être trop « caricatural » au risque de les offenser. La marque risque d’être la cible de moqueries comme des parents qui essaient de parler le même langage que leurs enfants par exemple.

Air of melty : Les moins de 35 ans sont-ils encore plus intransigeants que leurs aînés à l’égard des marques ou, au contraire, plus tolérants, plus compréhensifs ?

B.M : L’internaute est par essence intransigeant. Pour le public, l’entreprise est omnisciente et si elle fait une erreur, c’est parce que c’est elle « la méchante ». De fait, le public s’attend à ce que les entreprises soient en phase avec le climat social et l’actualité du moment et les prennent en considération dans leurs communications. Par exemple, en pleine période de tensions autour de la question des migrants en Europe, Decathlon a connu un bad buzz suite à une campagne d’affichage sur des « cartouches spéciales migration » … Les moins de 35 ans, à l’instar de leurs ainés, font attention à tout, il n’y a pas de détails pour eux. La différence, c’est peut-être que désormais ils ont pris le pli de signaler les faux pas directement en ligne au lieu d’appeler comme avant un responsable de magasin pour se plaindre par exemple.

Air of melty : Qu’est-ce qui, selon vous, devrait marquer l’année 2017 en matière de marketing ?

-B.M : Je pense que 2017 sera l’année du live. C’est déjà le cas bien sûr mais la tendance ne peut que se renforcer. Entre Snapchat, les stories Instagram, les Facebook Live ou Périscope, il ne s’agira même plus de poster sur les réseaux sociaux, il s’agira de « vivre » sur le réseau social. Les marques vont devoir prendre le virage du live et réussir à faire transparaître l’image qu’elles souhaitent à travers cette nouvelle tendance. C’est très puissant mais aussi très dangereux. Quelques exemples comme des suicides filmés en Facebook Live, montrent toutes les possibilités de Bad buzz que cette tendance ouvre pour les entreprises…

-N.V : On a vu émerger un certain nombre de crises se basant sur des éléments faux de bout en bout. C’est un véritable défi pour les organisations : il ne faut plus uniquement prêter attention aux risques possibles et cartographiables mais aussi à l’émergence de faux éléments qui surgissent de nulle part et qui deviennent rapidement partagés. Pensons au faux communiqué de Vinci ou à la fausse lettre de Bagelstein : la crise peut également venir d’éléments extérieurs totalement imprévus.