Comforth Karoo, “Avec la crise, les 18-35 ans sont frustrés dans leurs habitudes de consommation” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 07 Jan 2021 à 12:27
Pour la première interview de la semaine de 2021, Céline Rauscher, Associate Partner et responsable de la practice Marketing de Comforth Karoo, nous parle de l’effet de la crise sanitaire sur la digitalisation des marques en France. Après une année 2020 placée sous le signe de l’accélération, place à la confirmation !

On le sait, l’année 2021 promet d’être placée sous le signe du eCommerce voire du Social Commerce (grande tendance des mois à venir), avec pas moins d’un jeune sur trois qui prévoit de moins se rendre en magasin qu’avant la crise. Mais les marques en France sont-elles prêtes pour un tel chamboulement ? Céline Rauscher, Associate Partner et responsable de la practice Marketing de Comforth Karoo, chargé d’accompagner les entreprises dans leur transformation digitale, répond à nos questions à ce sujet.

-Air of melty : Pouvez-vous nous présenter Comforth Karoo ?

Céline Rauscher, Associate Partner et responsable de la practice Marketing de Comforth Karoo : Comforth Karoo accompagne ses clients dans leur transformation digitale, du conseil métier à l’implémentation de solutions Salesforce. Nous intervenons à toutes les étapes des projets en nous focalisant sur l’optimisation de la performance des usages métier via l’accélération du développement d’applications interconnectées pour faciliter les échanges. Nous assurons également la performance des processus métiers de nos clients en formant leurs collaborateurs aux nouvelles technologies déployées. L’ensemble de nos 200 consultants certifiés sur la solution sont répartis par practices spécialisées par métiers afin d’adresser spécifiquement les différentes directions des entreprises, et notamment, les directions commerciales, relation client et marketing.

-Air of melty : Qu’est-ce qui a changé entre le premier et le deuxième confinement pour les marques ? Le second confinement a-t-il été plus facile à vivre ou, au contraire, plus compliqué ? Pourquoi ?

C.R : Le premier confinement a été très difficile à vivre pour les marques car la plupart d’entre elles n’avaient pas mis en place les solutions digitales permettant de compenser en moins en partie la fermeture des magasins physiques. Elles ont donc subi une grosse perte de chiffre d’affaires qui a mis à mal des secteurs déjà très fragilisés comme le prêt à porter. Les marques Camaïeu, Naf Naf, Celio, André et la Halle ont été placées avant l’été en redressement judiciaire ou procédure de sauvegarde. Le eCommerce malgré sa forte croissance n’a pas permis de compenser les ventes perdues. Il est encore un peu tôt pour établir le bilan du second confinement mais il semble avoir été moins difficile car les marques ont pu pour la plupart proposer des systèmes de click and collect et call and collect qui ont permis aux enseignes de garder une activité en boutique, certes dégradée mais salvatrice, mais il a aggravé l’état de la trésorerie.

-Air of melty : À quel point la crise du Covid a accéléré (et continue d’accélérer) la digitalisation en France ? Comment les marques cherchent-elles à se réinventer pour garder le lien avec leurs clients ?

C.R : Les marques qui n’avaient pas achevé leurs transformations digitales sont celles qui ont le plus souffert du confinement. Les marques avaient toutes déjà conscience, avant la crise du Covid, de l’importance de cette transformation, mais elles ont réalisé que c’était une question de vie ou de mort. Les marques doivent évidemment mettre à disposition des consommateurs un panel très large de consommation digitale et phygitale : site eCommerce performant, solution de click and collect efficace, prise de commande via le service client, bonne gestion de bout en bout de la livraison, mais ce qui est essentiel et qui a souvent été négligé, c’est la maitrise de la donnée client. Beaucoup de marques ont totalement délégué des missions essentielles, telles que le service client ou les communications marketing et se sont privées d’informations fondamentales concernant leurs clients, les empêchant de construire la vue 360 regroupant l’ensemble des interactions des clients avec la marque quel que soit le point de contact. Les marques qui cherchent à se réinventer vont proposer à leur client une identité de marque déclinée par typologie de clients (ou tribus) en proposant des contenus personnalisés, ainsi que des communautés permettant aux clients d’échanger entre eux sur les produits et leur utilisation. Il est également indispensable d’avoir une gestion cohérente des offres et contenus proposés quel que soit le canal ou le point de contact, un client qui a reçu une offre par mail doit pouvoir en bénéficier en magasin et la retrouver en bannière sur le site web dès qu’il s’identifie.

-Air of melty : Comment repenser l’expérience client en cette période si compliquée ?

C.R : On peut constater que les marques ont très peu communiqué en ligne sur la réouverture des magasins, il me semble que c’était une grande opportunité pour elle d’adopter une stratégie drive to store. Il faut que les marques puissent s’adapter avec agilité au contexte très mouvant de cette période afin d’orienter la communication digitale sur les contenus en ligne lorsqu’il faut valoriser l’eCommerce et les offres en magasin drive to store lorsque les magasins sont ouverts.

Il est également indispensable de ne pas négliger les réseaux sociaux tout d’abord sur l’écoute afin de dégager les tendances en termes de réputation ou à la suite du lancement d’un nouveau produit. C’est également un canal de vente, qui même s’il est encore émergeant en France (31% des français l’ont déjà expérimenté) peut représenter une nouvelle source de chiffre d’affaires. Et enfin pour traiter rapidement les posts des consommateurs qui l’utilisent désormais comme un canal de réclamation à part entière.

-Air of melty : À quoi aspirent les consommateurs au sortir du confinement ? Quelles sont leurs attentes à l’égard des marques ?

C.R : Le confinement n’a pas réellement créé de nouvelles attentes mais il a grandement accéléré certaines tendances préexistantes qui perdurent au moment du déconfinement. La plus importante d’entre elle est certainement l’aspiration à l’autonomie des consommateurs dans l’alimentation avec l’envie de cultiver et cuisiner soi-même ce qu’on achetait auparavant, dans les ressources énergétiques avec la pose de panneaux solaires à domicile par exemple et dans l’aménagement de l’univers familial avec le Do It Yourself déjà très tendance mais également tout ce qui touche à la récupération et à la réparation des objets existants. Les clients vont donc attendre des marques une expérience qui soit en accord avec ces tendances soit en termes de produits proposés (jardinage, cuisine, DIY, …) que liée à l’éthique de ces marques.

-Air of melty : En particulier, quels conseils donneriez-vous aux enseignes et commerçants qui cherchent à toucher efficacement les 18-35 ans ? Quels sont les éléments à privilégier et les erreurs à éviter ?

C.R : Les 18-35 ans sont frustrés dans leurs habitudes de consommation, ils veulent retrouver le rituel du shopping en groupe le week-end, ils ont besoin de se retrouver à nouveau dans un univers de tendances et de codes qui leur ressemblent. Il faut cependant veiller à éviter de tomber dans l’excès ou la caricature. Les Millenials sont sensibles aux efforts faits par les marques pour parler leur langage mais lorsque c’est réalisé avec subtilité. Les slogans qui reprennent un vocabulaire trop familier ou mal utilisé vont avoir l’effet inverse et rendre la marque peu crédible voire mercantile. Les jeunes adultes souhaitent également un engagement éthique des marques (impact carbone, conditions de travail, sexisme, …).

-Air of melty : Selon vous, quelles sont les nouvelles stratégies marketing qu’il sera capital d’adopter au cours des mois à venir ?

C.R : Les aspirations des consommateurs commencent à être identifiées mais nous ne savons pas encore comment cela va se concrétiser. On sait qu’il faut du temps avant que de nouvelles formes d’offres se mettent en place (2 à 3 ans) avant de répondre aux désirs des clients. Il semble néanmoins important d’appliquer et renforcer les bonnes pratiques que nous connaissons déjà. Les directions marketing mais aussi commerciales doivent mettre en place un CRM ou optimiser leur existant afin de structurer leur référentiel client mais aussi de disposer de solutions de marketing automation pour proposer une offre omnicanale et personnalisée et une console de service client incluant la gestion des réseaux sociaux. Ce faisant, les entreprises cassent les silos, optimisent la gestion des leads et génèrent un meilleur engagement de leurs clients.