Guillaume Villemot, « Le confinement est en train d’apporter une nouvelle façon de converser » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 07 Mai 2020 à 11:20
Guillaume Villemot, « Le confinement est en train d’apporter une nouvelle façon de converser » (EXCLU)
Au quotidien, la jeune génération a besoin d'un contact fort avec ses proches, avec des conversations qui prennent une forme et un ton bien particulier. À l'heure où le confinement chamboule toutes nos habitudes, Guillaume Villemot, fondateur du Festival des Conversations, nous donne son point de vue sur le sujet.

En cette période de confinement, particulièrement dure à vivre pour les Millennials, garder le contact et converser avec ses proches, que ce soit de façon physique ou virtuelle, c’est l’une des choses que l’on peut effectivement faire. Mais, justement, qu’est-ce qui fait parler les jeunes ? Qu’est-ce qui occupe leurs conversations ? Et où se passent leurs discussions au juste ? Guillaume Villemot, fondateur du Festival des Conversations et auteur de « Osez les conversations » répond à nos questions sur le sujet, en évoquant notamment l’impact de la crise sanitaire actuelle sur notre manière d’échanger et sur les erreurs que les marques doivent à tout prix éviter.

-Air of melty : Vous organisez fin septembre prochain la huitième édition du festival des conversations cette année. Qu’est-ce qui a changé dans nos conversations depuis la tenue de la première édition ?

Guillaume Villemot, fondateur du Festival des Conversations et auteur de « Osez les conversations » : Nous commençons à maitriser le digital et à l’utiliser comme une nouvelle fenêtre de conversation. Nous cherchons moins à faire tout en même temps et nous prenons davantage le temps de nous concentrer sur une chose à la fois, donc les conversations ont eu à y gagner. Ensuite les mouvements Nuit Debout et les Gilets Jaunes ont redonné aux français le goût de la conversation. En tout cas ils ont compris que la conversation permettait de se retrouver, de partager et d’avancer ensemble. Ce qu’il reste le plus des mouvements sur les ronds-points, ce sont les conversations.

-Air of melty : Cette nouvelle édition s’intéresse aux sujets de conversation chez les jeunes. Justement, quels sont-ils ? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

G.V : Pas encore car nous lançons les enquêtes au travers des implantations de l’@gence des quartiers pour justement comprendre les sujets de conversation chez les jeunes et aussi, au-delà des sujets, quels sont les lieux ou les médiums de la conversation. Ce qui semble en tout cas arriver c’est une langue commune qui naît, entre autres, de la musique et de la street culture qui favorisent l’émergence d’un langage commun plus simple et plus partageable entre les jeunes et ce quel que soit leurs origines sociales et géographiques. Le succès d’artistes comme Kery James, Grand Corps Malade ou Ladj Ly au cinéma en est la preuve.

-Air of melty : En quoi les jeunes conversent-ils d’une manière particulière en 2020 ?

G.V : Ils sont nés avec les réseaux sociaux comme univers de conversation, maîtrisé et déjà présent dans leur quotidien dès leur naissance, donc ils savent utiliser ces espaces comme des lieux de conversation. Il faut leur donner le goût de toutes les formes de conversations et leur permettre de découvrir les joies et les bonheurs des conversations physiques. Le digital aujourd’hui est une sorte d’écran protecteur qui empêche de se livrer complètement, voire qui conduit à tous les excès, car on se sent comme protégé par une forme d’impunité, on doit les aider à casser la glace et à prendre le risque des conversations physiques, découvrir les conversations IRL (In real Life).

-Air of melty : Peut-on dire que l’on converse via les réseaux sociaux ou s’agit-il d’un autre genre d’échange ?

G.V : On débute une conversation sur les réseaux sociaux mais tout l’enjeu est bien de faire en sorte que l’on apprenne à la prolonger autrement c’est à dire en se voyant. Les réseaux sociaux font désormais partie comme le téléphone en son temps de la panoplie de nos outils de conversations.

-Air of melty : On parle beaucoup du fait que les jeunes se détournent doucement mais sûrement des réseaux sociaux qui s’appuient sur le like pour se tourner davantage vers des nouvelles applications où ils peuvent communiquer de façon plus spontanée et plus authentique. Le remarquez-vous également ?

G.V : Effectivement. Snapchat, Telegram, WhatsApp sont des nouveaux espaces pour les conversations. Facebook permet de se montrer, de s’étaler, on y parle plus de soi même que l’on ne parle avec les autres, c’est probablement pour cela que les autres réseaux remportent un certain succès, ils sont des outils conversationnels.

-Air of melty : Si vous deviez donner 3 conseils aux marques pour bien converser avec les jeunes en 2020, quels seraient-ils ? Quelles sont, selon vous, les 3 erreurs à éviter, à l’inverse ?

G.V : Une conversation ne peut pas se décréter et une marque comme un être humain ne peut pas décider en déclarant simplement « je veux converser avec vous ». La conversation repose sur la confiance entre tous les participants, la conversation nécessite de prendre du temps, certes certaines marques peuvent se targuer d’avoir une communauté importante sur les réseaux sociaux mais cela n’est pas suffisant. Les marques qui sont en capacité de converser sont les marques qui deviennent des sujets de conversations, ce qu’a su faire par exemple Starbucks qui a suscité de la part de ses clients en Suède la création d’une application liée à son réveil et favorisant le trafic dans les Starbucks. L’enseigne sait aussi créer les conditions de conversation en créant des espaces où les clients peuvent venir se retrouver et converser. La stratégie autour de l’écriture des prénoms sur les gobelets qui génèrent des photos postées sur Instagram sont autant de sujets de conversation lancés et accompagnés par la marque.

-Air of melty : En quoi le confinement chamboule actuellement les conversations des jeunes Français ? Est-ce que ce chamboulement est parti pour se prolonger au-delà du confinement ?

G.V : Le confinement est en train d’apporter une nouvelle façon de converser. D’abord nous sommes dans un espace clos donc pour ceux qui ne sont pas seuls ils sont « contraints » de converser avec les personnes de leur entourage. Ensuite, on redécouvre le bonheur des mots prononcés qui vient remplacer les mots écrits et lus. Depuis le début du confinement on enregistre une hausse des appels téléphoniques ainsi que l’usage des applications comme Zoom, Skype ou autre car on a besoin à minima de s’entendre et si possible de se voir. Quand un SMS ou un WhatsApp écrit était suffisant il y a encore un mois, on éprouve désormais le besoin de s’entendre et/ou de se voir. Ce temps de confirment nous oblige aussi à nous entendre nous-même et à entamer des conversations intérieures : on constate une recrudescence des cours de yoga ou de méditation en ligne au-delà de leurs bienfaits réels ; ce sont aussi des occasions de (re)apprendre à s’écouter et à s’entendre. On sent que l’envie générale est que le monde d’après le confinement soit différent de ce qu’il était avant cette pandémie. Souhaitons que les conversations puissent profiter de cette période pour savoir s’imposer comme une pratique essentielle au monde de demain.

-Air of melty : Comment voyez-vous les conversations évoluer ces prochains mois et ces prochaines années ?

G.V : Elles restent fragiles mais, au regard des dernières années avec le succès du Festival des Conversations, des éléments tendent à me rassurer et à montrer que l’on garde le goût des conversations Il faut simplement que nous restions vigilants et que nous ne pensions pas que le débat est une forme de conversation, ce n’est pas le cas. Je voudrais désormais que l’Education Nationale s’empare aussi de ce sujet et crée des modules de conversation dans les écoles, c’est très tôt qu’il faut donner le goût des conversations.