La Larme Verte, “Pour avoir un impact réel sur notre génération, Instagram est le réseau social principal à investir” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 18 Juil 2019 à 11:41
La Larme Verte, “Pour avoir un impact réel sur notre génération, Instagram est le réseau social principal à investir” (EXCLU)
À l’heure où l’on parle de plus en plus d’une jeune génération engagée, nous avons justement voulu donner la parole à une jeune engagée Suzon Kerfourn, 16 ans, a lancé il y a quelques mois son compte Instagram @lalarmeverte, avec lequel elle tente de faire prendre conscience aux jeunes de l’urgence de la situation environnementale. Elle nous parle de son engagement et de sa génération.

Les études s’enchaînent et se ressemblent en ce qui concerne la jeune génération. Toutes montrent que les Millennials sont déçus du manque d’engagement des marques qu’ils consomment au quotidien, que ce soit sur le plan environnemental comme sociétal. Dans ce contexte, nombreux sont les jeunes qui décident d’agir directement pour sensibiliser le grand public aux causes qui leur touchent à coeur. C’est ainsi que naît progressivement une génération de Philantrokids, comme on en a déjà parlé. Suzon Kerfourn, jeune créatrice du compte Instagram La Larme Verte, nous parle de son combat écologique.

-Air of melty : Pourquoi as-tu créé le compte @lalarmeverte : un déclic ou une prise de conscience progressive ?

Suzon Kerfourn, créatrice du compte @lalarmeverte sur Instagram : On le sait bien, ça fait des années que les climatologues s’affolent et nous disent qu’il est temps d’agir. On va bientôt être obligé de survivre. J’étais très frustrée de me dire que, en tant que jeune, je ne peux rien faire. Qu’est-ce que je peux faire à mon échelle, à part être écolo chez moi ? Comment je peux faire la différence, essayer de faire changer les choses de manière plus concrète ? Je me suis longtemps posée la question sans vraiment trouver de réponse. Un soir, alors qu’on venait d’avoir une discussion un peu mouvementée au sujet de l’écologie avec des amis et mes parents, l’idée est venue : créer un symbole qui lierait les gens pour une meilleure information et sensibilisation. Car le plus gros de l’écologie passe par l’information et la sensibilisation. J’ai cherché un jeu de mot sympa et c’était parti ! Je me suis dit que c’était très symbolique que les jeunes puissent se peindre une larme verte sur le visage pour montrer qu’ils sont inquiets pour leur avenir et conscients des enjeux éco-climatiques et qu’ils décident aujourd’hui d’agir.

-Air of melty : D’où vient le nom de ton compte : la larme verte ?

S.K : C’est un jeu de mot entre une alarme et une larme verte qui m’est venu en 30 minutes à peine. Je cherchais quelque chose d’accrocheur que les gens pourraient retenir et garder en tête. Le fait de dessiner la larme sur mon visage est venu en même temps que l’idée du nom. Je suis triste pour la planète d’où la larme verte et je tire la sonnette d’alarme.

-Air of melty : Comment s’est passée la création du compte Instagram ?

S.K : J’en ai d’abord parlé à mes parents, qui sont très écolos eux aussi, et ils étaient d’accord avec moi sur le fond et la forme. J’avais conscience du fait qu’on ne peut pas mener tous les combats en même temps. Il faut se concentrer sur ce qui est possible à notre échelle. En tant que jeunes, on n’a pas d’impact politique, on ne se sent pas forcément légitimes pour parler de certains sujets. Je me suis dit que je pourrais être une informatrice, une enseignante à l’écologie en partageant mes astuces écolo. C’est une manière de préparer les nouvelles générations à être écolo dans le futur. Sur notre compte Insta, les 16-25 ans sont la cible que l’on touche le plus. On peut inciter cette génération à plus éco-responsable dans son futur métier ! Ce sera déjà un gros combat de gagné.

-Air of melty : Pourquoi Instagram t’est apparu comme étant la plateforme idéale pour prendre la parole ?

S.K : C’est la plateforme idéale parce qu’il y a tout le monde. Tout le monde est sur Instagram. C’est un réseau social qui regroupe et qui fédère. C’est souvent là-dessus que des communautés se créent. C’est aussi une plateforme très visuelle et très intuitive. On peut tout faire sur l’appli : on peut partager des photos, des vidéos, relayer des contenus d’autres utilisateurs, commenter, discuter, etc. Tout est très pratique. Pour avoir un impact réel sur notre génération et pour le combat qu’on mène, Instagram est le réseau social principal à investir.

-Air of melty : Comment vous utilisez Instagram pour rassembler le grand public autour de votre idée ?

S.K : On a une sorte de ligne éditoriale. Chaque jour, ou presque, on parle d’un sujet grave d’écologie qui fait couler nos larmes. En parallèle, on donne des astuces écolo et des habitudes à prendre pour que tout le monde agisse directement dans son quotidien et pour qu’on puisse tendre vers un monde plus éco-responsable. Et puis on partage aussi des oeuvres d’art en lien avec l’écologie et des interviews sur le sujet de l’environnement. On essaie d’apporter beaucoup d’informations aux gens qui nous suivent.

-Air of melty : Considères-tu que ta génération se sent concernée par le sujet de l’écologie ? Ou est-ce qu’il faut essayer de l’intéresser ?

S.K : Je pense que ma génération se sent très concernée. On est une génération ouverte au monde grâce aux réseaux sociaux et Internet. L’information passe très vite donc on sait les choses et on s’y intéresse. Les jeunes s’informent et sont très conscients de ce qui se passe dans le monde. Néanmoins, ils ne sont pas forcément prêts à agir. C’est là le gros problème. Chacun, par acquis de conscience, est prêt à se dire féministe, écolo, etc. Mais de là à partager des contenus et à agir en adéquation avec leurs idéaux, il y a un gros fossé qui reste à combler. C’est encore compliqué d’inciter les jeunes à agir.

-Air of melty : De ton côté, prends-tu part à des actions « in real life » également ?

S.K : Bien sûr, il n’y a pas que les réseaux sociaux et il n’y a pas que l’information dans notre projet. On mène aussi des actions diverses. On a participé à quelques Fridays For Future, on répond à l’appel de Greta Thunberg. On est aussi allées dans des écoles pour faire des mini-conférences pour discuter avec les petits et leur expliquer à leur échelle ce qui se passe dans le monde, avec des mots d’enfants pour qu’ils comprennent et pour les inciter à devenir des petits militants pour l’écologie dans leur famille. On est aussi allées dans des marchés pour offrir des graines de trèfle blanc aux passants parce que les abeilles en raffolent et qu’elles sont aujourd’hui en danger. On est allées dans les rues pour ramasser tous les mégots qu’on trouvait par terre pour sensibiliser les jeunes et les fumeurs en leur expliquant qu’un mégot c’est 500L d’eau contaminée. Et on prévoit bien sûr de redoubler d’efforts cet été. On va notamment faire des CleanWalks pour nettoyer les villes et lancer le torrent de larmes vertes. Pour dénoncer la surconsommation, on va coller des larmes vertes aux stars et aux mannequins sur les publicités pour montrer que les jeunes décident de lutter contre la consommation déraisonnée.

-Air of melty : T’engages-tu sur d’autres sujets que l’écologie ?

S.K : Bien sûr, plein de thématiques me tiennent à coeur mais je me suis uniquement engagée sur le thème de l’écologie. J’ai plein de revendications à apporter sur plein de sujets mais je crois qu’il est important de faire certaines choses bien. Et donc je peux pas m’engager partout.

-Air of melty : Est-ce que tu remarques autour de toi que les personnes de ton âges s’engagent également, même si ce n’est pas forcément pour le même sujet que toi ?

S.K : Cela dépend des amis. Mais j’ai plein d’amis qui ont des idéaux très à eux et qui défendent leur cause, qui sont très engagés. J’ai des amis qui parlent beaucoup de féminisme, d’autres qui parlent beaucoup de politique, etc. Désormais, beaucoup de jeunes ont un avis bien tranché sur les choses, sur ce qui se passe dans le monde, et ce qu’ils s’engagent ou non en fait. On défend tous, en agissant beaucoup ou très peu, quelque chose et je trouve ça très bien. Ca crée une grande diversité de pensées. Les réseaux sociaux libèrent la parole des jeunes. C’est de l’information accessible très simplement. Chacun peut donner son avis, donc chacun commence à réfléchir et à avoir un avis. Bien sûr il y a des dérives, mais je trouve la dynamique globale très positive !

-Air of melty : Quel est le message que tu veux passer à ta génération ?

S.K : C’est le dernier moment pour agir. Nos parents ont essayé d’agir, mais pas assez visiblement. C’est à nous de réparer les pots cassés et c’est à nous d’agir aujourd’hui si on ne veut pas survivre plutôt que vivre. On est dans une situation d’urgence extrême. Tout le monde trouve que l’écologie est un sujet important mais peu ont réellement conscience de l’urgence de la situation climatique. L’écologie devrait être au centre des vies de chacune et de chacun. L’écologie n’est pas optionnelle. Chacun devrait agir à son échelle et discuter d’écologie.