Médias : TOPO, « Les jeunes sont curieux, tout les intéresse, mais ils ne savent pas où chercher l’info » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 01 Sep 2016 à 09:43
TOPO est lancé aujourd’hui !
TOPO aussi fait sa rentrée en ce 1er septembre 2016 ! Ce bimestriel d'un nouveau genre débarque sur le marché pour séduire les moins de 20 ans grâce à son format BD. A l'occasion de ce lancement, Laurence Frédet, Rédactrice en chef de TOPO, a répondu à nos questions.

Il y a quelques semaines, la rédaction d’Air of melty vous faisait savoir que les réseaux sociaux constituaient aujourd’hui l’une des premières sources d’information des 18-24 ans. Mais, qu’on se le dise, cela ne veut aucunement dire que les jeunes ne lisent plus la presse traditionnelle, notamment sur le papier. D’ailleurs, en parlant de média papier, TOPO, un nouveau bimestriel de 144 pages se lance en ayant tout pour plaire à la jeune génération : l’information prend la forme d’une bande-dessinée. Tout bon pour séduire une génération bercée par l’image plus que par les mots ? Laurence Frédet, Rédactrice en chef de TOPO, répond à nos questions sur le sujet.

-Air of melty : Comment est venue l’idée de lancer TOPO ? Quel a été le déclic ? Sur notre site, on explique beaucoup que la jeune génération est plus à l’aise avec la communication visuelle que textuelle. Vous pouvez confirmer cette idée ?

Laurence Frédet, Rédactrice en chef de TOPO : Lors des attentats de « Charlie Hebdo », on a été stupéfaits du sentiment d’incompréhension des jeunes. Ils ne parvenaient pas à saisir le sens d’une caricature, la nécessité de dénoncer les injustices par l’excès du rire. Et au-delà de l’événement et des débats qu’il déclencha, on s’est dit qu’il y avait matière à proposer aux moins de 20 ans une autre grille de lecture du monde. Faire des reportages en bande dessinée, c’est confronter deux points de vu, celui du journaliste et du dessinateur, c’est proposer deux regards sur un même sujet, c’est s’ouvrir au monde. Le dessin est effectivement un excellent medium de communication.

-Air of melty : Est-ce que vous pouvez nous parler davantage de ce que contient le premier numéro qui paraît en ce mois de septembre ? Toujours des sujets de fond, qui invitent le jeune à la réflexion ?

L.F : On publie un grand reportage sur YouTube, qui montre que derrière Jhon Rachid, Squeezie ou Le rire Jaune, une économie particulièrement bien rodée s’est mise en place. On raconte aussi le parcours d’Alaa, un jeune Syrien qui, à 15 ans, a dû fuir Damas sous les bombes. Et on parle des Etats-Unis où il y a eu 372 tueries de masse en 2015 et où les armes à feu font 30 000 morts par an. Face à ces chiffres implacables, on explique pourquoi Barack Obama n’a pas réussi à légiférer sur le port d’arme. Nous avons aussi une bande dessinée qui dénonce le racisme et le sexisme dans les jeux vidéo où les héroïnes ont toujours des gros seins et les héros, la peau blanche. Il y a aussi des chroniques sur les Sex Pisols, Tyrion Lannister de « Game of Thrones » ou sur l’apparition du poil et son épilation… Le tout en 144 pages de bande dessinée. Faire réfléchir n’induit pas nécessairement une « prise de tête ». Nos chroniques s’appuient sur la culture adolescente en y puisant ses références et ses codes, certaines sont très drôles. Notre ambition, c’est de donner à nos lecteurs des outils pour comprendre le monde dans lequel nous évoluons, pour qu’ils puissent développer leur esprit critique. Apprendre à réfléchir pour être plus fort.

-Air of melty : Comment adaptez-vous votre ligne éditoriale aux moins de 20 ans, votre cible privilégiée ?

L.F : On part du principe que les jeunes sont curieux, que tout les intéresse, mais qu’ils ne savent pas où chercher l’information. Ils ont besoin qu’on leur donne les bonnes clés. TOPO en est une. Notre magazine utilise un vocabulaire simple et efficace. Les reportages en bande dessinée qui font plus de 20 pages traitent de politique, d’économie ou d’environnement à travers des sujets qui intéressent les jeunes. Nous avons beaucoup discuté à la rédaction avant d’opter pour une baseline qui précise que ce magazine est de « l’actu dessinée pour les – de 20 ans ». Car réellement, tous les jeunes y trouveront leur compte…

-Air of melty : Un magazine papier publié tous les 2 mois, c’est pour aller à contre-courant du snacking d’infos au quotidien sur le digital ?

L.F : Actualité ne veut pas dire immédiateté. Les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux ont tronqué l’actualité qui n’est plus ni pensée ni analysée. Or, sortie de son contexte, une information perd beaucoup, voire complètement de son sens. Nous, on propose autre chose : à la rédaction, on prend notre temps parce que la fabrication d’une bande dessinée est un temps long, imposé, qui produit une information réfléchie. Dans nos reportages, les informations sont systématiquement recontextualisées, inscrites dans une continuité historique pour redonner une profondeur aux événements.

-Air of melty : Est-ce que vous envisagez de publier des séries, avec le même sujet traité en BD qui reviendrait à chaque numéro pour donner un vrai rendez-vous aux jeunes ?

L.F : Un magazine est toujours ponctué de rendez-vous. Nous avons des chroniques récurrentes (De qui se moque-t-on, La Science infuse, Sans Cliché, Ça part en live) et une série « Le Meilleur des Mondes possibles » dans laquelle on partage le quotidien d’un groupe d’adolescents qui se sont rencontrés le soir des attentats du Bataclan. Cette série va nous permettre d’aborder certains sujets tels que les transgressions, les religions ou le sexe sans avoir un discours moralisateur ou surplombant. Comme nous sommes bimestriel, chaque semaine, sur le Web, on pourra lire un mini-épisode inédit de la série.

-Air of melty : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre objectif de vente et votre stratégie de monétisation ?

L.F : Nos objectifs de vente sont ceux qui nous permettront de ne pas perdre d’argent ! Compte tenu du coût assez élevé de fabrication de notre revue (dont les salaires des auteurs), il nous faut atteindre un équilibre autour de 15 000 ventes, dont un tiers sur abonnements. Ce sont nos seules sources de revenus, nous refusons de vendre des espaces publicitaires au sein de nos pages. Nous avons mené une campagne Ulule qui n’était pas, pour nous, à proprement parler une campagne « de financement », mais plutôt une campagne de pré-abonnement.

-Air of melty : A quels sujets peut-on s’attendre pour les prochains numéros ?

L.F : Sur un tee-shirt H&M, l’inscription Made in Bangladesh raconte à la fois des conditions de travail déplorables, mais aussi l’émancipation des jeunes filles qui, parce qu’elles travaillent, se marient moins jeunes. Dans notre rubrique La Question du moment, on décrypte les primaires qui permettent à tous les candidats d’un même parti de se positionner pour les présidentiels. Et on s’interroge sur Beyonce, nouvelle égérie de la cause noire. Prise de conscience politique ou stratégie marketing ? On retrouvera bien sûr nos chroniques sur les jeux vidéo la science… et notre série où après une présentation des personnages, les choses bougent ! Topo #2 sortira en librairie le 4 novembre. Et le premier numéro sort ce 1er septembre 2016 !

TOPO est tiré à 20 000 exemplaires, disponibles en librairie et chez Relay depuis ce 1er septembre 2016, au prix de 12,50€.