Pascal Nessim, « Les annonceurs doivent se fondre dans les réseaux sociaux et les hacker » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 21 Sep 2017 à 10:24
Pascal Nessim, « Les annonceurs doivent se fondre dans les réseaux sociaux et les hacker » (EXCLU)
Comment utiliser YouTube, Facebook et compagnie ? Les Millennials sont-ils vraiment des consommateurs plus difficiles que les autres ? Que réserve l'avenir à Marcel ? Pascal Nessim, co-président de l'agence, répond à toutes nos questions dans le cadre de l'interview de la semaine !

La rentrée est animée du côté de l’agence Marcel ! Alors que, d’un côté, Youri Guerassimov et Gaëtan du Peloux viennent d’être nommés Directeurs de création, de l’autre, dans le cadre de notre interview de la semaine, Pascal Nessim, co-président de l’agence Marcel, a accepté de répondre à nos questions pour faire le point sur les tendances actuelles du marketing en France : réseaux sociaux, vidéo, engagement et pertinence, tous les grands sujets du moment sont abordés !

-Air of melty : Les Cannes Lions 2017 avaient lieu en juin dernier, quelle est la tendance mise en avant lors du festival qui vous a le plus marqué et pourquoi ?

Pascal Nessim, co-président de l’agence Marcel : En fait, ce qui m’a le plus marqué à Cannes, c’est la présence de plus en plus forte de Google, Facebook, Twitter, etc. Je suis conscient qu’ils jouent un rôle très important dans l’évolution de la communication aujourd’hui, à la fois d’un point de vue culturel et d’un point de vue média mais, dans mon esprit, ils n’incarnent pas la création publicitaire. Or, Cannes est un festival qui doit récompenser le summum de la création publicitaire mondiale. J’ai l’impression que l’on a un peu perdu ça cette année. La grande roue Snapchat, les tweets sur le toit du Majestic, c’était très sympa mais ça n’est pas de la création !

-Air of melty : Quelle est la campagne publicitaire qui vous a le plus marquée cette année, au sein de votre agence et en dehors ?

P.N : J’ai trouvé que la campagne autour de Louise Delage, menée par BETC et très (peut-être trop) plébiscitée à Cannes, était très maline, simple et directe. Elle incite efficacement à se poser des questions intéressantes. Du côté de notre agence, c’est toujours délicat de parler des campagnes qui nous plaisent le plus. Personnellement, j’ai toujours un petit faible pour tout ce qui est un peu moins publicitaire, tout ce qui s’appuie sur des idées nouvelles, sur de l’innovation, des insights plus frais et plus vrais. En la matière, la campagne réalisée pour Banque Populaire, qui s’appelle « Le Coût de l’expat », est très intéressante parce que c’est la création d’un service qui permet d’aider des jeunes voulant partir à l’étranger de savoir précisément ce que ça va coûter. C’est un service qui n’existait pas jusque-là et c’est une nouvelle manière de toucher les jeunes, avec des notions d’expérience utilisateur et d’utilité fortes. Dans cette logique, une autre campagne innovante a été menée pour Groupama, baptisée « Le trajet le plus sûr ». Il s’agit d’un outil de navigation qui, au lieu de t’indiquer le trajet le plus rapide ou le moins cher, te donne le trajet qui comporte le moins d’accidents potentiels. C’est utile également et ça n’existait pas non plus jusque-là. Ce sont des campagnes qui représentent bien l’état d’esprit actuel de l’agence et ce sont deux sujets nouveaux qui sont hyper inspirants pour la création.

-Air of melty : En novembre dernier, vous disiez lors d’une interview accordée à Stratégies que YouTube est devenu la plateforme digitale la plus populaire de France et un passage obligé pour les marques. Aujourd’hui, c’est toujours aussi vrai ?

P.N : Indéniablement oui, et c’est même peut-être plus vrai aujourd’hui qu’à l’époque. J’ai l’impression que YouTube est le diffuseur de vidéos le plus puissant du moment. Ce que je veux dire par là, c’est que c’est une plate-forme très populaire dans l’usage : tout le monde utilise YouTube pour un contenu ou un autre. En cela, c’est un terrain incontournable pour les marques et c’est génial car ça permet de réinventer les formats, avec des agences et des créatifs qui se sentent moins bloqués et moins frustrés qu’en affichage ou en diffusion TV. Les investissements des clients vont clairement vers le digital et tout le monde s’accorde à dire que c’est le format vidéo qui est en train de tout remporter. Donc on en revient à la puissance de YouTube qui a une belle carte à jouer, non ? C’est un système qui tourne à plein.

-Air of melty : Quid des autres plateformes telles que Snapchat, Facebook et Instagram, qui misent également toujours plus sur la vidéo ?

P.N : Il faut effectivement aujourd’hui envisager la vidéo sur le digital dans son ensemble. En fait, ce qui est intéressant dans ces plate-formes, c’est que l’annonceur doit se fondre dans ces réseaux. On ne peut pas du Facebook sur YouTube et on ne peut pas mettre une vidéo YouTube sur Snapchat, ça n’a aucun sens. Ce qui nous excite à travers ces plate-formes, c’est de les hacker, de voir comment on peut en jouer au maximum. Chacun de ces réseaux sociaux apporte une culture donc, pour nous, c’est une richesse et un terrain de jeu supplémentaires. Je pense qu’ils ont encore de très beaux jours devant eux parce que tous les annonceurs en veulent toujours plus en la matière, en voyant (à juste titre) ces plate-formes comme de réels médias. Des médias dont il faut par contre s’assurer de respecter les codes et les formats.

-Air of melty : Si vous deviez donner trois conseils pour aider une marque à bien utiliser les réseaux sociaux, quels seraient-ils ?

P.N : Le premier conseil est de s’y intéresser vraiment. Le problème des réseaux sociaux, c’est qu’ils évoluent très vite et que toutes les marques ne sont pas au même niveau de maturité. En 2017, certaines marques et certains annonceurs te disent encore qu’ils veulent recruter des fans. D’autres, à l’inverse, ont bien compris que ces plate-formes étaient des médias et veulent donc faire moins mais mieux. Moins de posts mais qui ont une véritable résonance, qui génèrent un réel engagement. La deuxième chose importante, c’est que les marques doivent se dire qu’elles ne sont plus chez elles, quand elles communiquent sur ce terrain du social : quand L’Oréal communique sur Snapchat, ce n’est pas la même chose que quand la marque communique sur loreal.com. Elle se retrouve dans le fil d’actualité de quelqu’un qui ne l’a vraisemblablement pas choisi. Donc, en cela, il faut faire preuve de beaucoup d’empathie pour que, quand le contenu passe dans le flux de Facebook ou Snapchat, il ne dérange pas le socionaute. Il faut bien avoir en tête que l’on s’incruste quelque part, au milieu des contenus des amis de cet internaute. Et dans cette logique, ce qui est beau, c’est que n’importe quelle marque peut devenir magique en un simple post. Enfin, le dernier conseil que je donnerais, pour justement arriver à cette magie, serait de se décrisper et de faire confiance aux agences.

-Air of melty : En quoi les Millennials constituent aujourd’hui une cible particulièrement difficile à atteindre ?

P.N : Ils ne sont pas si difficiles que ça à atteindre à partir du moment où on utilise les bons ingrédients pour les atteindre. Je dirais qu’ils sont intéressants parce que c’est la première génération qui n’aime plus la publicité, qui est hermétique aux messages traditionnels. Ils adbloquent comme des malades et ils le feraient notamment sur le terrain du social s’ils le pouvaient. Ce sont des jeunes qui ont grandi avec un mobile dans la main, avec du web à disposition, et qui sont hyper sensibles à l’expérience utilisateur et à l’engagement que les marques vont offrir. Par exemple, ils ont découvert Uber, avec une voiture qui vient juste devant eux, un chauffeur qui leur propose une bouteille d’eau et de quoi charger leur smartphone, et ils ont trouvé ça génial. En fait, c’est une cible qui n’aime pas qu’on lui raconte des conneries et qui préfère qu’on ait une approche servicielle. Qu’on se le dise, les Millennials sont hyper sensibles au fait qu’une marque ou qu’une entreprise innove en leur proposant de nouveaux services. Ils critiquent rapidement sur les réseaux sociaux quand ils ne sont pas contents, mais il y a de quoi les satisfaire sur le marché de la publicité en 2017, réellement. Pertinence et utilité doivent être les maîtres-mots pour les marques qui communiquent auprès de cette cible.

-Air of melty : On dit beaucoup que les jeunes sont plus engagés que leurs aînés. En quoi cela affecte les stratégies marketing menées auprès de cette cible ?

P.N : On recherche effectivement de plus en plus la résonance sociétale que va avoir la campagne. Les jeunes veulent consommer des marques respectueuses du monde d’aujourd’hui. Dans cette logique, on voit par exemple que Contrex, avec qui on travaille, est passée d’une marque pour aider à maigrir à une marque qui s’engage auprès des femmes. Quand je travaille pour Marc Dorcel, c’est sociétal : le porn fait tourner le monde sauf que personne n’ose en parler. Toutes les campagnes qu’on a fait avec la marque, c’est, du coup, des opérations qui poussent le grand public à assumer qu’ils regardent du contenu pour adultes. On essaie toujours de raccrocher nos sujets à une dimension sociétale parce que c’est cela qui fait aujourd’hui la résonance auprès du grand public.

-Air of melty : Dans les prochains mois, qu’est-ce qui attend l’agence Marcel ? Sur quoi voulez-vous accélérer ?

P.N : Marcel, c’est ce que j’appellerais une agence liquide, qui vit et qui change au jour le jour parce que nos métiers changent au jour le jour. Au niveau international, le réseau s’agrandit avec des agences ouvertes en Inde, en Australie ou encore au Brésil et aux Etats-Unis que l’on veut consolider. Concernant l’agence de Paris, on est en transformation permanente avec de nouveaux talents créatifs qui donnent un nouveau souffle à la communication et qui doivent collaborer avec les créatifs déjà en place. Offline et online, tradition et innovation doivent vivre ensemble et se nourrir l’un de l’autre. Entre ces deux mondes, on a des problématiques à deux vitesses, qui font que l’on doit être des makers pour gérer au mieux ces deux rythmes et être toujours plus agiles. Et c’est certainement une tendance que l’on va exacerber dans les prochains mois. Il faut réinventer le modèle de l’agence de communication, qui ne sera plus jamais le même modèle qu’avant. En quelques mots, dans les prochains mois, on va être plus vite, plus jeune, plus malin et plus technique ! Parce qu’il faut oser, comme on l’a écrit sur nos murs en interne.