Pascale Azria, « Le confinement a fait découvrir à beaucoup de Millenials la Slow Life »(EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 25 Juin 2020 à 11:36
Pascale Azria, « Le confinement a fait découvrir à beaucoup de Millenials la Slow Life »(EXCLU)
Pour tous les aspects de notre vie, et surtout de notre consommation, il y aura vraisemblablement un avant et un après confinement. Et c'est notamment vrai pour le secteur food. À ce sujet, Pascale Azria, Présidente du SCRP et Directrice associée de l'agence Kingcom, décrypte les tendances du moment, entre nouvelles priorités pour les consommateurs et besoin de s'adapter pour les acteurs du secteur.

Indéniablement, la période de confinement a été placé sous le signe de l’alimentation pour l’ensemble des Français. Et c’est particulièrement vrai en ce qui concerne les Millennials. Plusieurs études l’ont montré, les plus jeunes se sont montrés globalement plus gourmands que leurs aînés, et ils sont aussi nombreux à être devenus des cordons bleus en herbe pendant les semaines passées à la maison. Il faut dire que, pendant cette période d’isolement, l’alimentation a constitué un sujet majeur. Pascale Azria, Présidente du SCRP et Directrice associée de l’agence Kingcom, a répondu à nos questions sur le sujet.

-Air of melty : En quoi le confinement et la crise sanitaire ont-ils transformé le rapport des Français à l’alimentation ?

Pascale Azria, Présidente du SCRP et Directrice associée de l’agence Kingcom : On observe en premier lieu des crispations toujours plus fortes sur le pouvoir d’achat et l’innocuité des produits. Ce sont les premiers impacts de la crise sanitaire et économique. Mais la manière dont les français désirent consommer a aussi été bouleversée. On détecte des attentes de plus en plus fortes en ce qui concerne les “bons” produits : made in France voir local, bio, authenticité, qualité… La crise a permis de montrer la viabilité de certains modèles agro-alimentaires et de recentrer les critères sur l’essentiel. Enfin, les parcours d’achat ont été adaptés, avec l’apparition de nouveaux canaux (drive et e-commerce en tête) ou encore la favorisation des réseaux de proximité pour soutenir ses commerçants…

-Air of melty : Ces changements sont-ils partis pour s’installer sur la durée ?

P.A : Ces changements structurels devraient se maintenir au moins le temps de la crise économique et sanitaire. En revanche, il faut aussi compter avec la diversité de profils des français. Les populations les plus fragilisées économiquement par cette crise arbitreront logiquement en faveur du prix si le bio/made in France est trop cher. À l’inverse, des populations moins impactées pourraient maintenant s’y intéresser. Certains retourneront par facilité ou absence de convictions à leurs vieilles habitudes. Les marques doivent être particulièrement attentives à la manière dont leurs consommateurs ont vécu le confinement pour comprendre leurs attentes spécifiques.

-Air of melty : Plusieurs études montrent que les Français, et notamment les Millennials, ont l’intention de changer leurs habitudes alimentaires en se tournant davantage vers des produits sains, locaux, bio et zéro déchet par exemple. Est-ce effectivement une tendance forte ?

P.A : Le confinement a fait découvrir à beaucoup de Millenials une vie plus “slow” : fait maison, retour à l’essentiel, baisse de la pollution. Aujourd’hui, 49% d’entre eux désirent une société privilégiant la protection de l’environnement quitte à être moins performante économiquement (étude MoiJeune). Oui, la tendance est forte, mais il est trop tôt pour affirmer qu’elle restera aussi puissante dans le temps. Dans tous les cas, pour les plus convaincus, cette décroissance écologique se fera avec ou sans les marques. Celles qui ne savent pas se réinventer seront graduellement remplacées. L’habitude reste un facteur important de choix d’une marque, mais au moindre scandale, les consommateurs n’hésitent plus à switcher !

-Air of melty : Quel est l’impact pour les marques ? Quelles doivent-être leurs priorités à l’heure actuelle ?

P.A : Peu importe le secteur, les enjeux sont grands dans ce “New Normal”. Il s’agit d’abord pour les marques de comprendre les nouveaux enjeux économiques et sociaux de leur activité. Ensuite, de se réaligner très vite à leurs consommateurs et aux tendances qui les animent pour s’engager pour et auprès d’eux au quotidien. De raconter ce que sera le monde de demain selon et avec eux. De recréer du lien dans un monde distancié, et évidemment d’éviter une crise dans la crise.

-Air of melty : Selon vous, la crise du retail questionne les méthodes classiques de lancement des nouveautés. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

P.A : Le retail distancié implique de réinventer le parcours consommateur, notamment pour les lancements de produits où l’expérience est primordiale. Pour faire découvrir, tester mais aussi fédérer et célébrer, les méthodes classiques ne peuvent plus suffire. L’événementialisation s’hybride sous nos yeux : on combine ultra modernité (VR, lives, visioconférences événementielles) et retour aux mécaniques d’antan (privatisation de boutiques, vente à domicile, portages postaux). Quoi qu’il en soit, c’est toujours le besoin d’accessibilité aux produits, de test, et d’événementialisation qui est au coeur de la réflexion.

-Air of melty : Quid du secteur de la restauration : comment garder le lien avec les clients en cette période délicate qui risque de chambouler à moyen terme leur manière de fonctionner ?

P.A : Beaucoup de restaurateurs ont su se remettre en question en mettant le lien avec leurs clients et le service au coeur de leur réorganisation. En repensant leur offre autour d’un plat unique journalier à emporter par exemple, ou d’une box ingrédient + recette d’un plat signature. Les canaux de distribution se sont aussi adaptés : migration sur les plateformes de livraison, menus de la semaine dans les boîtes aux lettres du quartier…. Et leur contenu aussi a évolué, entre rassurance, divertissement, recettes et échange. Ces trois aspects sont capitaux pour garder le lien et sauvegarder l’activité en attendant d’y voir plus clair sur les possibilités à moyen terme.

-Air of melty : En quoi le marketing d’influence pourra-t-il aider le secteur food ?

P.A : Les influenceurs ont passé le “test” du confinement et en ressortent plus proches de leurs communautés. Authenticité, interaction, nouveaux terrains d’expression : 76% des influenceurs ont adaptés leur contenu pendant le confinement ! Avec un ROI 11 fois supérieur à la publicité traditionnelle et leur pouvoir de recommandation, ils sont des alliés incontestables pour les marques. Leur souplesse et leur adaptabilité est un atout majeur dans un environnement mouvant, et leur connivence avec leurs communautés apporte un capital humain inestimable dans une société distancée.

-Air of melty : Enfin, de manière générale, comment voyez-vous le secteur food évoluer au cours des semaines et des mois à venir ?

P.A : Une bataille s’annonce autour des enjeux majeurs qui créeront la préférence de marque. Les français n’ont pas fini d’aimer la food, mais les réinventions sont nécessaires pour rester dans la course. On observe notamment l’émergence d’une vision du business plus écosystémique, où le cross marketing et les partenariats cross-secteur se multiplient pour encourager la résilience. La food de demain se doit donc d’être responsable, accessible, gourmande et plus que jamais créative !

Découvrez la présentation associée : Covid 19 et crise économique, entre purpose et business pour le secteur food.