Binge Watching : Le visionnage de séries en rafale par la génération Y, le phénomène analysé

Par Céline Pastezeur - Publié le 27 Juin 2014 à 21:46
Les jeunes regardent des séries jusqu’à l’excès.
Près de 9 jeunes sur 10 regardent au moins une série. Et on le sait, quand la génération Y aime, elle ne compte pas ! Depuis 2013, un nouvelle pratique, essentiellement liée à Internet et au streaming, est en plein essor : le binge watching, alias le visionnage de séries pendant des heures, des heures et encore des heures…

Hier, Air of melty vous parlait de Taxi Brooklyn, la série adaptée des films de Luc Besson et qui ne séduit pas les Etats-Unis. On se demandait alors si un échec outre-Atlantique serait synonyme de la fin de l’aventure en France également. Pourtant, en général, les jeunes sont très adeptes des séries, avec 85% des moins de 30 ans déclarant en suivre au moins une, en faisant les plus gros consommateurs du genre. Nombreux sont ceux qui suivent même plusieurs séries. Et à l’heure du streaming et de la consommation « n’importe où, n’importe quand », comme Jaimie Gutfruend l’a évoqué en analysant les dernières tendances marketing adaptées à la génération Y, un nouveau phénomène s’est justement déclenché quant à la consommation de séries : le Binge Watching. Vous vous souvenez sans doute de la (malheureuse) tendance du Binge Drinking qui consistait, pour les jeunes en quête d’ivresse intensive, à ingurgiter le maximum d’alcool fort en un minimum de temps. Et bien ici, c’est exactement la même chose : alors que de nombreux catologues et sites de streaming, Netflix en tête, proposent des milliers d’heures de séries, les jeunes se ruent dessus et enchaînent les épisodes pendant des heures entières. Une étude de TiVo, le numéro un de l’enregistrement numérique aux Etats-Unis, vient de révéler cette semaine que 91% de ses utilisateurs, dont beaucoup ont moins de 30 ans, ont déjà pratiqué le binge watching, qui correspond, selon ses critères, à regarder au moins trois épisodes d’une même série le même jour.

En tête des séries les plus sujettes à ce type de pratique, on retrouve Breaking Bad, la série de la chaîne ABC, terminée l’an passé et qui a été consommée de la sorte par 35% des sondés par TiVo, soit plus d’un téléspectateur sur trois, et House of Cards, l’une des créations de Netflix justement, qui met les saisons de ses séries en ligne en intégralité en une seule fois, incitant au binge watching, et Game of Thrones, la série phénomène d’HBO qui voit ses audiences augmenter au fil des saisons. Si la pratique n’est pas nouvelle, elle concerne désormais une grande proportion des jeunes, parfois jusqu’à des extrêmes quelque peu inquiétantes. Ainsi, dans un papier des Inrockuptibles rédigé sur le sujet en février dernier, Elise, 22 ans, expliquait avoir le sentiment de devoir terminer la saison avant de pouvoir passer à autre chose : « Quand j’ai toute une saison disponible, je ne peux pas m’arrêter. Tant que je n’ai pas fini, je ne me sens pas bien ». Pour certains critiques, cette sorte d’addiction est nocive pour la production des séries puisque, en s’avalant une grande quantité de vidéos en un temps restreint, les téléspectateurs s’y montrent moins attentifs et en apprécient moins la qualité. A l’inverse, pour Alex Soojun-Kim Pang, auteur de The Distraction Addiction, cité dans The Independant, “Le binge-watching permet aux gens de se concentrer sur une seule chose pendant des heures plutôt que pendant des secondes ou des minutes. Dans un monde où d’invisibles petites parcelles de temps passées sur Snapchat ou Youtube peuvent facilement occuper autant de temps sur une semaine qu’une saison de Breaking Bad, l’habilité à reprendre le contrôle de son temps, à redécouvrir ‘combien il y a de temps dans une journée quand on ne le perd pas en le découpant en plages de 30 secondes’ – pour citer Shay Colson, un ingénieur en cybersécurité basé à Seattle- le binge-watching devient presque un acte radical de concentration auto-déterminée”.

Forcément, à l’heure actuelle, Netflix, dont l’arrivée est prévue en France en septembre prochain, à l’aide de la création d’une série française, se félicite de la généralisation d’une telle pratique, à laquelle il s’est adapté en livrant ses séries saison par saison. « Nos chiffres d’audience montrent que la majorité des gens qui regardent des séries en streaming préfèreraient en réalité avoir l’entière saison d’une série disponible afin de la regarder à leur propre rythme », a expliqué Ted Sarandos, chef des contenus chez Netflix, après la publication d’une étude mettant en lumière l’ampleur du phénomène, qui est finalement peu surprenant puisque l’on sait que les jeunes passent énormément de temps devant un écran. Cette pratique correspond également tout à fait aux comportements de la génération Y, qui préfère avoir accès à un catalogue regorgeant d’une infinité de contenus plutôt que d’acheter des biens culturels et de les posséder. La génération Nowners trouve ici tout son sens, avec un accès immédiat et infini. A noter, pour l’anecdote, que l’expression binge watching a failli être sacrée mot de l’année 2013 par l’Oxford English Dictionnary, avant que le selfie ne l’emporte finalement. Si le duel entre les deux était si serré, vous comprenez sans doute mieux l’ampleur du phénomène désormais…