Brand and Celebrities : « Le besoin d’authenticité des consommateurs passera par une implication plus personnelle des célébrités dans les campagnes » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 03 Déc 2015 à 11:33
Les stars et la pub, ça matche !
Vous l'attendiez, la voici ! L'interview de la semaine est dédiée au Celebrity Marketing, stratégie ultra efficace auprès des jeunes et décryptée tout de suite par Quentin Bordage, fondateur de la startup Brand and Celebrities.

En période de Noël encore plus que le reste de l’année, les marques font appel aux stars en tout genre pour mettre leurs produits en lumière. Alors que la startup Brand and Celebrities vient de dévoiler deux études portant sur l’utilisation du Celebrity Marketing en France, dans la presse et dans la publicité télévisée, son fondateur Quentin Bordage a accepté de répondre à nos questions pour décrypter ce phénomène, avec les jeunes consommateurs dans le viseur !

-Air of melty : Pouvez-vous nous présenter Brand and Celebrities et sa mission ?

Quentin Bordage, fondateur de la startup Brand and Celebrities : Brand and Celebrities est une startup spécialisée dans le Celebrity Marketing, créée en 2011 et qui regroupe 20 collaborateurs aujourd’hui. Nous proposons des solutions logicielles permettant aux marques et agences de maximiser leurs actions de communication, en cherchant à exploiter le pouvoir des personnalités : publicités, événements, conférences, spectacles privés, opérations digitales, placement de produits… Notre technologie unique en Europe nous permet de proposer un catalogue et des données relatives à plus de 2 600 personnalités (artistes, sportifs, chefs, Youtubeurs, animateurs, …), des applications automatisées pour contractualiser directement en ligne avec les célébrités, et de travailler, ainsi, chaque année sur plus de 1 500 campagnes de Celebrity Marketing.

-Comment aidez-vous les marques à trouver le bon ambassadeur ?

Q.B : Il y a tout d’abord un long travail en amont qui consiste à collecter chaque jour des millions de données relatives aux marques et aux célébrités sur le web, les réseaux sociaux, auprès des célébrités directement, ou à travers notre contact quotidien avec les célébrités et les marques. Nous sommes ainsi capables de qualifier précisément chaque célébrité, son parcours, sa cible marketing, ses valeurs, ses passions, ou encore ses marques préférées. A partir de ces données, nous donnons la possibilité aux marques d’utiliser des algorithmes leur permettant d’identifier le « matching » parfait entre leur ADN et celui d’une personnalité. Plus concrètement, les marques peuvent accéder à un catalogue en ligne, avec des fiches profils détaillées pour chaque célébrité, des moteurs de recherche multicritères, ainsi que des applications automatisées permettant aux entreprises de les contacter, de leur présenter un projet et de contractualiser en ligne. En parallèle, et parce que la technologie ne se suffit pas toujours à elle-même, nos experts accompagnent les marques dans leur utilisation de nos outils ainsi qu’à travers des recommandations.

-Votre étude a montré que le Celebrity Marketing était beaucoup utilisé dans la presse écrite. Qui des autres supports : télévision, Internet, radio…?

Q.B : Nous avons effectivement créé début 2015 le premier Observatoire du Celebrity Marketing, qui a pour but de mieux comprendre ce marché mondial de plus de 24 milliards de dollars. Nous nous concentrons dans un premier temps sur la France, et les données que nous récoltons via nos algorithmes démontrent que 7,3% des campagnes presse font appel à des célébrités en France. Cela peut paraître beaucoup, mais nous sommes probablement un des marchés les moins développés au monde. En moyenne, près de 20% des campagnes font appel à des célébrités dans le monde, et une récente étude Millward Brown montrait que 30% des publicités en Chine faisaient appel à des célébrités, ce chiffre allant jusqu’à 43% au Japon. La marge de progression est donc encore incroyablement grande et il faut s’attendre à voir de plus en plus de célébrités dans le paysage publicitaire. Nous venons également de publier une deuxième étude sur la publicité à la télévision, qui montre que 10,9% des campagnes à la télévision font appel à des célébrités en France, avec de grandes variations suivant les heures et les chaînes. Nous allons poursuivre ces analyses en étudiant d’autres médias, notamment Internet et les réseaux sociaux qui deviennent des supports publicitaires incontournables auprès des 12-25 ans : une simple analyse du top 5 des publicités les plus populaires sur Youtube en France depuis le début de l’année révèle par exemple un taux de 66% de Celebrity Marketing !

-Justement, plus spécifiquement, auprès des jeunes, quel est le type de célébrités qui fonctionne bien dans le marketing : plutôt issus de l’industrie mainstream ou des nouveaux médias (YouTube, Vine, etc) ?

Q.B : Historiquement, les marques se sont plutôt tournées vers des célébrités « mainstream » pour cibler les jeunes, avec beaucoup de sportifs qui véhiculent des valeurs positives, saines et de performance : le tennisman Gaël Monfils pour les produits laitiers, le judoka Teddy Riner pour Pitch, Taïg Khris pour Golden Grahams… Les chanteurs ont aussi historiquement la cote. Mais les 12-25 ans ont beaucoup évolué ces dix dernières années. Les Millenials, ou Digital Natives, sont avant tout connectés à Internet, à leur mobile et aux réseaux sociaux. Faisant plus confiance à leur communauté qu’à tout autre référent, ils utilisent les réseaux sociaux pour obtenir des avis avant de prendre une décision. Ils sont bien informés et moins naïfs que leurs aînés, et font peu confiance à la publicité qui assène un discours formaté. Pour attirer leur attention, les annonceurs se tournent donc désormais vers les célébrités qui leur parlent, qu’elles soient « mainstream » en ayant su évoluer sur le terrain digital, mais aussi et surtout vers des célébrités qui maîtrisent ces codes : les Youtubeurs ou Vineurs dont le nombre a explosé, mais aussi des influenceurs Twitter, Instagram ou encore Snapchat dont les communautés se développent de manière exponentielle.

-Quelles valeurs diffusent les célébrités qui ont le plus de succès auprès des jeunes ?

Q.B : Les 12-25 s’intéressent avant tout à des célébrités auxquelles elles peuvent s’identifier, qui les comprennent, et qui leur parlent avec leurs codes. Les digital natives recherchent donc avant tout de la proximité et de l’authenticité. Cette génération est ainsi très critique vis-à-vis des Youtubers qui s’associent de manière trop évidente et non contextualisée aux marques, car elles considèrent leur confiance trahie. Ensuite, le mode de communication est majoritairement orienté vers l’humour et la dérision, c’est pour cela que les Youtubers ou humoristes du web ont pris un tel essor.

-Quel intérêt ont aujourd’hui les marques à miser sur des célébrités, particulièrement pour s’adresser aux jeunes ?

Q.B : Le Celebrity Marketing n’est pas une technique nouvelle puisqu’elle existe depuis le 19ème siècle. De grands annonceurs mondiaux tels que L’Oréal ont basé leur communication quasi exclusivement sur le Celebrity Marketing pour la simple et bonne raison que c’est une technique efficace. Cette efficacité repose sur un certain nombre de fondements scientifiques qu’il serait trop long de détailler aujourd’hui mais qui font que le Celebrity Marketing est amené à se développer dans les années à venir. En mesurant l’impact des campagnes, nous sommes ainsi en mesure de dire aujourd’hui que lorsqu’elle est bien menée, une campagne de Celebrity Marketing permet d’augmenter la notoriété spontanée de 111%, les intentions d’achat de 27%, le taux de mémorisation de 73%, ou encore le taux de clic de 300% ! Une célébrité est donc le vecteur de communication le plus efficace, encore faut-il bien la choisir et bien l’utiliser. Les Millenials sont connectés, informés, zappeurs, critiques, toujours à la recherche de nouveautés, rejetant en bloc les formats publicitaires classiques. Qui d’autre qu’une célébrité qu’ils apprécient pour leur parler efficacement ? L’association à ces nouvelles stars du web permet une identification encore plus forte, grâce à un contenu authentique et familier, lié à leur quotidien et leur intimité. Pour les Digital Natives, ces célébrités sont également plus accessibles que les stars « traditionnelles » : l’échange entre un Youtubeur et sa communauté est très fort, par l’intermédiaire de ses vidéos interactives et de la viralité des réseaux sociaux. Enfin, ces stars du web ont une forte influence sur les jeunes, puisqu’ils partagent les mêmes goûts et intérêts : selon une récente étude Defy Media, 63% des 13-24 ans achèteraient un produit recommandé par un Youtubeur, contre seulement 48% par une star de la télévision ou du cinéma.

-Quels sont les risques associés à une stratégie de celebrity marketing ?

Q.B : Je ne parlerais pas de risque, mais d’aléas, qui sont des cas extrêmement isolés mais qu’il faut savoir maîtriser. Les célébrités sont avant tout des êtres humains, et ils peuvent commettre des erreurs. Un écart de conduite n’est donc pas à exclure, car il peut générer du ‘bad buzz’. Mais une telle situation est systématiquement anticipée contractuellement et peut être parfaitement gérée par la marque en communication. A ce sujet, nous sommes convaincus, chez Brand and Celebrities, qu’il n’y a pas de « bad » ou de « good » buzz, et qu’une situation de « bad buzz » génère une telle exposition médiatique que, si elle est bien gérée par la marque, elle augmente très massivement la notoriété avec un impact positif sur les ventes. Les autres aléas concernent par exemple la vampirisation de la marque dans le cas où la célébrité choisie aurait une notoriété trop grande. On parle aussi de surexposition publicitaire si une célébrité se retrouve associée à trop de marques en même temps, ou encore d’inadéquation entre la célébrité et l’image de la marque qui décrédibilise le message. C’est pour limiter ces aléas que les annonceurs se tournent vers des experts comme nous.

-Quid du risque de « cannibalisation », en mode « trop d’icônes tue l’icône » d’une marque ?

Q.B : Le 3ème annonceur mondial, L’Oréal, n’investirait pas chaque année près de 5 milliards de dollars en media, principalement en Celebrity Marketing, si cela n’était pas efficace ! L’Oréal associe quasiment chaque produit, chaque gamme à une célébrité spécifique, et renouvelle ses égéries régulièrement. Elle les utilise pour cibler et rester dans l’ère du temps. Etant donné la situation du marché que nous évoquions tout à l’heure, et sa marge de progression, nous sommes encore très loin de ce phénomène de « cannibalisation ».

-Quelle pourrait être la prochaine tendance en matière de celebrity marketing ?

Q.B : Nous sommes au tout début de l’histoire du Celebrity Marketing, et nous ne mesurons pas encore tout ce que les technologies et la data vont apporter à cette industrie qui reste encore très traditionnelle. Pour une startup comme la nôtre, un des enjeux principaux concerne la collecte et l’harmonisation de la data relative aux célébrités qui permettra aux marques de faire des choix efficaces, rationnels et rapides. Nous pensons également que le métier d’agent sera amené à disparaître sous sa forme actuelle et à évoluer, poussé par le développement de plateforme de désintermédiation comme la nôtre. En terme d’utilisation des célébrités par les marques, le besoin d’authenticité des consommateurs passera par une implication plus personnelle des célébrités dans les campagnes, notamment à travers leurs réseaux sociaux. Le Celebrity Marketing va donc fortement pencher vers ces plateformes communautaires qui ont déjà commencé à se livrer une guerre des célébrités : explosion des comptes Instagram de célébrités, lancement de la Blue Room de Twitter pour accueillir et accompagner les célébrités, professionnalisation des Youtubeurs et accompagnement par les équipes Google… Les opérations de Celebrity Marketing, sous leur format traditionnel d’égérie, seront désormais systématiquement complétées par du « micro-endorsement » plus instantané sur ces réseaux sociaux.