EntrepreneurSHIP Festival : « On assiste à une forme de ‘crise de la quarantaine’ dès 25 ans » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 22 Oct 2014 à 15:30
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Ce mercredi 22 et ce jeudi 23 octobre, se déroule l’EntrepreneurSHIP Festival, un festival unique en son genre qui invite la jeune génération à embarquer pour l’innovation et pour le monde de l’entrepreneuriat. Maëva Tordo, qui prend part aux activités de la Chaire Entrepreneuriat ESCP Europe et qui fait partie de l’organisation du festival, a répondu à nos questions sur le rapport des jeunes à l’entrepreneuriat.

En début de semaine, Air of melty vous a parlé d’un événement à ne pas rater cette semaine : l’EntrepreneurSHIP Festival, une arche de Noé dédiée à l’innovation créée par la Génération Y et pour la Génération Y. Les ateliers, rencontres et brainstorming ont commencé aujourd’hui et se poursuivront demain. Nous avons eu l’occasion de poser quelques questions à Maëva Tordo, qui prend part aux activités de la Chaire Entrepreneuriat ESCP Europe qui développe des programmes d’enseignement innovants autour de l’entrepreneuriat et de l’innovation sociétale et qui s’occupe de la gestion de l’EntrepreneurSHIP Festival. Elle est notamment en charge de la Blue Factory, le sublimateur de startups d’ESCP Europe qui accompagne les jeunes créateurs dans le développement de leurs projets, et elle nous parle aujourd’hui des rapports de la jeune génération à l’entrepreneuriat.

A l’heure où de plus en plus de jeunes se tournent vers l’entrepreneuriat, l’organisation d’un festival dédié à ce sujet était une évidence ?

Absolument. Les médias se sont emparé du sujet en 2009 et, depuis, l’engouement a pris et l’on voit de plus en plus d’articles, d’événements et d’initiatives qui encouragent et célèbrent l’entrepreneuriat, comme action du changement sociétal, par les jeunes et les moins jeunes. L’intérêt est donc bel et bien là, et tout est encore à faire pour favoriser l’émergence de réelles créations. Un festival ouvert à tous, dédié à cette créativité collective, était évident !

De façon générale, selon votre constat, que recherchent et de quoi manquent les jeunes qui veulent se lancer dans leur projet : plutôt de l’information ou plutôt du soutien ?

De la confiance, un espace de création et des encouragements ! Ces 5 dernières années, les structures d’information et de soutien se sont multipliées de manière exponentielle. Il y a désormais plus de 20 événements par semaine dédiés à l’entrepreneuriat à Paris, et une quarantaine d’incubateurs publics et privés ! Ce qu’il manque aujourd’hui aux jeunes qui veulent se lancer c’est une lisibilité de cette effervescence et un espace de création, de test, d’échec, d’apprentissage. Notre conviction est que ces espaces doivent aussi se développer au sein même des établissements d’enseignement, dans les programmes, les bâtiments, les événements… et les fêtes !

Pourquoi les jeunes se lancent-ils aujourd’hui de plus en plus dans l’entrepreneuriat ? Cela s’explique-t-il uniquement par le contexte économique difficile ou par un véritable état d’esprit différent ?

Les deux sonts vrais. Le contexte économique accélère la désillusion quant à la possibilité d’un plein emploi sans remous et pousse les jeunes à se poser, bien plus tôt que leurs ainés, la question du sens de leur action. On assiste à une forme de “crise de la quarantaine” dès 25 ans qui témoigne d’une prise de conscience anticipée tournée vers l’envie de suivre ses propres aspirations et de contribuer au renouveau de la société, plutôt que de faire partie d’une machine en péril. Ce mouvement est aussi permis par l’arrivée d’outils de création accessibles à tous autant financièrement que techniquement : pour celui qui veut créer, Internet permet de faire disparaître la majorité des intermédiaires, hier véritables freins à ses projets. Partenaires, clients, investisseurs, médias, tous sont théoriquement atteignables par un simple tweet et c’est désormais l’ingéniosité plus que le statut social qui fait l’entrepreneur à succès.

Le succès d’un festival, quel qu’il soit, repose beaucoup sur l’état d’esprit qu’il véhicule. Est-ce là votre intention, de valoriser l’état d’esprit d’une entreprise nouvelle et innovante plutôt que son aspect technique et juridique ?

Nous sommes en effet passionnés par l’univers des possibles qu’offre l’attitude entrepreneuriale appliquée aux enjeux sociétaux contemporains. Ainsi, bien au-delà de la forme juridique de l’entreprise, c’est l’innovation et le sens même de cette création de valeur que nous cherchons à mettre en lumière. Les 10 thématiques qui sous-tendent les événements des 22 et 23 octobre témoignent de l’intention et de l’état d’esprit du festival qui invite les participants à devenir eux-mêmes acteurs d’une société qui se réinvente : éducation ouverte, économie collaborative, nouveaux médias, agriculture urbaine, street food etc.

Pourquoi avoir opté pour un festival, synonyme de fête, plutôt que pour un forum ou une conférence, plus facilement associée au débat et à l’émergence d’idées collaboratives ?

Parce qu’un festival permet tout cela à la fois ! En mêlant conférences, ateliers, fabrication, art, nous restons fidèles à la variété infinie de l’action entrepreneuriale et permettons aux participants d’être véritablement acteurs de l’événement. Nous sommes particulièrement attentifs à l’expérience que permet ce festival et, après plus de 250 événements organisés, nous sommes convaincus que celle-ci dépend de 4 ingrédients clé : Apprendre – Tester – Expérimenter – Se Rencontrer. Pour cette édition nous avons d’ailleurs été particulièrement attentifs à l’aspect festif de l’événement avec la soirée de clôture Get On The Ship, véritable fête avec DJ, Live, foodtrucks, et un concept de rencontre inédit à découvrir le jour J !

Lors d’une interview accordée à Wedemain, vous avez parlé de l’entrepreneuriat comme étant un « jeu de société ». Qu’est-ce qui se cache derrière cette idée ? D’autre part, l’entrepreneuriat a-t-il toujours été ainsi ou la génération Y est-elle en train de révolutionner le genre ?

J’entends par là deux choses, d’une part l’accès à la création et d’autre part une forme de responsabilité dans cet acte créateur. Comme je le disais plus haut, nous disposons aujourd’hui d’outils qui facilitent de manière inédite la possibilité de créer un projet et de le faire connaître au plus grand nombre. Le terrain de jeu s’ouvre à un nombre toujours plus important de joueurs et il s’agit de prendre part à ce “jeu de société” plus vrai que nature. Cette possibilité démultipliée ne vient pas sans conséquences et l’impact de l’entrepreneur sur la société est d’accompagné d’une responsabilité accentuée. Le rôle de ce dernier est particulier en tant qu’il peut réellement transformer les règles du jeu sociétal comme on le voit aujourd’hui avec le développement d’entreprises telles qu’AirBnB, Blablacar ou La Ruche Qui Dit Oui qui remettent en question le fonctionnement même de certaines institutions et créent de nouvelles façons de vivre ensemble. Celle qu’on appelle la “génération Y” a la particularité d’avoir grandi avec la possibilité de prendre la parole, de partager, d’interagir et de créer à l’échelle planétaire. Elle se lance ainsi d’autant plus volontiers dans cette dynamique amorcée par ses aînés mais qui n’avaient pas accès aux même outils. Et bien sûr l’aspect ludique de l’entrepreneuriat transparaît dans cette expression, le jeu étant l’une des meilleures façons d’apprendre !

L’entrepreneurship festival n’en est pas à sa première édition. Quelle est la fierté des éditions précédentes ? De quelles réussites êtes-vous les plus fiers ?

L’origine du festival remonte en effet à 2009 lorsque nous avons organisé la toute première Fête de l’Entrepreneur. A l’époque j’étais moi-même étudiante et faisais partie de l’équipe organisatrice de cet événement qui devait rassembler près de 2000 participants. Cinq ans plus tard, notre plus grande fierté est sans doute le format même de cet événement : chaque année, nous recommençons du début ! En effet, ce festival est le fruit d’un programme pédagogique innovant qui permet à 50 étudiants de formations variées (designers, business, ingénieurs, artistes…) de créer, en un mois seulement et avec très peu de ressources, un festival innovant ouvert à tous. C’est pour nous un modèle d’enseignement d’avenir, par l’expérience et l’action, qui marque les étudiants pour longtemps et les confronte à la réalité. Et bien sûr notre grand bonheur est de voir les participants revenir d’année en année et nous raconter les rencontres inédites et fructueuses que le festival leur a permis.

Enfin, qu’auriez-vous à dire pour convaincre les jeunes d’embarquer dans votre bateau de l’innovation ces jours-ci… et pour les années à venir ?

“C’était mieux après !”. C’est la citation du NOISE qui me vient à l’esprit, une association étudiante que j’ai cofondée il y a 3 ans et qui est construite jour après jour par des étudiants qui ont osé “embarquer dans le bateau de l’innovation sociétale”. Ce sont eux les meilleurs ambassadeurs de ce mouvement contagieux qu’il est impossible d’ignorer une fois qu’on y a goûter. Alors cap ou pas cap ?