DISKO, « les marques de luxe permettent aux Millennials d’exprimer leur identité singulière » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 01 Fév 2018 à 11:27
Les jeunes, des consommateurs de luxe à surveiller de près ? C'est ce qui ressort d'une récente étude signée DISKO, montrant que les Millennials constituent la moitié des consommateurs du secteur. La rédaction d'Air of melty a interrogé deux talents du planning stratégique de l'agence pour en savoir plus sur le sujet.

En 2018, ça promet de matcher toujours plus entre les Millennials et l’univers du luxe. Alors qu’une étude signée DISKO a révélé au début du mois de janvier que près d’un consommateur du luxe est un Millennial, Laure Frémicourt, Directrice du planning stratégique chez DISKO et Charlotte Dine, planneuse stratégique chez DISKO, ont accepté de répondre à nos question pour nous en dire sur la manière dont les moins de 30 ans appréhendent le luxe et ce qu’ils vont révolutionner sur ce marché.

-Air of melty : Les Millennials représentent 45% des consommateurs du luxe. Qu’est-ce qui les attire vers ce genre de produits ?

Laure Frémicourt, Directrice du planning stratégique chez DISKO et Charlotte Dine, planneuse stratégique chez DISKO : Le statut est mort, vive le statut 2.0 ! Alors que le luxe semble a priori immuable, ses consommateurs se sont eux profondément transformés et sont attirés par un “nouveau visage” de ce dernier. Le statut se définit aujourd’hui moins par ce que l’on possède que par ce que l’on est, et les marques de luxe permettent aux Millennials d’exprimer leur identité singulière. Evidemment, ils sont comme leurs aînés attirés par la valeur intrinsèque des produits de luxe : leur qualité, le bon goût qui y est bien souvent associé. Mais de nouvelles valeurs prennent le dessus pour cette génération… D’une part l’authenticité et la qualité s’associent de plus en plus à la notion de “sustainability” et d’éthique, des produits durables qui respectent l’environnement et sont produits dans une logique moins “fast fashion” ou plus engagés d’un point de vue sociétal. De l’autre, l’exclusivité recherchée est moins orientée vers le prix et la valeur que vers la rareté qui s’exprime sous forme d’éditions limitées et de collections capsules. Durable et singulier, voilà deux mots clefs dans la quête du luxe pour les Millennials.

-Air of melty : Quelles sont leurs caractéristiques ? En quoi sont-ils différents de leurs aînés ?

L.F et C.D : Now. Live. Together. Transparency… ces 4 mots suffisent à définir cette nouvelle génération. NOW – Nous sommes dans l’ère de l’instantanéité, et attendre est devenu un supplice car les Millennials veulent tout…tout de suite. Et pour y répondre les marques se plient en quatre, c’est le cas de Gucci par exemple qui s’associe à Farfetch afin d’assurer une livraison de ses produits en 90 minutes seulement. LIVE – Une génération qui accorde une plus grande importance à l’instant, au moment présent et moins à la possession. Ce qu’ils veulent avant tout c’est vivre des expériences… Un chiffre éloquent ? 62% des 18-26 ans préfèrent recevoir 10 000$ pour vivre une expérience plutôt que d’acheter un produit. TOGETHER – Et ces expériences si possible, ils veulent les vivre ensemble. Le collaboratif est leur motto, ils sont friands de la co-création de produits avec les marques, Glossier, nouvelle marque beauté, conçoit ses produits en fonction des besoins des utilisateurs, directement en lien avec eux. TRANSPARENCY – Et enfin, ils attendent des marques plus de transparence et d’honnêteté, dans leurs démarches et leurs discours. Une marque l’a bien compris : Everlane avec son “Know our factories” qui permet de connaître les histoires derrière chaque usine de production et son dispositif social, le “Transparency Tuesday”, qui, une fois par semaine, permet aux Millennials de poser toutes les questions qu’ils souhaitent.

-Air of melty : L’étude parle d’un nouveau langage du luxe, définitivement ‘Millennials-first’. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce que cela signifie et ce que cela implique ?

L.F et C.D : Au delà d’un nouveau visage, le luxe s’est doté d’un nouveau langage. Les marques deviennent moins “statutaires”, elles adoptent des approches de communication plus directes, plus fun, et surtout plus proches et interactives. L’agence a ainsi accompagné Hermès dans la conception de ‘profiles pictures’ personnalisables qui jouaient avec les produits et les détournaient. Aussi, les marques de luxe s’inspirent des Millennials et n’hésitent pas à détourner les codes et le langage des ces derniers pour les interpeller. Un langage qui s’inspire du social, aussi bien dans les formats (gif, cinemagraph…) que toutes les marques de luxe ont déjà adopté, que dans la forme (meme, emojis…), voire dans le fond (communication What the Fuck et icônes Millennials). Un langage qui s’inspire aussi de la rue : street et skate culture étaient à l’honneur tout au long de l’année 2017. Gucci, de ses communications rétro futuristes à sa série de mèmes est une des marques “icône” de ce nouveau langage du luxe. Fendi aussi l’a bien compris avec “F is for” : vidéos à l’esthétique léchée mais résolument Millennial-first, contenus lifestyle autour de l’art, la culture, la mode, une plateforme où digital et monde réel s’unissent pour donner la parole à cette nouvelle génération. La capacité à communiquer avec les Millennials nécessite de partager un langage commun.

-Air of melty : L’étude révèle que 68% des Millennials sont en demande d’expériences intégrées et multi-channel. Concrètement, quel message cela envoie-t-il aux marques ?

L.F et C.D : Que le temps des silos est définitivement révolu. Que, pour les Millennials, une expérience ne peut pas s’arrêter aux frontières du magasin ou du mobile, que l’image et l’expérience se doivent d’être “seamless”. Dans les moyens, cela signifie aussi de ne pas penser les différents points de contact de manière séquencée mais bien comme un tout, dès le début. Avec Pierre Hermé Paris, l’agence a accompagné le lancement du premier “macaron dans l’espace”. Une histoire qui commençait évidemment physiquement avec la création de ce macaron dédié et envoyé à Thomas Pesquet, disponible en magasin. Et une communication qui s’appuyait sur absolument tous les touchpoints de la marque pour offrir un storytelling et une expérience multi-canale ; un écosystème qui repoussait toutes les frontières : in store, digital, social, et même spatial !

-Air of melty : Quels genres d’expériences recherchent-ils exactement ? Pouvez-vous nous donner des exemples d’expériences qui ont tout compris à leurs attentes ?

L.F et C.D : Exclusive, sharable et customized, ce sont les trois règles à suivre. EXCLUSIVE – Les Millennials veulent être toujours plus surpris, et cela passe par la mise en place d’expériences plus inédites et inattendues. Pour y répondre, COS a récemment créé une installation interactive et multisensorielle, diffusant des bulles qui émettent différentes odeurs au contact humain. SHARABLE – Ce qui fait fondamentalement la valeur d’une expérience, c’est sa capacité à être partagée. L’exemple idéal, c’est celui de Refinery 29, qui a lancé depuis 2016 son extension IRL, les 29 Rooms. Des lieux culturels où 29 salles pensées par des artistes et hautement instagrammagéniques sont accessibles à quelques élus pendant 4 jours. Succès sur les réseaux garantis, expérience inoubliable. CUSTOMIZED -Affirmer sa singularité à travers la personnalisation. Pour cela les marques doivent faire vivre aux Millennials une expérience unique et qui soit entièrement customisable. Guerlain l’a bien compris avec son opération en magasin où les consommateurs sont invités à déterminer leur profil olfactif pour créer leur propre parfum, avec à leur disposition plus de 110 jus différents.

-Air of melty : À l’heure où près d’un jeune sur deux se dit prêt à partager ses données pour obtenir une expérience personnalisée, quelles sont justement les clés pour concevoir une bonne expérience personnalisée ?

L.F et C.D : Une bonne expérience personnalisée c’est une expérience singulière voire unique, qui permette aux Millennials d’affirmer leur différence ou de bénéficier d’une utilité accrue par la personnalisation. Et ces deux dimensions nécessitent de mieux connaître le consommateur évidemment. Du côté de la communication, elle peut permettre aux Millennials de créer des objets de communication uniques. Nous avons par exemple accompagné Hennessy dans l’élaboration d’une campagne complétement personnalisée avec l’artiste Carnovsky basée sur un algorithme permettant à chacun des utilisateurs de “Craft my symbol”, une expérience intégrée célébrant la personnalité de chacun en récoltant les datas associées à son compte Facebook. De l’autre, celui du produit, cette personnalisation permet aux consommateurs d’avoir un produit complètement adapté à soi et à ses besoins. La beauté a vu plusieurs initiatives fleurir comme MATCHCo, racheté ensuite par bareMinerals, qui est une app où il suffit de scanner son visage pour créer son propre fond de teint.

-Air of melty : Concrètement, selon vous, qu’est-ce que qui devrait marquer l’univers du luxe et son rapport aux Millennials en cette nouvelle année 2018 ?

L.F et C.D : Toujours plus de légèreté et d’inattendu d’un côté du spectre, toujours plus de sérieux et d’engagement de l’autre côté, et au milieu, beaucoup de tech (VR, AR, AI) ! Si les Millennials sont demandeurs d’une chose c’est d’être surpris et les marques de luxe l’ont bien compris. Aussi bien en terme de communication (de nouveaux contenus toujours plus décalés ?) qu’en terme de produits (Prada et sa collection “randonnée”) et de collaborations (Louis Vuitton x Supreme), de nouvelles frontières vont très certainement être franchies et la surprise sera au rendez vous. Côté engagement, l’engagement politique et social a été au devant de la scène plus que jamais en 2017, et de nombreuses marques se sont prononcées en faveur ou défaveur de tout ce qui a pu se passer dans le monde. Pour exemple, Diesel et sa campagne “Make Love Not Walls” en riposte suite à l’annonce de Donald Trump de bâtir un mur à la frontière Mexico Américaine, ou encore Dior et son tshirt “We should all be feminists” lors d’un défilé. Les marques de luxe franchissent de nouvelles barrières, s’autorisant des prises de parole jusqu’alors inimaginables : le radical luxury est en train de naître.

-Air of melty : Plus globalement, comment voyez-vous l’avenir du luxe évoluer ?

L.F et C.D : La valeur première du luxe c’est la qualité de ses produits, leur caractère exceptionnel et durable. Cette valeur qui rencontre les désirs des Millennials. Pourtant c’est pour nous la “durabilité” des produits qui va foncièrement être interrogée dans les années à venir. Car si les consommateurs ont commencé de leur côté des mesures d’upcyling et de recycling (notamment par le principe de second hand), les marques sont encore timides sur le sujet. Si Hermès s’est illustré en 2017 avec Hermesmatic, pop up shop qui permettait d’upcycler son carré Hermès ou petit h, les possibilités pour encourager et monétiser la “durabilité” des produits de luxe semblent infinies.