Emakina : Digital Transformation Manifesto, « Les jeunes consommateurs sont demandeurs de sens et d’exemplarité » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 15 Avr 2015 à 06:26
Découvrez tout de suite le manifeste d’Emakina !
Sur notre site, on ne cesse de vous répéter que les jeunes réclament aux marques de leur permettre de vivre toujours plus d'expériences inédites, sur le digital comme dans la vie réelle. Aujourd'hui, l'agence digitale dévoile son Digital Transformation Manifesto, un document gratuit mis à disposition des entreprises, pour leur permettre de comprendre pourquoi elles doivent se transformer digitalement et comment faire de leur marque une "experience company". Manuel Diaz, Président, et Bertrand Duperrin, Digital Transformation Leader, ont accepté de répondre à nos questions.

Il y a quelques mois, la rédaction d’Air of melty vous dévoilait à quel point l’expérience client représentait aujourd’hui un enjeu capital pour les marques qui s’adressent à des jeunes exigeants. Céline Bracq, qui dirige l’institut Odoxa, nous avait alors transmis les données relatives aux 18-35 ans, issues d’un sondage mené par Emakina et Odoxa. En marge de cela, Emakina prépare depuis quelques mois une offre de conseil qui vise à accompagner les entreprises dans leur transformation digitale, afin de faire de leur marque une « Experience Company ». Dans cette logique, Emakina a récemment nommé Bertrand Duperrin au poste de Directeur Digital Transformation Practice Leader. Aujourd’hui, l’agence digitale sort son Digital Transformation Manifesto. Manuel Diaz, Président, et Bertrand Duperrin, Digital Transformation Leader, ont accepté de répondre à nos questions sur le sujet.

-Le but du Digital Transformation Manifesto, c’est de découvrir « pourquoi votre entreprise doit se transformer digitalement et comment faire de votre marque une ‘experience company' ». Comment cela se traduit concrètement ? Quels éléments met en lumière ce manifeste ?

En matière de transformation digitale chacun voit midi à sa porte. Il y a autant de visions et de chemins qu’il y a d’entreprises avec leur culture et leur contexte spécifique. On parle d’inventer son futur donc, nécessairement, c’est très personnel. Pour autant il y a quelques points de consensus. L’un d’entre eux est que la transformation digitale est un moyen pour l’entreprise de créer des expériences client uniques et différenciantes. Ce point mérite d’être précisé : quand on parle d’expérience beaucoup s’imaginent qu’on parle d’un simple enrobage, d’un « effet wow ! » voire d’un artifice de marketing. Il n’en n’est rien. L’expérience est quasiment un business model. Si le sujet est bien pris elle a un impact majeur sur les coûts marketing (fidélisation du client, repeat business) et la marge (a produit égal un expérience permet de vendre plus cher). Notre conviction par rapport à cela c’est qu’effectivement le digital est un outil fantastique pour générer de l’expérience à grande échelle et que, vu qu’il est disponible pour tout le monde, ceux qui n’en tirent pas le meilleur profit se condamnent. Une seconde conviction c’est justement que l’expérience n’est pas quelque chose qu’on ajoute en bout de chaîne pour améliorer l’existant mais une vraie manière de concevoir son offre : l’expérience ne s’ajoute pas au produit, c’est le produit qui est conçu pour véhiculer l’expérience.

-Quel a été le déclic pour se lancer dans une telle rédaction ?

L’envie de partager nos convictions sur un sujet dont tout le monde parle mais souvent avec une approche parcellaire. Comme nous le disions, il y a autant de transformations digitales qu’il y’a d’entreprises. On ne peut donc pas dire « la transformation digitale, c’est ça ». De plus, ça évolue beaucoup trop vite, les sujets changent, le digital d’aujourd’hui n’est pas en termes d’usages et de proposition de valeur celui de demain. Quand tout change vite, la seule chose sur laquelle il convient de s’appuyer, ce sont des convictions. Elles restent valides même lorsque la technologie évolue et que les modes changent car elles sont inspirés de constats plus « macro ». Avant de dire aux entreprises « il faut faire ça », elles ont envie de savoir « pourquoi ». Avant d’acheter une idée les gens achètent la raison pour laquelle on l’a.

-En quoi la digitalisation d’une entreprise est-elle capitale aujourd’hui particulièrement pour séduire les jeunes ? Vous expliquez que « le digital n’est pas une technologie mais un état d’esprit ». Par quoi passe cet état d’esprit ?

Une entreprise qui rate son virage digital a, à court terme, un double problème : elle n’est plus en phase ni avec son marché ni avec ses collaborateurs. Sa promesse tombe a plat pour les premiers et elle ne donne pas les moyens de la tenir aux seconds. Elle se retrouve avec une double problématique d’expérience et d’engagement. C’est vrai quelle que soit la génération mais c’est encore plus critique avec les jeunes. D’abord ils sont plus critiques à l’égard de l’entreprise en général et ne croient plus les promesses avec lesquelles on berçait les jeunes diplômés il y a encore dix ans. Ensuite ils n’ont pas connu de monde « non digital » : ce qui est appréciable, ce qui est un plus pour ceux qui ont connu l’avant est une exigence de base pour eux. Enfin, ils sont demandeurs de sens et d’exemplarité : le discours de marque doit être cohérent avec la réalité interne, les valeurs doivent être mises en œuvre de manière effective. L’état d’esprit digital, il faudrait un livre pour en parler. Mais pour ne garder que les points essentiels je dirai : innovation, capacité à remettre en cause ce qu’on prenait pour acquis, flexibilité, droit à l’erreur et confiance. J’insiste beaucoup sur la confiance : on ne peut construire une organisation réactive, adaptable et apprenante qu’en distribuant l’autorité et le pouvoir d’initiative. Cela ne fonctionne pas si, par défaut, on conçoit tout comme si on ne pouvait avoir confiance en ses collaborateurs. Et la réciproque est vraie aussi : on ne peut faire avancer une entreprise à la vitesse du monde digital, dans une logique de changement quasi permanent, si les dirigeants n’ont pas la confiance des collaborateurs.

-Dans cette transformation digitale des entreprises, quelle importance occupe la place des réseaux sociaux, de plus en plus utilisés pour communiquer auprès des consommateurs, et notamment les plus jeunes ?

Ils tiennent une place majeure à double titre. Vis à vis du client ils sont autant d’occasion de multiplier les points et moments de contact et l’expérience. Par rapport au collaborateur, les réseaux sociaux d’entreprise incarnent une nouvelle vision du travail et de l’organisation, plus plate et distribuée. Ils ont, par leur nature informelle, une fantastique machine à « attraper de la donnée » dont on sait qu’elle est le carburant des modèles digitaux. Mais ils ne font pas tout. Utiliser un réseau social pour supporter une manière de fonctionner, de communiquer, de gérer la relation client qui date d’il y a 20 ans ou plus ne fonctionne pas et expose même à de sévères contenues. Les réseaux sociaux ne sont pas l’outil qui digitalise l’entreprise mais l’outil de l’entreprise qui a décidé de se digitaliser.

-On dit beaucoup que les consommateurs sont de plus en plus en recherche de simplicité. En quoi le digital permet-il de mettre en lumière cette valeur ?

Le digital permet de dématérialiser des process, de désintermédier des relations, il rend les choses plus directes, supprime des contraintes et des étapes inutiles, permet de s’affranchir des notions de temps et d’espace. En ce sens il contribue à rendre les choses simples. Maintenant, il faut bien faire attention. Si votre organisation est compliquée, si vos process sont compliqués, le digital ne va rien simplifier par magie. Il permet de simplifier à condition de repenser les choses pour un environnement digital. On en revient aux questions d’état d’esprit : si vous pensez compliqué alors votre expérience digitiale sera compliquée.

-Sur notre site, nous parlons largement du fait que les jeunes sont en permanence à la recherche d’expériences toujours plus uniques. Dans votre manifeste, vous expliquez qu’il existe « 7 milliards d’expériences à créer ». Vous pensez que chaque entreprise doit être capable de créer des expériences toujours plus uniques ? En quoi est-ce particulièrement vrai auprès des jeunes ?

C’est vrai pour les jeunes mais pas uniquement. On aime tous être surpris, on aime tous avoir un traitement « individualisé », on aime tous être reconnu pour ce qui nous rend unique. Disons que les jeunes qui ont grandi dans un univers totalement digital ont peut être une exigence encore supérieure parce qu’ils ont toujours connu un monde où l’individualisation de la relation était, si non simple, en tout cas pas impossible. C’est la force du digital sur le « physique » : on peut faire de la personnalisation en temps réel, on a toutes les données nécessaires pour comprendre le client et anticiper ses besoins. C’est notamment pour cela que la notion d’expérience voit son importance décuplée dans l’économie digitale : on a des outils et des possibilités qui n’existaient pas avant. Dans l’économie physique l’expérience est réservée à des segments premium car elle a un coût humain, dans le digital on peut faire des expériences à grande échelle, pour tous. C’est même la première des politesses, une condition de survie.

-Par quoi passe une expérience réussie ? Quels sont les ingrédients à ne surtout pas négliger ?

Elle doit être sans rupture ni point de friction, c’est un continuum dans lequel rentre le client et qui ne doit pas s’interrompre. Elle doit être cohérente en et hors ligne. Elle doit être aussi individualisée que possible et, surtout, authentique. Votre expérience reflète l’ADN de votre marque, votre culture, votre promesse, ce qui vous rend unique. Ca n’est pas celle du voisin ni du concurrent. Elle doit, enfin, être « servicielle », en étant vécue comme résolvant un problème, apportant une plus value. Le point à ne pas négliger ? L’expérience employé ! Le facteur limitant de l’expérience client est l’expérience employé. Si ceux ci ne sont pas dans un contexte exemplaire et inspirant par rapport à l’expérience promise au client ils ne seront pas capable de penser, concevoir et délivrer l’expérience attendu. Ils ne peuvent restituer au client que ce que l’entreprise leur donne.

-Qui dit expérience dit généralement interactivité entre clients et entreprise. Comment « casser la frontière entre le client et le collaborateur », pour reprendre vos termes ?

De manière générale il y a l’empowerment des collaborateurs au contact du client. C’est à eux de pouvoir prendre des initiatives mais, pour cela, il leur faut la bonne boite à outils, autant technologique que managériale. Si on dispose d’outils permettant le contact et l’action en temps réel mais que process de décision prend deux jours autant écrire un courrier et l’envoyer par la poste. Il y a également la question de l’expérience employé, pendant de l’expérience client. Elle permet au collaborateur d’être dans un contexte qui lui permet de penser et agir en fonction de l’expérience client désirée. L’expérience employé, c’est le message, les services et les moyens qu’on délivre au collaborateur à chaque point de contact avec l’entreprise : il y a les outils de travail, bien sur, mais le manager, les collègues, les process, l’environnement de travail physique… Aujourd’hui il faut être vigilant à la fracture entre l’interne et l’externe avec des collaborateurs qui doivent délivrer une promesse de 2015 dans un environnement de 1990. Le risque est double : la productivité n’est pas au rendez vous et l’engagement décroit car le collaborateur a l’impression d’être le parent pauvre de la transformation de son entreprise. Nous avons la conviction que la symétrie interne/externe est un facteur clé de succès de la transformation digitale.

-Quelle est l’ambition de votre manifeste aujourd’hui ?

D’abord éclairer le marché et partager des convictions qui nous inspirent tous les jours dans notre travail, en espérant qu’elles puissent en inspirer d’autres. Et puis générer des discussions, des échanges. C’est un stimulus pour des conversations fructueuses qui feront avancer tout le monde.