Bloom, “En matière de publicité, Les jeunes sont opportunistes” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 17 Mar 2022 à 11:09
YouTube, Instagram, TikTok, quelles sont les préférences des Millennials et des Z ?
Pour l’interview de la semaine, Aurélie DAVID, vice-présidente de BLOOM Social Analytics, répond à nos questions sur la manière dont les jeunes Français utilisent les réseaux sociaux.

On le sait, au quotidien, les jeunes passent beaucoup de temps sur leurs réseaux sociaux préférés, de Snapchat à Instagram en passant par TikTok. Au total, on estime qu’ils y consacrent en moyenne trois heures par jour, pour visionner des vidéos, discuter avec leurs proches, faire du shopping ou encore s’informer. Aujourd’hui, Aurélie DAVID, vice-présidente de BLOOM Social Analytics, répond à nos questions pour mieux comprendre comment se comportent les jeunes sur ces plateformes.

Air of melty : Pouvez-vous nous présenter Bloom en quelques mots ?

Aurélie DAVID, vice-présidente de BLOOM Social Analytics : Bloom est une plateforme d’anticipation stratégique, qui grâce à l’écoute en profondeur des réseaux sociaux, permet de détecter des signaux faibles, d’anticiper des tendances et de comprendre le comportement des communautés. Bloom a basé sa technologie sur les algorithmes d’inférence sociale et sémantique qui lui permet de collecter et d’analyser 10 à 100 fois plus de datas pertinentes que des plateformes qui sont basées sur l’analyse des mentions.

Air of melty : En cette année 2022, quelles sont les plateformes préférées des 15-30 ans ?

A.D : Tik Tok est sans conteste le réseau social qui monte et qui est préféré des jeunes gens. Il y a beaucoup de différents usages que nous observons en dehors des usages récréatifs : vulgarisation des sujets scientifiques ; militantisme pour des causes environnementales et politiques (les jeunes sont beaucoup plus politisés qu’on ne le croit) ; découverte de nouveaux artistes ; partage de leurs passions, notamment autour des cultures asiatiques qui exercent un soft power impressionnant jusqu’à générer des volumes de conversation importants sur l’apprentissage des langues – japonais et coréen.

Air of melty : Quels types de contenus les jeunes recherchent sur les réseaux sociaux ? Ont-ils des attentes particulières pour chaque plateforme ?

A.D : Les jeunes sont de véritables experts des réseaux sociaux. Ils maîtrisent leur image et jouent avec leurs identités multiples sur les réseaux sociaux. Ils sont multiplateforme bien sûr et mixent les usages. Ils utilisent Twitter pour ses capacités conversationnelles et la culture du clash qui les amusent. Instagram aussi pour converser et pour consommer des contenus tels que les memes (présents aussi sur Twitter). TikTok dans l’interaction du challenge par exemple…

Air of melty : Quelles émotions les jeunes associent-ils aux réseaux sociaux ? Plutôt positives ou négatives ?

A.D : Bloom analyse huit émotions, qui nous permettent d’aller au-delà de l’analyse de sentiments habituelle. Car la colère et la peur, par exemple, n’ont pas le même sens et n’engendrent pas les mêmes réactions. Les jeunes expriment des émotions complexes au sujet des réseaux sociaux. Ils sont à la fois confiants dans l’opportunité qu’ils leur donnent de rester en contact avec leur environnement, de s’informer aussi et à la fois très conscients de l’impact négatif que les réseaux sociaux peuvent avoir sur la vie de certains d’entre eux. Ils sont aujourd’hui assez largement sensibilisés mais il faut continuer à les informer sur les aspects positifs comme négatifs de l’usage des réseaux sociaux.

Air of melty : Une récente étude menée par TikTok a montré que les jeunes ont une bonne conscience des risques et des mesures de sécurité qui se jouent sur les réseaux sociaux. Est-ce que vous pouvez confirmer cela ?

A.D : Oui nous pouvons le confirmer par contre il faut nuancer en fonction des âges, du niveau scolaire et de l’encadrement scolaire et familial. Même conscients des risques, des jeunes livrés à eux-mêmes peuvent être influencés par des contenus ou des acteurs peu fiables.

Air of melty : Les 15-30 ans sont-ils des socionautes engagés : sont-ils adeptes des likes et des commentaires ou sont-ils plutôt passifs ?

A.D : Les 15 -30 ans sont très actifs, ils commentent, likent, publient et relaient beaucoup de contenus. Ils sont stratèges aussi. Ils sont actifs sur les sujets qui sont en quelque sorte « validés » par leur communauté. Mais comme nous tous, ils sont également simplement lecteurs parfois.

Air of melty : Un mot sur le rapport des jeunes à la publicité sur les réseaux sociaux ? Et sur leur rapport aux influenceurs ?

A.D : Les jeunes sont opportunistes car ils ont grandi dans un univers ou chaque contenu qu’ils consomment est assorti de publicité. Alors ils s’adaptent. Ils ne «consommeront » de la publicité ou n’accepteront son pouvoir de prescription que si celle-ci est séduisante, créative et sur un sujet qui les intéresse de près. Ils sont encore plus rétifs que l’ensemble de la population à la répétition, au targeting un peu facile et massif. Ils seront sensibles aux influenceurs qui ont de la crédibilité par rapport à leurs centres d’intérêt, leurs passions. Mais ils ne se laisseront jamais manipuler si ceux-ci promeuvent des produits qui n’ont pas de rapport avec le sujet de l’influenceur.

Air of melty : On parle de plus en plus de l’existence d’une génération activiste, avec un engagement fort sur des thèmes comme l’écologie ou les inégalités. Est-ce que ce combat prend notamment part sur les réseaux sociaux ?

A.D : Les réseaux sociaux sont un vecteur très puissant de l’activisme car il donne une voix à une multiplicité d’acteurs qui répondent à des démarches différenciées : aux ONG – de plus en plus nombreuses et de plus en plus puissantes – aux marques activistes, aux célébrités et aux individus. Il est devenu presque impératif pour les stars et les célébrités de s’associer à une cause. La pression des jeunes est forte là-dessus. Cet écosystème pousse donc des sujets sur le devant de la scène avec une puissance inégalée. Les sujets sur lesquels ils sont activistes sont liés à l’environnement oui mais aussi beaucoup à des sujets sociétaux et du ressort de l’intime. La relation à soi et son corps, le féminisme, la reconnaissance de toutes les sexualités, la diversité…

Air of melty : Quels conseils donneriez-vous aux marques pour toucher et communiquer efficacement avec la jeune génération sur les réseaux sociaux ? À l’inverse, quelles sont les erreurs à éviter ?

A.D : Il faut d’abord écouter ce qu’ils ont à dire, ne pas préjuger de leurs intérêts et de leurs réactions. Il faut aussi montrer son engagement et la façon dont il se réalise concrètement. Ne pas hésiter à partager les progrès à effectuer, être suffisamment transparent. Les erreurs à éviter, c’est définitivement le « jeunisme ». Il est souvent interprété comme un manque de respect, une marque ou un dirigeant essayant de se « mettre au niveau » des jeunes.

Air of melty : Enfin, comment voyez-vous l’utilisation des réseaux sociaux par les 15-30 ans évoluer au cours des prochains mois et des prochaines années ?

A.D : Les jeunes vont sans doute développer des usages plus « sérieux » autour des réseaux sociaux – scolaires, information, prévention.. – sous l’influence d’acteurs qui développent des approches très innovantes. Connaissez-vous « Miss.excel » ? Elle incarne parfaitement cela.