Pixpay, “Les jeunes sont très partagés, entre fatalisme et envie d’agir” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 09 Mar 2022 à 10:58
Pixpay, “Les jeunes sont très partagés, entre fatalisme et envie d’agir” (EXCLU)
Pour l’interview de la semaine, Caroline Ménager, co-founder & CMO chez Pixpay, qui propose une carte de paiement aux ados, nous parle de la manière dont les jeunes Français consomment au quotidien. Secteurs privilégiés, marques préférées, moyens de paiement choisis, on fait le point !

On l’a déjà dit, comprendre la jeune génération passe par comprendre la manière dont elle consomme au quotidien. À ce sujet, Caroline Ménager, co-founder & CMO chez Pixpay, qui vient de mener une étude sur l’argent de poche des moins de 20 ans et qui s’est aussi récemment intéressé au détail des dépenses des jeunes, a accepté de répondre à nos questions : quelles sont les secteurs et les marques qui font le plus dépenser les jeunes Français ? Sont-ils plutôt cigales ou fourmis ? Réponses par ici !

Air of melty : Pouvez-vous nous présenter Pixpay en quelques mots ?

Caroline Ménager, co-founder & CMO chez Pixpay : Pixpay, c’est une carte de paiement pour les ados à partir de 10 ans, qui leur permet de dépenser partout, même en ligne. Cette carte est couplée à une application mobile pour l’ado, ça lui permet de suivre son budget, d’épargner pour la paire de baskets de ses rêves, d’apprendre à accepter de ne parfois plus rien avoir pour finir le mois… Bref, avec sa carte Pixpay, il devient plus autonome et responsable avec son argent. Mais ses parents sont toujours présents en cas de besoin, avec leur propre application de suivi. En effet, les parents voient instantanément ce que l’ado fait avec son argent de poche, ils peuvent lui envoyer une rallonge en un clic en cas d’imprévu, mais aussi bloquer des marchands qui leur semble inappropriés. Notre mission, chez Pixpay, c’est d’apprendre à la jeune génération à gérer un budget, parce que c’est une compétence clé pour la vie et qu’elle n’est pas enseignée à l’école !

Air of melty : Vous avez récemment mené une étude sur la manière dont les plus jeunes consomment vraiment au quotidien. Dans un premier temps, que nous enseigne cette étude sur le budget de la jeune génération : combien les jeunes dépensent-ils chaque mois en moyenne ? Sont-ils plutôt fourmis ou cigales en matière de shopping ?

CM : Les ados sont plus riches qu’on ne le croit ! L’argent de poche moyen versé par les parents est de 30 € par mois. Mais en réalité, les ados gèrent un petit budget d’environ 75 € par mois. Qu’est-ce que cela couvre ? Les dépenses « plaisir » souvent associées à l’argent de poche, comme le McDo entre copains ou l’achat d’une appli payante sur l’AppStore ou le PlayStore. Mais aussi pas mal de dépenses du quotidien, comme le déjeuner à côté de l’école, le goûter à la boulangerie, le passage chez le coiffeur ou des achats pour la garde-robe. Sans oublier la participation à la vie de famille : les ados sont souvent amenés à dépanner leurs parents en passant faire quelques courses en rentrant de l’école. Ils ne sont malgré tout pas très dépensiers : en moyenne 13 € par dépense, et un peu plus de 5 transactions dans le mois.

Air of melty : Toujours selon cette étude, McDonald’s, Apple et Monoprix sont les enseignes préférées des ados. Qu’est-ce que cela nous révèle au sujet de cette génération et de ses priorités ?

CM : Plus de 40% des dépenses sont liées à l’alimentation, c’est énorme ! Le fastfood est très présent chez les ados et traduit aussi leur envie d’avoir des liens sociaux en dehors de l’école et de la maison, dans un cadre qui leur semble accessible et sans pression. La prédominance d’Apple montre aussi que les ados ne sont pas frileux – loin de là – quand il s’agit d’acheter en ligne et que les achats peu onéreux d’applis payantes ou de skins sont vraiment entrés dans leur quotidien.

Air of melty : L’étude montre qu’il existe des différences majeures en matière de dépenses entre les garçons et les filles. Pouvez-vous nous en dire plus ? Qu’est-ce que leurs dépenses nous apprennent au sujet de leurs centres d’intérêt principaux ?

CM : On reste un peu dans les clichés, mais c’est la réalité des transactions qui parle ! McDonald’s est de façon unanime la marque préférée des ados, filles ou garçons : pas de distinction à cet égard. En revanche, côté filles, la 3ème catégorie après les supermarchés / boulangeries et le fastfood, c’est le shopping mode : en moyenne une transaction sur 7. D’ailleurs, la 2ème marque préférée des filles, toutes catégories confondues, c’est Shein, cette marque de fast fashion chinoise en pleine explosion. Suivie de près par AliExpress. Impossible de nier qu’il y a un vrai engouement des jeunes pour la fast fashion, probablement parce que cela répond à l’envie de pouvoir consommer à tout moment et à très bas prix. Pour les garçons, la 3ème catégorie après les supermarchés / boulangeries et le fastfood, ce sont les jeux vidéo. Playstation, Apple, Google font partie du top 10 des marques préférées des garçons. Ce qui est amusant en revanche, c’est que la part des jeux vidéo dans le budget des garçons décroît fortement avec l’âge. Passé 14 ans, ils ont tendance à privilégier les sorties entre amis.

Air of melty : On dit beaucoup que les jeunes veulent consommer de manière responsable. On peut le penser avec la présence de Vinted dans leurs marques préférées…mais dans le même temps SheIn et AliExpress figurent aussi dans le top. Alors, quelle est la réelle vision des jeunes sur le sujet ?

CM : Ils sont très partagés, entre fatalisme et envie d’agir. Pour échanger très souvent avec des ados, ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient être les seuls à faire des efforts : c’est d’ailleurs tristement amusant de voir qu’ils considèrent que les adultes en font peu, voire pas du tout. Je pense qu’ils ne sont pas encore prêts à se priver et à faire des concessions drastiques sur leur consommation, notamment parce que cela a un coût que leur budget ne leur permet pas. Les tentations sont nombreuses, à bas prix, il est dur d’y résister. Donc Vinted traduit cette envie de faire quelque chose, à leur niveau, mais sans implication financière forte. C’est finalement un peu le meilleur des deux mondes : je consomme, ce n’est pas cher, et je fais du bien à la planète.

Air of melty : L’étude révèle que 23% des achats des ados sont effectués en ligne, soit quasiment 1 transaction sur 4. Est-ce que cela veut dire que les jeunes délaissent progressivement le shopping offline ?

CM : C’est vrai que la part des achats en ligne est plus forte pour cette génération que pour les adultes (seulement 13% du commerce de détail se fait en ligne au niveau national). Mais rappelons quand même que leurs achats en ligne se font essentiellement sur des marques exclusivement online : SheIn, AliExpress, Apple, Playstation… Il y a donc un vrai besoin pour les ados d’être équipés en un moyen de paiement digital, sans possibilité de découvert, contrôlable par les parents qui ne sont souvent pas très rassurés à l’idée de laisser leur carte bleue à leurs enfants. En revanche, les marques de shopping offline gardent un attrait fort pour cette génération qui reste friande de sorties entre ami.e.s.

Air of melty : Votre étude s’intéresse également aux différences entre villes et régions. Que peut-on dire à ce sujet ? Qu’est-ce qui différencie les adolescents au niveau géographique ?

CM : Beaucoup de similitudes entre les différentes régions de France : on se rend compte à travers ces chiffres qu’il y a une vraie globalisation des comportements d’achats. La Corse se distingue toutefois, c’est l’endroit de France où les comportements d’achat des ados sont les plus atypiques. Beaucoup moins de fastfood (mais n’oublions pas qu’il n’y a pas de McDo sur l’Ile de Beauté), moins de dépenses dans les voyages (mais là encore, on comprend…). En revanche, beaucoup de retraits aux distributeurs, de dépenses dans les bars-tabacs… par rapport aux autres régions de France. On voit par ailleurs des spécificités émerger dans les grandes villes de France par rapport aux petites villes et aux zones rurales et péri-rurales : trottinettes électriques, transports en commun de la ville apparaissent alors très clairement dans le top 10 des dépenses.

Air of melty : Enfin, concernant le mode de paiement des jeunes, peut-on dire que le paiement mobile vient doucement mais sûrement s’imposer comme parcours préféré des jeunes ?

CM : Les adolescents restent très attachés à l’objet carte : c’est souvent leur première carte de paiement et un symbole d’émancipation et de maturité assez fort. Pour autant, beaucoup ont paramétré Apple Pay ou Google Pay dans leur téléphone, car ils sont conscients qu’avant le portefeuille, l’objet qu’ils ont toujours sur eux, c’est le téléphone ! Et ça permet de dépanner quand la carte physique est égarée, ce qui arrive !

Air of melty : De manière générale, comment voyez-vous la consommation des ados évoluer au cours des prochains mois ?

CM : Je pense que nous allons inéluctablement vers plus de digital : paiement en ligne ou paiement mobile. Concernant les marques, celle qui a de loin le plus progressé en un an, c’est SheIn. Voyons où l’ascension de ce géant asiatique ira et espérons que Vinted connaîtra un succès semblable !