Welcome Max, « La Génération Z a déjà développé une conscience des mondes virtuels » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 12 Mai 2022 à 12:14
Les tendances clés du gaming à connaître en 2022
Pour l'interview de la semaine, Christophe Cotin Valois, CEO de Welcome Max, répond à nos questions pour chercher à comprendre à quel point le métavers constitue une bonne opportunité (ou non) pour les marques.

Le métavers, c’est clairement le grand sujet de l’année 2022. Mais un sujet qui divise : alors que certaines études montrent que les moins de 30 ans sont les plus investis et les plus intéressés par ces mondes virtuels (avec certains qui se disent même plus heureux que dans la vraie vie), d’autres sondages montrent à l’inverse qu’ils s’y intéressent peu. Alors, le métavers, opportunité ou fausse bonne idée pour les marques ? Christophe Cotin Valois, CEO de Welcome Max, répond à nos questions sur le sujet.

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-Air of melty : Pouvez-vous nous présenter Welcome Max en quelques mots ?
Christophe Cotin Valois, CEO chez Welcome Max : Welcome Max est une agence conseil en UX/CX. Nous aidons les marques à faire face aux défis du nouveau monde. Les clients/utilisateurs/usagers finaux sont au centre de nos méthodologies orientées Test n’learn. Nous aidons les organisations en améliorant les expériences vécues par leur publics internes ou externes, dans le but de délivrer et d’optimiser leurs produits / services et les parcours associés.

-Air of melty : En 2022, comment peut-on définir le metavers ? Qu’est-ce que cela désigne réellement et en quoi est-ce un enjeu pour les marques ?
C.CV : Un metavers est construit autour de quatre “Meta dimensions” : un monde virtuel persistant avec un mode réalité augmentée de certains assets ; un marché où l’on peut réaliser des achats virtuels ou physiques via des cryptomonnaies ; une décentralisation qui impose une redéfinition de la notion de propriété (NFT), des paiements et de l’identité, dont l’identifiant serait le Wallet ; une dimension sociale qui existe déjà dans les jeux vidéo en ligne. Probablement un eldorado virtuel du « retailtainment » où l’on s’amuse en consommant ou où on consomme pour s’amuser. Un super mall, un Las Vegas des geeks.

-Air of melty : De manière générale, les marques peuvent-elles réellement espérer convertir les consommateurs à une vie virtuelle ? Quels sont les risques ? Quels sont les espoirs ?
C.CV : Passer 50% de sa vie dans le virtuel ? A court terme, je n’y crois pas. On le voit bien, les jeunes générations voyagent plus que jamais, elles explorent le monde, mangent bio, s’intéressent à la nature bien plus que les millennials. Les opportunités sont principalement de dépasser les limites du réel, à l’instar d’Amazon ou Alibaba qui abolissent les frontières du temps et de l’espace. Cela permet à de nouveaux usages d’émerger, et donc à de nouveaux modèles d’affaires de voir le jour.

-Air of melty : En pratique, quel type d’expérience les marques peuvent-elles envisager dans ce nouveau monde virtuel ? Pouvez-vous nous donner des exemples de marques qui se sont déjà lancées, avec succès ou non ?
C.CV : Actuellement, les marques misent sur du brand content événementiel : cela reste des « coups de com » pour le moment. Difficile d’aller plus loin que le musée virtuel. Ce sera d’ailleurs la première opportunité à saisir pour les marques, comme par exemple Virtual Gucci Garden. Ce type d’initiative, comme le musée virtuel en VR, a déjà été exploré par de belles marques tel que Dior. Mais en terme d’expérience et d’interactivité cela reste finalement assez décevant, tout comme ces installations numériques dans les expositions : finalement vos enfants y restent 10 minutes mais n’y comprennent rien (et vous non plus)… Autre exemple d’expérience dans le metavers, celui de la construction du stade de Manchester City. Une fois le stade réel équipé de caméras, nous pourrons probablement y suivre un match sous tous les angles comme si on y était mais sans l’ambiance des matchs. La meilleure vue n’est-elle pas celle créée par l’équipe de réalisation, qui sait switcher de prise de vue au cœur de l’action pour nous présenter l’action sous son meilleur angle sans que nous n’ayons rien faire ? Cependant, pour les fans, la visite du stade est un graal. Et l’engagement est tel que le club se rapproche de Tezos (crypto) pour lancer des projets de collectibles en NFT qui devraient faire fureur dans la communauté, et pourraient ne pas coûter cher. Ce point est important pour générer un usage en continuité avec ceux du mobile en termes de personnalisation : coques, sonneries, thèmes et app ne coûtent pas cher et permettent au public de consommer, de manière spontanée, pour le fun. Aussi, sur le sujet du metavers, on est souvent sur du second degré, à l’instar de la campagne Heineken avec sa bière virtuelle sans alcool qui existe aussi dans le réel. Ironie ou premier degré ? Les stars comme Snoop savent bien jouer de cette ambivalence pour générer du Buzz. Est-ce le modèle qui va émerger ? difficile de se prononcer, en tout cas on en parle.

-Air of melty : Quels sont les obstacles du moment qui peuvent freiner les marques à aller dans le métavers ? Comment les contourner ?
C.CV : Le rendu est actuellement un obstacle. On se retrouve vite dans des univers assez cheap, qui n’ont rien à envier aux jeux vidéos. Même si le web offre de magnifiques rendus 3D comme ceux que proposent l’agence Merci Michel par exemple, le metavers fera l’objet d’un autre vertical de budget à compléter par le média. Et la facture va être salée car on cumule là les enjeux du digital : visibilité, création, contraintes techniques, UX, e-commerce, social… bref un enjeu de taille pour les organisations. Aussi, l’accessibilité et l’interopérabilité sont d’autres limites à prendre en compte. Aujourd’hui, nous naviguons sur le web avec nos devices où iPhone, Google, Meta et autres mènent déjà une guerre des mondes, tentant chacun de garder captifs leurs users par une UX propriétaire, mais aussi des logins, devises, plateformes de paiement, listes de contacts, chats, avatars et référentiels d’articles. Ils enferment leurs audiences et passer d’un device à un autre peut relever du parcours du combattant. Alors, attendez de devoir vous connecter tout en portant un casque encombrant et inconfortable! Cela pose donc la question de l’interopérabilité : le sac Gucci, vendu plus cher que le véritable sur Roblox, sera-t-il compatible avec le monde Meta ? Je l’espère pour son propriétaire…

-Air of melty : Comment faire pour que les marques proposent des expériences différenciantes dans le metavers ? Ne risque-t-on pas de retrouver un peu toujours le même type d’expérience innovante au départ ?
C.CV : Oui, c’est le risque. Car, au-delà de la créativité des agences pour des concepts de communication basés sur le metavers, la dimension fonctionnelle s’avère très codifiée et contraignante. C’est vraiment le concept qui compte. Le risque, c’est l’over templating d’un côté (le mainstream, un peu comme mettre ses produits sur Amazon, ou des pages entreprises sur Facebook) et, de l’autre, le sur-mesure très coûteux que seules les très belles marques peuvent s’offrir. Alors l’expérience sera-t-elle à la hauteurs de leurs attentes ou déceptive pour les clients ?

-Air of melty : On sait que la jeune génération (Millennials, Génération Z) est celle qui est la plus exigeante en matière d’expérience dans son parcours d’achat. Est-ce elle qui va donner le ton dans le metavers ?
C.CV : C’est la question de fond. Au-delà de l’effet buzz, les usages du Metavers vont probablement se révéler sur des mécanismes de Hype auxquels les Gen’z sont très sensibles. Mais en ont-ils les moyens ? Une App sur un mobile est peu coûteuse et nous sommes loin des exploits du NFT sur cette cible. Les Gen’z sont surprenants, les défis technologiques ne les stimulent pas plus que ça. L’innovation n’est pas leur sujet. Pour eux, tout ça est légitime et, souvent, ils ont déjà développé une conscience des mondes virtuels, de leurs limites et de leur potentiels (via les mangas et la futurologie post Geek) qu’ils expérimentent aisément dans le gaming. Gaming qui pour le moment n’a rien à envier au Metavers en terme d’expérience communautaire ou de jeu. Donc, de mon point de vue, la cible est plus les millennials ; la deuxième génération est plus à l’aise avec la tech et dispose d’un pouvoir d’achat suffisant pour créer un marché.

-Air of melty : Enfin, quels sont les 3 conseils que vous donneriez aux marques cherchant à se lancer dans ce nouvel univers ? Et quelles sont, à l’inverse, les 3 erreurs à éviter selon vous ?
C.CV : Appliquer une méthode Design thinking. Se lancer en démultipliant les expérimentations pour comprendre les codes, tester les plateformes et analyser les audiences de manière à ce que la marque se sente à l’aise dans le concept, la plateforme et les sujets qu’elle souhaite traiter. L’erreur serait de croire qu’une approche stratégique est suffisante pour investir. Aussi, il ne faut pas s’enfermer sur une seule plateforme. En effet, la dimension communautaire et l’effort d’entrer dans une plateforme représentent finalement un investissement pour l’utilisateur. Comme sur les réseaux sociaux, nous ne sommes pas tous impliqués sur toutes les plateformes et l’audience va probablement être volatile. L’erreur serait de se contenter d’une seule plateforme, comme si vous étiez sur Twitter et pas sur Insta. Commencer sur une dimension événementielle – qui génèrerait de la visibilité pour attirer de l’audience – sans savoir qui vient selon les différentes plateformes. L’erreur serait d’investir massivement sur des idées de service, en risquant un mauvais partenariat technologique ou en terme d’audience, autrement dit, sans avoir observé les usages, ni identifié ceux qui seraient le plus appropriés aux objectifs de la marque. Une fois cette étape cruciale réalisée, le marketing suivra. Il faut une approche stratégique mais opérationnelle. #test&learn