Helmut, “Les 15-25 ans ne séparent plus le divertissement de l’achat” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 28 Jan 2021 à 12:21
Les Parennials, une catégorie de jeunes à connaître !
Pour l’interview de la semaine, Adrien Moret, Head of Creative Strategy de l'agence de communication Helmut, répond à nos questions pour mieux comprendre ce que vivent les jeunes consommateurs actuellement et comment les toucher efficacement. Etat d’esprit, comportements, parcours d’achat, valeurs, on parle de tout !

Pas facile à comprendre la jeune génération ? Alors que de nombreux jeunes ont vécu “la pire année de leur vie” en 2020, la nouvelle année est synonyme de nouveaux espoirs et de nouveaux projets. Pour les marques, il convient donc de trouver le bon ton et la bonne manière de s’adresser à cette cible, si particulière, en prenant en compte le moment de rupture que vit actuellement la Génération Z. À ce sujet, Adrien Moret, Head of Creative Strategy de l’agence de communication Helmut, a accepté de répondre à nos questions. Qu’est-ce que 2020 a changé dans l’état d’esprit et la manière de consommer des jeunes ? Quels sont les clichés à oublier au plus vite ? Quelles sont les valeurs sur lesquelles miser ? Réponses par ici.

-Air of melty : Pouvez-vous nous présenter Helmut en quelques mots ?

Adrien Moret, Head of Creative Strategy de l’agence Helmut : Helmut est une agence de communication indépendante spécialisée dans les univers du Luxe, de la Mode et de la Beauté. L’agence est née de la vision radicale d’un luxe nouvelle génération, pour créer une structure novatrice et pionnière mélangeant intelligence stratégique, création saillante et production agile.

-Air of melty : Comment la jeune génération a-t-elle vécu l’année 2020 : les périodes de confinement ont-elles changé ses priorités, ses attentes à l’égard des marques ?

A.M : Elle l’a vécue comme un challenge. C’est d’ailleurs un peu le mot de l’année, challenge. En partie grâce à (ou cause de) Tik Tok, mais pas que. La génération Z est en train de vivre un challenge colossal que ses aînés n’ont pas connu, celui du temps, cet amas de temps à tuer, ce (petit) supplément d’ennui que leur a apporté le confinement. Mais il y a aussi le challenge du temps qui avance sans eux, à un moment de leur vie d’étudiant où chaque semaine compte. Ce challenge du temps, il s’est accompagné par une somme de surprises : surconsommation des contenus de marques pendant le confinement, besoin de distraction à outrance plutôt que de service (là encore, merci Tik Tok…). Ce challenge du temps, il s’est aussi traduit par une réorientation de la créativité des plus jeunes, qui ont enfin eu le temps de pousser plus loin les curseurs de leur créativité concernant leurs activités favorites. On a vu leurs journaux de confinement et autres ateliers créatifs faits-maison fleurir un peu partout sur leurs réseaux, avec parfois de très belles surprises.

-Air of melty : A-t-on noté un changement de comportement dans la manière de consommer ? Que ce soit sur le type de produit (bio, made in France, prix…) ou sur le parcours d’achat ?

A.M : À en lire les kilomètres d’étude « post premier confinement » mais « pré second confinement », il y a eu de profondes modifications des comportements, mais celles-ci sont à mon sens l’accélération logique de comportements de moins en moins latents : le repli sur le local, la recherche de sens et le choix de la sécurité en sont les principaux marqueurs. Le COVID a autant ralenti l’économie qu’il a accéléré les tendances de fonds qui progressaient lentement mais depuis un moment déjà. C’est vrai pour toutes les générations, mais c’est encore plus flagrant chez les plus jeunes, qui ont moins de mauvaises habitudes à combattre (des décennies entières de mauvaises habitudes !). L’accélération de la consommation de bio en est le meilleur exemple. En revanche, c’est peut être concernant le parcours d’achat que les changements sont les plus ostensibles. Plus de 50% de hausse du e-commerce et du drive en un mois de confinement (étude Nielsen/FEVAD, mai 2020), une hausse spectaculaire qui marque le début d’un vrai changement de paradigme, pas seulement une solution de repli. Une nouvelle ère donc, largement portée par la génération Z. 55% déclarent qu’ils vont désormais continuer à limiter leur venue en point de vente (Colombus Consulting, 2020).

-Air of melty : Que pouvez-vous nous dire sur la manière dont la Génération Z utilise les réseaux sociaux actuellement ? Qu’est-ce que les marques doivent en retenir ?

A.M : Encore une fois, 2020 n’a cessé de surprendre : qui aurait dit il y a 5 ans, quand la dictature Instagram frappait le monde de plein fouet, que LA plateforme de 2020 serait Zoom, un énième skype-like ? En tout cas, quelle que soit la plateforme, on remarque que la génération Z consomme plus vite, plus fort et moins longtemps. Les tendances ne restent pas « tendance » très longtemps et les canaux de communication voient leur longévité s’ébranler. Ce que les marques doivent en retenir, c’est que le monde, même à l’arrêt, ne cesse jamais de s’accélérer et qu’il ne faut jamais se mettre en pause si on ne veut pas prendre du retard. Car ne pas avancer aujourd’hui, c’est reculer. Chez Helmut, nous avons constaté que nos clients ayant continué à communiquer pendant les temps morts, parfois de manière encore plus créative qu’auparavant, en ont fait de vrais temps forts (hausse de l’engagement et du business). Cela paraît facile à dire maintenant que le COVID est devenu une norme, mais il fallait être courageux pour redoubler d’effort à un moment où tout se mettait en pause.

-Air of melty : Quels sont les clichés sur la Génération Z qu’il faut oublier à tout prix pour bien communiquer auprès de cette cible ?

A.M : J’ai envie de vous parler de télévision. Un cliché à oublier selon moi, c’est de penser qu’ils ne regardent plus la télévision (en partie à cause des réseaux sociaux). Ils la regardent bien plus qu’avant au contraire, mais ils la regardent ailleurs et autrement. Saviez-vous que le premier média de la Gen Z n’est ni Instagram, ni Snapchat, pas même Tik Tok ? Il s’agit de Youtube. Et sur Youtube, il n’y a pas que des youtubeurs et des clips, on retrouve un contenu de plus en plus proche de la télévision, la vraie, parfois même les exacts mêmes contenus déplacés du replay de la chaîne vers la chaîne Youtube de la chaîne. La chaîne de la chaîne en quelque sorte… Il y a Youtube, mais il y a aussi tous les Netflix-like qui sont en train de redéfinir le visage de la télévision, avec des programmes de plus en plus proches de ceux d’un bon vieux tube cathodique (émissions de télé-réalité, émissions de cuisine, talk-show, documentaires, etc.). Qu’est-ce qu’il faut en retenir ? Qu’il devient nécessaire de repenser notre façon de faire de la publicité… peut-être de temps en temps oublier le 30 secondes ou même le pre-roll pour réfléchir à des stratégies de contenu nouvelle génération, pensées pour vivre comme de véritables programmes plutôt que pour introduire les programmes seulement.

-Air of melty : Quels sont les 3 conseils que vous donneriez aux marques pour toucher la Génération Z en plein cœur en 2021 ?

A.M : Pour toucher la génération Z en plein cœur, il s’agit surtout d’apprendre à parler sa langue, c’est à dire surtout apprendre à parler sa nouvelle créativité. 1. Une marque en 2021, devra être au moins aussi créative que ses jeunes consommateurs. Pour communiquer avec eux, il devient fondamental de comprendre cette nouvelle vague créative détournant les outils digitaux pour coller, monter, faire de la 3D et de la réalité augmentée avec plus de talents que beaucoup de DA professionnels… 2. Une marque en 2021, devra repenser son UGC pour intégrer cette créativité avec un grand Z au cœur de ses contenus de marque. L’UGC en 2021, ce n’est plus de faire de la simple communication participative à grand renfort de concours photo, mais plutôt de donner aux Z des outils de marque à twister pour s’exprimer avec toute la créativité qu’ils possèdent (filtre, réalité augmentée, challenges, etc.). Il faut inventer un langage partagé et à partager. 3. Une marque en 2021, doit être sincère, jouer avec eux sans se jouer d’eux. Si l’on parle d’authenticité depuis des années, c’est vraiment depuis le premier confinement que l’on commence à en voir la couleur, avec les égéries shootées chez elles, les artistes en live depuis leur salons, les vraies séquences interactives entre les influenceurs et leurs followers.

-Air of melty : Depuis le début de la crise sanitaire, les jeunes sont toujours plus nombreux à acheter en ligne, et notamment via les réseaux sociaux. Est-ce qu’on peut dire que le Social Selling va constituer une tendance forte en 2021, particulièrement auprès de la Génération Z ?

A.M : Instagram est d’ores est déjà devenu le plus grand des grands magasins, et le renouveau du lèche vitrine. Le social se réinvente par le prisme du commerce et les réseaux sociaux sont dorénavant pensés pour les marques autant que pour les gens. De plus, contrairement à ses prédécesseurs, la Gen Z est beaucoup moins réticente à l’idée qu’une marque utilise le social pour vendre. Au contraire, les 15-25 ans ne séparent plus le divertissement de l’achat. C’est une génération qui achète en s’amusant ou qui s’amuse en achetant. C’est sûr qu’acheter sur Instagram des sneakers depuis la story de son influenceur préféré, c’est plus fun que d’aller faire la queue chez Adidas après 30 minutes de bus.

-Air of melty : Selon vous, quelle est la valeur qui va marquer les mois à venir pour les moins de 25 ans : l’engagement, la détermination, la flexibilité…?

A.M : Sans hésiter l’engagement. Il y a quelques années encore, une marque n’avait le droit de s’engager que si elle était étroitement liée à la cause qu’elle défendait : humanitaire, écologie, maladies, … Sinon, elle était rapidement accablée et traitée d’opportuniste. Une marque de voiture qui tient un discours écolo ? Greenwashing ! Mais dorénavant, c’est tout l’inverse (et c’est tant mieux). Toutes les marques, même à leur petit niveau, ont la légitimité de s’engager pour quelque chose, c’est même presque devenu un passage obligé. Les raisons de s’engager sont de plus en plus nombreuses et nécessaires : sustainability, inclusivity, LGBT, Black Lives Matter, handicap, incitation à aller voter, etc. En tant que gourous modernes, les marques font partie des organes d’influence les plus puissants pour faire changer les choses, et ce dans tous les domaines. Dans la beauté par exemple, ce sont les marques et leurs agences qui participent chaque jour à faire évoluer le regard que la société peut porter sur la femme, le genre ou la couleur de peau. Mais dans d’autres domaines, même une marque de burger peut contribuer à rendre le monde meilleur (autrement que parce qu’un burger, c’est bon…).