Jeunes et réseaux sociaux : Netino, « Les émotions sont en constant bouillonnement chez les jeunes » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 27 Août 2015 à 06:58
YouTube, Snapchat, Instagram, à quel point la Génération Z est active sur ces réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux représentent une grande partie de la vie des jeunes, et c'est donc très logiquement que la rédaction d'Air of melty s'y intéresse de près. Découvrez tout de suite notre interview de Jérémie Mani, CEO de Netino, agence parisienne spécialisée dans la Modération 2.0, au sujet du rapport des moins de 30 ans aux réseaux sociaux. Emotions, rapport aux marques et expression sont au programme !

Le Social Media Marketing, c’est une tendance à laquelle s’intéresse beaucoup la rédaction d’Air of melty. Nous vous en parlions la semaine dernière, les réseaux sociaux jouent aujourd’hui un rôle capital dans les achats des jeunes, avec près de la moitié des Canadiens utilisateurs de réseaux sociaux qui déclarent s’en servir pour découvrir un produit ou effectuer une action en lien avec un achat, comme le fait de chercher un bon de réduction, des avis de consommateurs ou encore demander des informations directement aux marques, avant ou après un achat. Les réseaux sociaux, c’est un univers ultra actif au sein duquel tout va très vite. Vous pouvez le voir par ici, en découvrant tout ce qui se passe en une minute sur Instagram, Facebook, Snapchat et compagnie. En attendant, pour en savoir toujours plus sur le rapport des jeunes aux réseaux sociaux, découvrez notre interview de Jérémie Mani, CEO de Netino, agence parisienne spécialisée dans la Modération 2.0.

-Air of melty : On dit les jeunes hyper actifs sur les réseaux sociaux. A quel point est-ce vrai ? Jusqu’où vont les jeunes dans la mise en avant de leur quotidien et de leurs sentiments sur les réseaux sociaux ?

Jérémie Mani, CEO de Netino : Une récente étude Ipsos nous apprend que les 13-19 ans passent plus de 13h par semaine, en moyenne, sur Internet. Mais cela n’inclue pas forcément le temps passé sur les applications de type WhatsApp ou Viber… qu’ils utilisent dès le réveil. 95% des 18-20 ans ont un compte Facebook et ce n’est pas étonnant. La pression au conformisme est forte à cet âge. Cela touche également les collégiens car c’est l’âge où l’on se forge sa personnalité. Les jeunes se déplacent en groupe et les réseaux sociaux aident à maintenir la cohésion du groupe quand ils se séparent. On va y dire ce que l’on fait, ce que l’on vit ou ressent, pas tant pour partager l’information mais dans l’espoir plus ou moins conscient de recueillir un « like ». Rien de pire pour beaucoup d’entre eux de poster quelque chose et n’avoir aucune réponse, aucun commentaire, aucun partage. C’est un camouflet – public ! – qu’ils peuvent mal vivre.

-Gardent-ils une certaine méfiance à l’égard de ces réseaux sociaux ou se dévoilent-ils vraiment ?

J.M : Le profil Facebook des jeunes est souvent une sorte de carte d’identité officielle sur le web, un profil travaillé selon l’image que l’on veut renvoyer, relativement aseptisé. C’était moins vrai au tout début, mais il y a eu tellement d’histoires un peu gores qui ont circulé que tout le monde sait désormais qu’il faut être méfiant. Les réseaux sociaux sont en effet des plateformes potentiellement propices aux dérapages. Les propos délictueux et les agressions verbales sont fréquents sur les plateformes où on peut agir anonymement avec toute la cruauté qu’un ado peut avoir à cet âge envers un autre ado. Les parents en sont conscient désormais et préviennent leurs enfants. Par ailleurs, il faut noter que beaucoup de jeunes sont « amis » avec leurs parents. Même si on peut restreindre l’accès à certaines publications, il y a toujours la peur que cela reparaisse. La tendance naturelle est alors de conserver son profil Facebook mais de le compléter avec un autre réseau social, où l’on pourra être en théorie plus libre de ses publications, comme Snapchat. Mais là aussi la méfiance est de mise : beaucoup d’adolescents ont des « dossiers » sur leurs camarades de classe, en mode « Si tu diffuses ma photo en train de faire ceci, je diffuse la tienne en train de faire cela »…

-Qu’est-ce qui explique qu’un internaute ait envie de relayer une information sur les réseaux sociaux ?

J.M : Chez les plus jeunes, c’est avant tout une mise en scène de soi. Essayer de se montrer sous son meilleur jour. L’idée de dire quelque chose sur soi-même pour mieux s’affirmer au sein du groupe. C’est aussi une façon de briser l’isolement, quand on est seul. Une perche tendue en espérant initier un dialogue dans les commentaires qui suivront. Mais on dit aussi qu’on peut définir la personnalité de quelqu’un rien qu’en analysant ce sur quoi il clique. Car souvent, c’est quelque chose qui nous touche, nous émeut, nous fait rire … ou nous agace.

-On dit justement beaucoup que la colère est l’émotion la plus virale sur les réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ?

J.M : Ce n’est pas vrai que pour les réseaux sociaux ! Demandons-nous ce qui motive les gens à descendre dans la rue. Principalement la colère, lors de manifestations. Ou l’émoi, dans les marches blanches. Mais il faut noter que le sentiment de liesse (par exemple, la victoire de son équipe dans une grande compétition sportive) peut aussi provoquer des rassemblements spontanés. Ce sont les émotions fortes qui mobilisent les gens et cela reste valable sur les réseaux sociaux.

-Sur notre site, nous parlons beaucoup du fait que, dans leur rapport aux marques, les jeunes fonctionnent beaucoup à l’émotion. Peut-on dire que l’émotion est « un carburant de l’implication sur les réseaux sociaux » ? Et cela signifie-t-il donc que les marques doivent de plus en plus miser sur les réseaux sociaux pour engager les jeunes ?

J.M : Il y a chez les jeunes moins de recul que chez les adultes et c’est normal. Ils réagissent souvent par impulsivité. Je n’invente rien en disant que les émotions sont en constant bouillonnement chez les jeunes, qui les maitrisent encore mal. Il y a un an, une étude très sérieuse concluait que lire des contenus tristes ou joyeux sur Facebook incitent à poster des contenus similaires ! Comme si ces sentiments étaient contagieux. Au départ, le « like » est une façon simple et rapide de signifier son empathie, donner un retour positif à quelqu’un. L’équivalent d’un hochement de tête ou d’un sourire en coin qui accuse réception du message de l’autre et lui signifie une certaine bienveillance. Pas étonnant donc que les réseaux sociaux soient si prisés des plus jeunes. Par ailleurs, c’est une population difficile à cerner, à cibler et à fidéliser pour les marques. Pourtant, ils constituent les clients de demain. Pour les séduire, il faut utiliser l’émotion mais attention, cela ne suffit pas. La qualité communément perçue et de prix (abordable, faute de pouvoir d’achat) sont tout autant essentiels.

-Ces derniers temps, on parle beaucoup de la folie Emojis, avec des émoticônes et des emojis qui s’invitent de plus en plus dans les conversations des internautes. Or, l’émoticône est justement une icône censée décrire une émotion. Peut-on donc relier le succès des émoticônes et la popularité des réseaux sociaux ?

J.M : Il parait que Sony prépare un film consacré aux Emojis (dont les droits d’image sont dans le domaine public) ! C’est dire s’ils sont populaires. Les réseaux sociaux ainsi que les applications de messagerie (dont WhatsApp) ont énormément contribué à leur rayonnement. On dit souvent qu’une image vaut plus que 1000 mots. Les emojis compensent d’une certaine façon un manque : celui du langage corporel qui accompagne les mots. Un simple 😉 donne une tonalité très différente au message, selon qu’il soit utilisé ou pas. Cela permet d’exprimer facilement un sentiment ou d’accentuer un état d’esprit. Et cela rend les échanges plus « fun », plus ludiques et plus rapides.

-Comment voyez-vous évoluer les réseaux sociaux dans les prochains mois, les prochaines années ?

J.M : C’est la question qui vaut de l’or ! Il y a 5 ans, Facebook décollait tout juste en France. Et combien de gens connaissaient Twitter ? Alors dans 5 ans, la seule chose qui est sûre, c’est que le panorama des réseaux sociaux aura beaucoup changé !