Marketing d’influence : Traackr, « Il faut construire une relation à long terme, pas vouloir marquer des coups » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 20 Oct 2016 à 06:13
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Le marketing d'influence, c'est tendance en cette fin d'année 2016. Mais encore faut-il bien le mettre en pratique ! En la matière, Traackr, qui propose aux entreprises d’identifier le petit nombre des véritables influenceurs autour de leur marque ou leur thématique et d’entrer avec eux, via la plate-forme, dans une authentique relation, vous dit tout sur ce marque le phénomène aujourd'hui. C'est l'interview de la semaine !

Qui dit jeunes engagés à fond sur les réseaux sociaux dit forcément émergence de nouveaux influenceurs sur ces plateformes. Des influenceurs avec lesquels les marques veulent de plus en plus collaborer. C’est ce qu’on appelle le marketing d’influence. Mais, en 2016, bien des idées reçues restent à balayer sur ce marketing d’influence. A l’occasion de la sortie d’un livre blanc étudiant le rapport des marques de luxe avec ce genre de stratégie, Traackr, spécialiste en la matière, répond à nos questions.

-Air of melty : Est-ce que vous pourriez résumer les 9 défis qui font obstacle à la croissance qu’offre le marketing d’influence aux marques de luxe aujourd’hui ?

Nicolas Chabot, investisseur et VP EMEA chez Traackr, et Minter Dial : Elles sont au nombre de cinq : 1) Réconcilier une exigence de désirabilité de la marque auprès de larges audiences et la réalité du très petit nombre de clients finaux. 2) Identifier les influenceurs partenaires au-delà du produit (horlogerie, voitures de luxe, parfums) en travaillant sur les territoires de marque pour aller toucher l’audience recherchée. 3) Concilier la personnalité de la marque et celle de l’influenceur grâce à un travail d’écoute approfondi afin de s’assurer de valeurs partagées. 4) Etendre la taille de son programme influenceurs sans en diluer la pertinence ou l’exclusivité perçue du programme. 5) Rémunérer les influenceurs pour leur travail de création sans compromettre l’authenticité de la relation et la diffusion de contenus authentiques. 6) Laisser aux influenceurs assez d’espace pour s’exprimer sur la marque. Savoir s’effacer et leur laisser la parole. 7) Gérer la nécessité de secret et de respect de la vie privée de la part d’influenceurs /clients tout en leur donnant la capacité de s’exprimer. 8) Mettre en place une gouvernance de projet qui permette de coordonner globalement un programme et une voix tout en maintenant un engagement local dans chaque région. 9) Gérer un programme dans une exigence de qualité et de respect de la relation, mais qui soit aligné avec les standards de la marque.

-Air of melty : Les marques du luxe doivent aujourd’hui s’adapter à la révolution digitale. Est-ce particulièrement vrai pour les consommateurs de moins de 30 ans ? Qu’est-ce qui caractérise le rapport des jeunes consommateurs à ces marques de luxe ?

N.C : Les moins de 30 ans ne sont pas la première cible des marques de luxe, car leur pouvoir d’achat est souvent moins élevé que celui de leurs ainés. Mais cela change pour trois raisons : d’une part, le nombre d’entrepreneurs de moins de 30 ans qui font fortune est en augmentation ; deuxièmement, les moins de 30 ans s’associent avec des marques fortes dans cet environnement perturbé ; enfin, instaurer la confiance avec ces marques demande un travail de longue haleine. Il est donc important de créer de la notoriété – du brand building – et de créer la relation. Enfin, les moins de 30 ans sont des influenceurs importants de leurs parents qui, eux, possèdent le pouvoir d’achat.

-Air of melty : Les marques du luxe débarquent en force sur les médias sociaux. Selon vous, quels réseaux sont les plus adaptées pour accueillir les communications de ces marques ? Plutôt des réseaux textuels ou principalement des réseaux axés sur le visuel ? Avez-vous des exemples de marques qui ont « tout compris » ?

N.C et M.D : Pour une marque de luxe, la présence sur les réseaux sociaux ne se fait pas à la légère et nécessite une vision à longue terme. Il faut y aller avec un objectif clair et aussi être là où est sa cible. Une page Facebook peut, par exemple, servir à favoriser la notoriété (ex : Aston Martin). L’environnement luxe s’apprête bien à l’univers visuel. Chaque plateforme a sa spécialité et son audience. Parmi les marques de luxe d’exception, Chanel se distingue par sa capacité à créer une ligne éditoriale et un following adapté sur plusieurs plateformes. Par exemple, le choix d’images et vidéos (courtes et longues) sur Twitter continue à créer beaucoup d’engagement. Sur Instagram, l’usage de GIFs fait le bonheur des Instagrammers.

-Air of melty : On peut penser que le marketing d’influence est d’autant plus fort auprès de la jeune génération, qui accorde une importance primordiale à ses pairs. Pouvez-vous le confirmer ?

N.C et M.D : C’est sans doute vrai dans le sens où la jeune génération consomme de toute façon plus de contenu sur les réseaux sociaux. Cependant il serait faux de penser que les générations plus âgées soient exclues de cette logique ; il faut juste trouver les bons relais et les contenus appropriés pour les toucher. Le marketing d’influence est par exemple un levier très fort dans le secteur des technologies en B2B qui ne cible pas du tout les jeunes populations.

-Air of melty : Quel genre d’influenceurs une marque doit-elle aujourd’hui rechercher pour engager les moins de 30 ans ? Faut-il plutôt choisir un influenceur émergent ou quelqu’un de déjà très confirmé ?

N.C et M.D : Choisir un influenceur émergent permet de construire une relation à un moment au l’influenceur est plus approchable. C’est aussi le moyen de l’aider dans son projet et de créer les bases d’une relation à plus long terme. Mais c’est une prise de risque car nul n’est certain qu’il « confirmera » !

-Air of melty : Comment faire en sorte que la collaboration avec l’influenceur se passe au mieux ? Quelles sont les choses à faire et à ne pas faire ?

N.C et M.D : Pour que la collaboration avec l’influenceur se passe bien (et cela vaut pour le luxe comme ailleurs), il s’agit de construire une relation à long terme, et non pas de vouloir marquer des coups. Dans le luxe, il est souhaitable de lui/la considérer plutôt comme si elle/il est un client au lieu d’un média. A faire : bien évaluer en amont le profil, construire en douceur la relation, donner avant de recevoir, et personnaliser l’approche. Pour les marques de luxe, il faut assurer à ce que les activations soient à la hauteur de la marque et, donc, une valeur ajoutée à ce que les autres marques dans le même secteur peuvent offrir. Par ailleurs, il faut bien se dire que la relation entre la marque et un influenceur est avant tout une relation entre personnes. A ne pas faire : Ne pas présumer l’intérêt de l’influenceur ; ne pas présumer que celui-ci va aimer tout ce que vous lui envoyer/demander ; ne pas penser que marque de luxe égale froid et institutionnel.

-Air of melty : D’où, selon vous, pourraient provenir les prochains influenceurs ?

N.C et M.D : Je pense que nous allons voir une sophistication dans l’appellation des influenceurs. Déjà on voit une segmentation entre micro/niche, macro/mass influenceurs et célébrités. Mais, il serait probable que les influenceurs deviennent de plus en plus spécialisés. L’émergence des nouveaux influenceurs viendra certainement avec ceux qui arrivent à dompter les nouveaux usages des nouvelles technologies, comme par exemple ceux qui seraient adeptes à créer du contenu spécifique pour les spectacles Snapchat; ou qui vont adapter leur manière et message pour la réalité augmentée, etc… Une source de nouveaux influenceurs proviendra aussi de l’Asie. C’est à dire que les influenceurs déjà existants en Chine pourraient devenir plus influents en dehors des frontières via leur énorme following.