What The Fake, “Tous les phénomènes de nos vies sont sujets à des fake news” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 09 Mai 2019 à 10:33
Instagram, TikTok, YouTube, 7 chiffres à connaître pour réussir votre stratégie de marketing d’influence
Lutter contre les Fake News, c’est un sujet capital à l’heure où les jeunes s’exposent à un infini de contenus sur les réseaux sociaux qu’ils consultent tous les jours. Karim Amellal, membre de la Mission contre la haine sur Internet pour le gouvernement français, nous parle du projet What The Fake, qui entend remettre l’esprit critique des jeunes en action.

La rédaction d’Air of melty vous en parle au quotidien, la jeune génération passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, qu’il s’agisse de Snapchat et Instagram, ses deux applis préférées, ou bien de Facebook, même si le service attire désormais moins les jeunes. Chaque jour, ce sont plusieurs heures qui sont passées sur ces plateformes, à visionner des contenus en tout genre et notamment des actualités. À ce sujet, Karim Amellal, auteur, enseignant, entrepreneur et membre de la Mission contre la haine sur Internet pour le gouvernement français, décrypte avec nous le problème des Fake News et nous parle de l’action de What The Fake pour lutter contre.

-Air of melty : Comment est née l’idée de créer What The Fake et quelle est votre mission ?

Karim Amellal, membre de la Mission contre la haine sur Internet pour le gouvernement français : Notre association, baptisée Civic Fab, porte différentes initiatives, dont What The Fake qui développe des campagnes en ligne pour lutter contre la haine, l’extrémisme, la désinformation et la manipulation en ligne. L’association Civic Fab est née dans le sillage des attentats de 2015 parce que, comme beaucoup d’autres, nous avons considéré qu’il fallait agir, faire quelque chose à notre échelle. C’est là que nous avons commencé à lancer en ligne des campagnes de discours positif à travers l’initiative What the Fake. Ensuite, notre action s’est à la fois intensifiée et diversifiée. Nous avons aujourd’hui plusieurs programmes, dont Sens Critique, qui consiste à mettre en place sur le terrain, en direction de jeunes en situation de vulnérabilité, des ateliers créatifs d’encouragement à l’esprit critique.

-Air of melty : Pouvez-vous nous parler du travail qui est mis en place avec melty ?

K.A : Dans le cadre de l’initiative What The Fake, on essaie de produire des campagnes vidéo sur tous les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter…). Jusque-là, nous n’étions pas présents sur Snapchat. C’est un problème, vu l’importance de Snapchat auprès des jeunes, parce que toutes nos actions ciblent en particulier ce public, plutôt vulnérable. Nous avons donc fait appel à l’expertise de melty pour nous aider à entrer sur Snapchat et produire et diffuser des contenus adaptés et exclusifs sur ce réseau social.

-Air of melty : En pratique, comment et à quelle vitesse se propage une fake news ?

K.A : Avec Internet, une fake news se propage quasi instantanément et le gros problème, c’est que tout est matière à fake news. N’importe qui et n’importe quoi peut être concerné. Cela peut être une rumeur dans une classe de quatrième, dans une famille, une rumeur dans le domaine politique, etc. Tous les phénomènes de nos vies sont sujets à des fake news, c’est à dire, en réalité, à de la désinformation. Il suffit d’une rumeur postée sur un réseau social pour que tout commence et que le post soit repris et amplifié. Internet change le phénomène de la désinformation (qui a toujours existé) de deux manières : d’une part, par la rapidité de circulation de la fake news et, d’autre part, par le mécanisme d’amplification qui est inhérent aux réseaux sociaux, notamment à travers le fonctionnement des algorithmes.

-Air of melty : À l’heure où les jeunes passent une grande partie de leur temps libre sur les réseaux sociaux, où ils suivent à la fois l’actualité générale et l’actualité de leurs proches, à quel point sont-ils confrontés aux Fake News ?

K.A : Quelle que soit la nature de la désinformation, les jeunes (et pas qu’eux) y sont confrontés quotidiennement. Il existe des sites qui, intentionnellement, diffusent des fausses informations dans le but d’altérer notre logement. Sur Facebook et d’autres réseaux sociaux, il existe aussi des groupes publics ou privés qui diffusent des informations qui ne sont précisément pas des informations mais qui sont des rumeurs, qu’elles s’inscrivent ou non dans une stratégie intentionnelle de nuire. Je pense que l’on a tous été, à un moment ou à un autre, victime d’une fake news. Le problème, c’est que, jusque-là, dans la vraie vie, c’était confiné. La propagation de la fausse information ne pouvait pas dépasser un certain stade, elle ne prenait pas une proportion hallucinante comme c’est le cas aujourd’hui avec Internet et les réseaux sociaux, avec des partages massifs en quelques clic et en quelques secondes. L’autre gros problème, c’est que les jeunes sont tellement exposés à de l’information qu’ils n’ont plus le réflexe élémentaire de vérification de celle-ci. L’esprit critique a quelque peu volé en éclats parce qu’on est en permanence exposé à un flux ininterrompu d’informations, dont certaines sont vraies et d’autres fausses.

[contentvideo order=’1′]

-Air of melty : Comment expliquer que ces fake news soient tant partagées : simple manque d’esprit critique ou une volonté de croire à l’information lue ?

K.A : Il y a une raison de fond qui explique la propagation des fake news, c’est ce que l’on appelle la dissonance cognitive. Des psychologues ont montré que nous sommes beaucoup plus enclins à adhérer à une information qui confirme notre opinion qu’à une information qui est en décalage avec ce que l’on pense ou croit savoir. Cela veut dire que beaucoup de fake news partent d’idées reçues, de stéréotypes, d’opinions premières que l’on peut avoir. La désinformation amplifie l’idée reçue, ce qui fait que notre esprit critique ne joue plus parce que ça conforte et confirme ce que nous pensions précédemment. Il y a évidemment d’autres paramètres qui entrent en compte, notamment sur la forme. Les réseaux sociaux veulent générer du clic. Avec une concurrence accrue sur ce terrain, il faut donc se distinguer. Beaucoup optent alors pour un discours sensationnaliste qui va générer un “Wahou Effect”, qui va donner envie de cliquer mais aussi et surtout de partager l’information avec tout le monde. On ne fait pas une fake news à partir d’un fait insignifiant, ça n’intéressait personne. Il faut que ce soit “énorme” pour que vous ayez envie de la partager.

-Air of melty : Quelles sont les bonnes pratiques à adopter pour vérifier une information et échapper aux fake news ?

K.A : il faut essayer de mobiliser son esprit critique. Concrètement, cela passe par le fait de ne pas réagir au quart de tour quand on voit quelque chose qui paraît excessif. Il faut prendre un temps de recul, se distancier et aller plus loin que le titre par exemple. Lire l’article, regarder qui parle, étudier les sources sont les premières choses à faire. Avant d’envoyer l’information à tous mes contacts, je vais essayer d’en savoir un peu plus et voir ce qui se cache réellement derrière le titre. Cela ne veut pas pour autant dire je tomberai forcément sur une fake news : tout ce qui est excessif n’est pas forcément faux ! Simplement, il faut preuve de distanciation et lire l’article sans s’arrêter au titre. Il faut donc cliquer et faire preuve d’esprit critique : qui est l’auteur ? L’information est-elle sourcée ? Quelle est la fiabilité de cette source ? C’est ce qui permet de faire la différence entre une information et une fausse information.

-Air of melty : Plus généralement, comment peut-on aujourd’hui inciter les jeunes à développer un regard critique sur les informations qu’ils lisent ou visionnent au quotidien, notamment en matière de vidéo ?

K.A : Il faut tout simplement leur rappeler de toujours prendre de la distance avec ce qu’ils lisent ou visionnent. Qu’il s’agisse d’un article ou d’une vidéo, il faut faire appel à son esprit critique. C’est parfois plus difficile avec une vidéo, c’est vrai, mais il faut juste essayer d’aller plus loin que les images qui sautent aux yeux. Même si cela va très vite et que l’on enchaîne les vidéos et les contenus, il faut se demander qui est à l’origine de la vidéo, qui me l’a transmise, quel est son message ou encore si la vidéo est sourcée (logo d’un média par exemple). Il faut essayer de comprendre si la vidéo a une intention particulière avant d’éventuellement la partager et d’amplifier sa distribution. Normalement, ces questions à se poser devraient être des réflexes. Il faut donc les reconstituer. Qui parle ? D’où vient l’information ? Qu’est-ce que ça dit et pourquoi ça dit ça ? Voilà les trois questions fondamentales à se poser par rapport à n’importe quel type de contenu.