Braaxe, « Les nouvelles générations ont une grande capacité à décrypter le bullshit » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 13 Sep 2018 à 11:15
YouTube, Instagram, TikTok, quelles sont les préférences des Millennials et des Z ?
En ce mois de septembre 2018, Julien Casiro, fondateur et co-directeur de la maison de publicité Braaxe, a répondu à nos questions pour tenter de mieux comprendre la jeune génération. Ou même, selon lui, les jeunes générations.

En cette période de rentrée, il est grand temps de faire le point sur ce qui caractérise la jeune génération et sur les bonnes manières de s’adresser à elle. Après vous avoir présenté 10 astuces pour mieux vendre aux Millennials, c’est Julien Casiro, fondateur et co-directeur de la maison de publicité Braaxe, qui apporte sa contribution à la réflexion générale en acceptant de répondre à nos questions. Fond, forme et même interrogation autour de la notion de Millennials, voilà tout ce qui vous attend !

-Air of melty : Quel est l’enjeu actuel autour des Millennials dans le marché du marketing ?

Julien Casiro, fondateur et co-directeur de la maison de publicité Braaxe : Le vrai sujet est dans la définition même du terme « Millenials », qu’on entend dans la bouche de tous les décisionnaires marketing et du milieu de la pub. Il s’agit d’un mot fourre-tout. Tout le monde veut toucher les « millenials », mot magique placé dans les briefs mais dont l’amplitude est mal définie. En effet, une femme de 37 ans, CSP+, urbaine se rapproche parfois beaucoup plus d’un « persona » millenials qu’un jeune de 25 ans, censé paradoxalement représenter la quintessence de cette génération. Mais aucune approche scientifique n’a prouvé que les générations existaient. En revanche, le vrai enjeu réside dans une notion de cohorte, d’audience très ciblée.

-Air of melty : Braaxe produit de nombreux contenus de marques à destination des Millennials. Qu’est-ce qui caractérise l’ensemble de ces contenus à l’égard de cette cible actuellement selon vous ?

J.C : Le terme de millenials est trop large, il représente des audiences très hétéroclites qui ont des sensibilités aux contenus très différentes. On associe millenials aux réseaux sociaux et à une typologie de contenu un peu fun à la Buzzfeed et Konbini. C’est un raccourci trompeur. L’erreur fréquente est de se précipiter sur la forme. Partir des formats qui marchent et forcer la marque à rentrer dedans, ce qui entraine aujourd’hui une uniformisation des contenus. Toutes les marques, sans parler des start-ups, ont tendance à communiquer de la même manière. Les utilisateurs ont d’ailleurs toujours un train d’avance sur les contenus de marque. Les idées créatives affluent partout dans les stories des gens. Les marques peuvent paraitre tièdes à coté.

-Air of melty : Quelles sont les valeurs que recherchent aujourd’hui les moins de 35 ans dans leur rapport aux contenus de marques ? Quelles sont, à l’inverse, les valeurs qu’ils rejettent ?

J.C : Ils recherchent la transparence et la sincérité. L’information est partout, elle est rapide et vérifiable. La capacité à décrypter le « bullshit » est grande. L’usage prend le pouvoir sur la possession. Les contenus promotionnels, très orientés produits ou services avec une glorification de la marque ne fonctionne plus.

-Air of melty : De façon générale, quelles sont les thématiques qui plaisent le plus à la jeune génération actuellement ?

J.C : Je ne crois pas justement qu’il faille se jeter dans des thématiques. C’est à force de parler de thématique que toutes les marques font la même chose. Une banque va vouloir faire des recettes de cuisine et une société de transport faire des tutos… À vouloir faire ce qui marche, ou copier ce que fait une marque « cool », on tue ce qui fait l’essence même d’une marque et d’un produit. Il faut une plateforme de communication, savoir les objectifs de la marque sur 6 mois, 1 an, voir 3 ans et ensuite définir des thématiques. Il faut de l’audace, des partis pris forts, quitte à perdre une partie des potentiels utilisateurs ou consommateurs. Mieux vaut fidéliser en incarnant un territoire propre que de courir après la mode du moment.

-Air of melty : En matière de canal, quelles sont les habitudes et les attentes des jeunes en matière de publicité et de communication au sens global ?

J.C : Les nouveaux publics connaissent très bien la pub. Ils ne sont pas dupes. Quand ils voient un influenceur avec des produits différents chaque jour, ils savent que c’est plus un homme sandwich qu’un réel prescripteur qui défend des valeurs fortes. La publicité doit être simple, transparente et créative. Elle doit ensuite être diffusée en fonction du moment de vie. Le contexte de réception est primordiale. Vous n’attendez pas le même contenu quand vous partez faire votre footing le matin, que quand vous vous ennuyez pendant votre pause déjeuner. Le bon message, au bon moment en respectant la marque !

-Air of melty : Quels réseaux sociaux faut-il privilégier en fonction de quel contenu pour les marques pour toucher les Millennials ?

J.C : Tout dépend du message à faire passer. Aujourd’hui, vous allez vous connecter plusieurs fois sur Instagram, une ou à deux fois sur Facebook. Consulter Linkedin le matin et Twitter le soir devant la tv. Rien ne sert pour autant de couvrir tous les réseaux en permanence. Il faut être juste dans le moment. Sur Linkedin, j’attends du partage d’expérience, de prises de paroles des collaborateurs d’un projet. Sur Instagram, Facebook et Snapchat, il faut capter l’attention dans le moment. Offrir du divertissement avec des formats immersifs. Mais les dirigeants doivent avant tout se concentrer sur leur plateforme de communication.

-Air of melty : Quel ton adopter quand on parle à la jeune génération en tant que marque pour bien se faire accepter ?

J.C : Je ne crois pas que cette génération précise souhaite s‘engager particulièrement plus avec les marques. On leur en donne juste la possibilité, notamment avec l’essor des réseaux sociaux. Les générations précédentes ne pouvaient être que captives et passives. Vous n’aviez pas de bouton like et partage sous le poste de télévision ou de radio. Si elles avaient pu le faire, elles auraient eu le même type d’implication. D’autre part, les consommateurs ne sont pas dupes. La pub et le message de communication sont partout, de la marque aux politiques en passant par les sportifs. Les « nouvelles générations » ont surtout une grande sensibilité au « bullshit ». Les marques doivent être sincères et surtout cohérentes. Le spot de pub qui parlera de la nature, du bien-être et de la responsabilité, mais qui sera testé en magasin par une application du type « Yuca », mettant en avant huile de palme et multitudes d’additifs perdra tout crédit dans sa marque et dans l’ensemble de ses supports de communication.

-Air of melty : Engager la jeune génération autour d’un contenu de marque, c’est tout un défi. Selon vous, quelles sont les trois points sur lesquels miser à tout prix ?

J.C : Si je devais donner un conseil aux annonceurs, cela serait d’arrêter de penser uniquement en stratégie media, de moyens et de KPIs. A vouloir faire ce qui marche, à vouloir penser d’abord au format plutôt qu’au message, cela n’aboutit qu’à noyer la perception de la marque. Tout d’abord, avoir une plateforme de marque solide. La marque doit savoir qui elle est, quelle valeur elle porte, quel rôle elle veut jouer dans la société. C’est cette réponse qui sera perçue par les nouvelles générations. Les trois points sur lesquels miser : De la transparence partout, de la confection du produit à la marque employeur dans le service en passant par la bonne utilisation des données; de la proximité, en travaillant en partenariat avec des micro-influenceurs, avec des audiences réduites mais engagées; et enfin de la créativité. Les attentes business sont telles chez les annonceurs qu’ils ont tendance à vouloir jouer la sécurité, à faire « ce qui marche », « ce qui est connu », « ce qu’ont fait leurs concurrents ». C’est le piège, à vouloir sécuriser, on devient tiède, peu différenciant et donc pas légitime. La créativité permet d’investir des expressions nouvelles et souvent des discussions, de l’émotion et moins de media bête et méchant.

-Air of melty : On dit beaucoup que les Millennials veulent s’impliquer auprès des marques. Selon vous, la co-création ou la collaboration entre consommateurs et marques, c’est une grande tendance cette année ?

J.C : Je ne sais pas si les Millenials veulent particulièrement s’impliquer auprès des marques. Les nouveaux consommateurs ont surtout plus conscience de leurs pouvoirs. Acheter, c’est un bulletin de vote, suivre une page sur un réseau; c’est un signe d’encouragement. « Je me reconnais dans votre marque, j’aime ce que vous faites ». Je ne crois pas que les utilisateurs soient passionnés par les marques. Ils vivent avec, sont habitués à leurs messages. Ils sont par contre beaucoup plus regardants. Dans la co-création, il faut surtout entendre, étudier les conversations, faire remonter les signaux faibles. Ce lien avec le consommateur est essentiel mais il doit servir d’ajustement à la vision de la marque. Attention aussi à ne pas courir après le cool, le jeune et le nouveau. A vouloir à tout prix faire du millenials, on perd la marque.

-Air of melty : Comment voyez-vous le rapport des Millennials aux marques évoluer ces prochains mois et ces prochaines années ?

J.C : Dans les prochaines années, les millenials seront remplacés, si on réfléchit en génération. On voit déjà fleurir des sujets sur les post-millenials. Le digital termine sa crise d’adolescence : les fake news, les faux clics, les fausses communautés, les influenceurs bidons sont dénoncés ; le système devient plus sain. Le digital va continuer à capter les audiences, sans éliminer les autres supports, mais en complément. Le lien se fera par là. Nous avons positionné Braaxe comme une maison de publicité digitale car l’avenir de la pub passe par le digital. Les nouvelles générations aiment d’ailleurs la publicité. Dans les 10 vidéos les plus vues en 2017, figurent 4 publicités. Il suffit de voir l’attente du public pour les publicités de Noel ou même du Superbowl pour voir que l’attachement existe. Le digital, la gestion de plus en plus poussée des data et l’arrivée de la blockchain vont permettre de tracer, de certifier, de savoir. Les marques devront donc être toujours plus transparentes, sincères et proches.