Brigit, « Les consommateurs attendent aujourd’hui que les marques démontrent leur utilité » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 30 Avr 2020 à 11:52
Micro-influenceurs, TikTok, Social Commerce, comment le marketing d’influence a changé depuis la pandémie ?
Comment communiquer en temps de crise pour les marques ? Faut-il évoquer le coronavirus ou non ? Comment trouver le bon ton ? Quentin Lauriot Prévost, directeur général de la jeune agence Brigit, spécialisée dans le conseil en communication globale et digitale, répond à toutes ces questions dans l'interview de la semaine.

En cette période de crise sanitaire, nombreuses sont les marques qui se demandent comment s’adapter et surtout comment adapter leurs prises de parole à la situation. Depuis plusieurs semaines, la rédaction d’Air of melty interroge les professionnels du secteur pour avoir leur point de vue sur le sujet. Après Christine Turk, COO de meltygroup nous expliquant que « les marques doivent garder le lien avec leurs clients et s’inscrire dans une démarche de solidarité », après Guillaume Doki-Thon, CEO de Reech, nous parlant du pouvoir du marketing d’influence et après Guillaume Thevenin, responsable des partenariats médias et personnalités publiques chez Instagram, nous expliquant ce qui se passe sur le réseau social, c’est à présent au tour de Quentin Lauriot Prévost, directeur général de la jeune agence Brigit, spécialisée dans le conseil en communication globale et digitale, de répondre à nos questions.

-Air of melty : Comment vos équipes ont réagi face à la crise sanitaire qui se joue actuellement ? Quelles ont été les priorités ? Quelles sont les priorités actuelles ?

Quentin Lauriot Prévost, Directeur général de l’agence Brigit : Par chance, notre structure et notre métier nous offrent une grande souplesse dans la façon d’aborder le travail. Un ordinateur et une connexion internet nous suffisent pour être opérationnels. Nous avons donc pu instaurer le télé-travail pour tous nos collaborateurs avec une rapidité et une facilité étonnante. L’équipe a rapidement compris les enjeux qui se présenteraient les semaines suivantes, et chacun a donné du sien pour permettre le maintien de l’activité et la finalisation des dossiers en cours dans les délais initialement prévus. Cependant, la plupart des projets arrivant à leurs termes et la prolongation, bien que prévisible, du confinement jusqu’au 11 mai, nous obligent désormais orienter nos efforts sur la prospection et le gain de nouveaux clients. Un exercice difficile en ces temps où la communication et la sélection de nouveaux partenaires n’est plus au centre des préoccupations des entreprises.

-Air of melty : Justement, à ce sujet, en cette période particulière, les annonceurs peuvent-ils communiquer ou est-ce forcément vu comme de l’opportunisme ?

Q.L-P : Il est primordial pour une marque de maintenir sa communication. Les précédentes crises ont montré que les entreprises qui sacrifient leur budget publicitaire dans une logique de rationalisation des coûts en paient immédiatement le prix. En oubliant que la communication n’est pas une dépense mais un investissement, ces dernières ont malheureusement vu leurs ventes chuter rapidement. Si le message est approprié, la communication aura toute sa légitimité. Les Français ont conscience de la difficulté pour les entreprises d’assurer leur pérennité et attendent des marques qu’elles communiquent.

-Air of melty : En quoi est-ce particulièrement vrai auprès des 18-35 ans, qui sont plus nombreux que l’ensemble des consommateurs à vouloir que les marques continuent de prendre la parole ?

Q.L-P : Même en confinement quasi-planétaire, le monde ne doit pas s’arrêter. Les 18-35 ans l’ont bien compris. Les jeunes sont une cible particulièrement intéressante et prisée des marques. Ils sont constamment sollicités et consomment énormément de contenus provenant de leurs marques préférées. La chute des investissements médias observés pendant la seconde moitié du mois de mars (entre -35% et -72% selon les médias) et l’absence de production de certaines entreprises entraîne une demande plus forte de ce public.

-Air of melty : Comment adopter le bon ton et éviter de faire preuve de maladresse en cette période si sensible ?

Q.L-P : Le message ne doit pas fondamentalement changer parce que nous connaissons une crise sanitaire. Les médias parlent sans arrêt du coronavirus, la communication ne doit pas en rajouter, au contraire. En apportant de la fraîcheur et de la créativité, elle émergera positivement du lot d’informations quotidiennes que nous recevons, offrira au consommateur une parenthèse agréable et aura un effet plus que bénéfique pour son émetteur.

-Air of melty : Prendre la parole directement sur le coronavirus, bonne ou mauvaise idée ?

Q.L-P : Tout dépend de l’entreprise et de son activité mais pour la majorité je ne le recommanderais pas. D’une part pour les raisons citées précédemment, mais aussi parce que le message peut rapidement être perçu comme opportuniste.

-Air of melty : Quels sont les 3 conseils que vous donneriez aux marques à l’heure actuelle, sur le fond comme sur la forme ? Et les 3 erreurs à éviter ?

Q.L-P : Continuer l’investissement en communication, émettre un message créatif et positif en lien avec les valeurs et le positionnement de la marque, ne surtout pas oublier de communiquer auprès de toutes ses cibles (interne, b2b et b2c). En appliquant les conseils ci-dessus, une entreprise ne devrait pas commettre d’erreurs majeures. Il ne faut surtout pas supprimer des budgets communication pour compenser la baisse ou l’arrêt de l’activité. Dans son étude sur les marques face à la crise, Kantar estime que l’absence de télévision pendant 6 mois entraînerait une perte de 39% de la notoriété totale de la marque… On peut facilement supposer que la présence à l’esprit au moment de l’acte d’achat serait quasi-nulle. Une autre erreur majeure serait d’émettre un message pouvant être perçu comme une tentative de récupération de la crise a des fins purement commerciales. Les consommateurs attendent aujourd’hui que les marques démontrent leur utilité. Une incitation « gratuite » et opportuniste à la consommation aurait un impact négatif durable sur l’image de la marque.

-Air of melty : Pensez-vous que la crise actuelle aura un impact profond sur l’avenir du marché de la communication dans son ensemble et sur le rôle des marques ?

Q.L-P : Une transition avait déjà commencé avant la crise. Les marques ont pris conscience de leur rôle et de leur devoir dans la vie quotidienne. Beaucoup orientaient déjà leur discours autour de leur impact environnemental (compensation carbone, circuit court) ou social (égalité salariale, redistribution). Espérons que la crise permettra d’accélérer ce processus.