Digimind, « Les Millennials sont plus enclins à être en relation naturellement avec un influenceur » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 07 Juin 2018 à 08:34
Micro-influenceurs, TikTok, Social Commerce, comment le marketing d’influence a changé depuis la pandémie ?
Les micro-influenceurs sont-ils les nouveaux influenceurs incontournables ? Comment se calcule la réussite d'une campagne de marketing d'influence ? Comment sera l'avenir du marketing d'influence ? Cette semaine, Christophe Asselin, content specialist chez Digimind, répond à toutes ces questions pour notre plus grand plaisir !

Régulièrement, depuis déjà de longs mois, la rédaction d’Air of melty vous parle du phénomène en plein essor du marketing d’influence. Impossible d’y échapper à l’heure où 8 jeunes sur 10 se disent influencés dans leur consommation par un influenceur. Après vous avoir présenté les erreurs à éviter en matière de marketing d’influence, on donne aujourd’hui la parole à Christophe Asselin, content specialist chez Digimind, qui fait le point sur cette tendance marketing et notamment sur l’explosion des micro-influenceurs.

-Air of melty : De manière générale, le marketing d’influence constitue-t-il une tendance incontournable pour les marques en cette année 2018 ?

Christophe Asselin, Content specialist chez Digimind : Ce n’est plus vraiment une tendance, c’est acté en termes de ROI, de pratiques des services marketing. C’est maintenant parfaitement intégré comme moyen d’action des stratégies marketing. Le marketing d’influence fait partie de la palette d’actions marketing à côté des Ads, de l’emailing et de l’événementiel. En 2018, 39% des entreprises augmentent leur budget dédié au marketing d’influence. 21% conservent un budget équivalent à l’année passée et seulement 5% vont le réduire. 35% restent, quant à elles, dans l’incertitude.

-Air of melty : En quoi cette stratégie est-elle particulièrement efficace auprès de la cible des Millennials ?

C.A : C’est en effet particulièrement intéressant pour les 18-24 ans qui sont 2 fois plus que la moyenne à découvrir des produits via des influenceurs. Et ce, parce qu’ils ont une vision positive des influenceurs (à 41% contre 18% pour la moyenne des français) qu’ils considèrent experts dans leurs domaines et donc légitimes. Mais il faut bien distinguer certains secteurs en pointe comme le LifeStyle, la mode et la beauté face à d’autres secteurs où cet attrait pour les influenceurs est moins fort. C’est un levier particulièrement intéressant pour cette cible moins réceptive aux autres canaux et plus volatile. Ils passent plus de temps sur les réseaux sociaux que leurs aînés et sont ainsi plus enclins à être en relation “naturellement” avec un influenceur, sans avoir été sollicité par une démarche publicitaire. Comme ils sont moins réceptifs à la publicité traditionnelle, que cela soit sur le web (ad blocking), les réseaux sociaux ou à la TV et assez fidèles à certains influenceurs (Norman, Cyprien… ), cela reste un canal à privilégier pour cette audience.

-Air of melty : Vous avez récemment organisé un petit-déjeuner autour du thème ‘Micro-influenceurs : simple tendance ou réel levier marketing ? ». Quelle est la réponse à cette question ?

C.A : C’est maintenant un vrai levier marketing qui se professionnalise : les cabinets d’étude, les agences de mise en relation, les outils social media misent maintenant tous sur le segment des micro-influenceurs. Les macro-influenceurs sont en effet sur-sollicités, très sélectifs, chers et le ROI n’est pas évident pour toutes les marques et produits. Mais on ne peut toutefois pas s’appuyer sur les seuls micro-influenceurs pour une campagne. Ainsi des marques comme Adidas utilisent à la fois des célébrités établies et des micro-influenceurs plus proches du consommateur de sport traditionnel voire du sportif du dimanche. C’est le cas dans de nombreux secteurs du retail. Ainsi, récemment, la marque Etam s’est appuyée sur l’influenceuse Mode Natamelie (266 000 abonnés sur Instagram) tout en privilégiant aussi des micro-influenceuses. En fait, des secteurs comme la mode et la beauté sont suffisamment riches en profils de leader d’opinion que l’on peut activer de nombreux types d’influenceurs, en fonction des actions marketing : célébrités, macro-influenceur, micro-influenceur, ambassadeur de marques, consommateur fan.

-Air of melty : Comment peut-on expliquer aujourd’hui que les macro-influenceurs et les influenceurs « mammouths » sont aujourd’hui moins efficaces ?

C.A : Ils ne sont pas réellement moins efficaces mais disons plutôt que l’on remarque qu’ils ne sont pas adaptés à toutes les opérations marketing et n’atteignent pas forcément toujours la cible souhaitée. Les célébrités et macro-influenceurs doivent être principalement actionnés dans un objectif d’audience large, de notoriété, pour toucher de nombreuses personnes. Mais ils ne sont pas ou peu adaptés pour toucher des cibles précises, des sous-segments, de vrais consommateurs. Ainsi, une célébrité du sport sera intéressante pour faire découvrir une nouvelle marque, mais pour fidéliser des consommateurs, il vaut mieux utiliser des micro-influenceurs auxquels les internautes pourront plus facilement s’identifier. Idem pour la légitimité : un hyper fan et spécialiste des jeux vidéos sera jugé expert de son secteur davantage qu’un acteur ou une personne du show biz. Les micro-influenceurs apportent donc la précision du ciblage, la légitimité et une identification plus facile par le consommateur face aux gros influenceurs, apporteurs d’audience et de notoriété. La chaîne câblée de Westworld et Game of Thrones, HBO, l’a bien compris : elle utilise les acteurs pour lancer ses séries mais s’appuie ensuite sur des micro-influenceurs, vrais fans, pour capter les attentes et remarques, afin d’adapter sa ligne éditoriale. Elles détectent ceci en écoutant pendant des semaines leurs conversations sur les médias sociaux.

-Air of melty : Si vous deviez donner quelques conseils pour aider les marques à miser sur un bon micro-influenceur, quels seraient-ils ?

C.A : Il faut raisonner en quali-quanti comme pour une étude de marché, en sachant que le quali dominera du fait de la nature de la micro-influence. Il faut d’abord cartographier l’écosystème d’influence, à savoir toutes les relations entre un groupe d’internautes et une marque sur plusieurs mois. Il faut ensuite détecter des micro-influenceurs potentiels. Au niveau des critères quanti, il faut regarder le nombre de followers/abonnés et le taux d’engagement. Il faut constituer une échelle d’influence pour mettre en perspective ces valeurs. Un nombre d’abonnés dans l’absolu ne veut rien dire, il faut le comparer aux célébrités et aux simples consommateurs. L’échelle d’influence peut varier largement selon des facteurs comme le secteur, la région, la langue. Dans le secteur Beauté, 50 000 followers c’est relativement peu, et peut constituer un micro-influenceur, tandis que, dans un secteur B to B, c’est plutôt élevé et ce sera alors un macro-influenceur. Il faut ensuite faire une analyse quali du micro-influenceur selon la règle des 5 W : WHAT : Que poste-t-il ? A-t-il déjà posté sur des marques concurrentes ? Les messages véhiculés correspondent-ils à l’identité de ma marque ? Un travail sérieux implique d’analyser l’ensemble de son historique via des outils de collecte et d’analyse social media, à l’instar d’une recherche d’antériorité lors de la recherche d’un nom de marque. WHEN : quel est son niveau d’activité naturelle ? Quelle est sa fréquence de publication ? WHERE : Où réside t-il ? Pourra-t-il être “activé” lors d’événements ? Sur quels canaux est-il présent ? Différencie-t-il ses messages selon les canaux social media ? WHO : Quel est le profil, quelles sont les activités du micro-influenceur dans la vraie vie ? Sont-elles complémentaires ? Sont-elles compatibles avec ma marque ? Touche-t-il plusieurs segments d’audience ? Ainsi, la micro-influence de Running @titaclem est professeure d’éducation physique et sportive, marathonienne, membre de l’équipe Asics Front Runner France. Les 2 premières activités sont idéales pour l’engagement auprès de communautés diversifiés, la 3ème activité peut être “gênante” pour votre propre marque. HOW : il s’agit d’analyser ici la tonalité des messages, le style et le fond. Ainsi, si @titaclem est membre de l’équipe Asics, elle ne fait jamais de commentaires sur les produits

-Air of melty : À l’inverse, quelles sont les erreurs principales qu’il convient d’éviter ?

C.A : Ne pas assez travailler l’analyse quali et rater par exemple des événements sensibles dans l’historique du micro-influenceur (prise de position / politique, religion), qui peuvent nuire à l’image de marque. Ne penser qu’à court terme et en one shot est aussi une erreur. Le micro-influenceur est un humain, pas forcément habitué avec des relations, qui plus est contractuelles, avec les marques : il faut privilégier une relation sur le long terme afin de mieux tirer parti de ses pratiques et donc de sa communauté. Les micro-influenceurs étant des passionnés et fans d’activités et de marques, ils peuvent difficilement être gérés en contrat court, en one shot.

-Air of melty : Sur quels KPIs s’appuyer pour évaluer une action de marketing d’influence ? À partir de quel moment peut-on parler de réussite d’une campagne ?

C.A : Il y a plusieurs critères quantitafifs : Social metrics : reach, taux d’engagement, augmentation de la communauté social media; Digital metrics : trafic, taux de conversion; Business metrics : vente, part de marché. Et il y a plusieurs critères qualitatifs : sentiments positifs, types de messages véhiculés (adhésion à la marque, aux produits, identification aux pratiques de l’influenceur. Selon moi, les critères de réussite sont l’augmentation du taux d’engagement, de messages positifs liés à la marque, des parts de marché liées aux communautés ciblées via le micro-influenceur. Ces critères varient évidemment selon les objectifs de la campagne.

-Air of melty : Comment voyez-vous le marketing d’influence évoluer dans les prochains mois et les prochaines années ?

C.A : Je pense que nous allons assister à une professionnalisation accrue : il faudra en effet plus de moyens, de techniques et de temps pour détecter les influenceurs adaptés à sa marque, avec le bon timing et la bonne échelle : il faut analyser de plus en plus de données et d’interactions sur l’historique de l’influenceur envisagé, imaginer les KPIs de réussite très en amont et surtout intégrer la stratégie d’influence en cohérence avec les autres actions de marketing et de communication. Là où via un emailing, des ads, on gère des flux et des data, le marketing d’influence, comme l’événementiel, gère de l’humain avec tous ses aléas. C’est un véritable travail de profiling qui est nécessaire : l’analyse du web et des médias sociaux est une étape, qui doit être très vite complétée par la mise en place d’une relation de confiance entre la marque et l’influenceur.