DISKO, “Devenir propriétaire reste un enjeu de vie pour les Millennials” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 16 Mai 2019 à 11:30
Régulièrement, la rédaction d’Air of melty vous explique que les moins de 30 ans préfèrent les expériences à l’acquisition de biens. Mais cela ne vaut pas pour tout : en matière d’immobilier, la jeune génération se montre bien active, comme nous en parle Hélène Ortola, Directrice Générale Associée de l’agence DISKO.

Si les jeunes ont tout bon en privilégiant les expériences à la possession de biens, ils ne sont pas pour autant décidés à ne jamais rien posséder. Et cela se voit dans le fait que, actuellement, 70% des Millennials seraient prêts à investir dans l’immobilier. Alors que nous vous décryptions pour vous le rapport des Millennials à l’immobilier il y a quelques semaines, Hélène Ortola, Directrice Générale Associée de l’agence DISKO, nous en dit plus sur le sujet.

Air of melty : On dit beaucoup que les Millennials privilégient les expériences à l’acquisition de biens. Mais l’immobilier semble être une grande exception, en attirant toujours plus de jeunes. Confirmez-vous cette tendance ?

Hélène Ortola, Directrice Générale Associée de l’agence DISKO : Devenir propriétaire reste un enjeu de vie pour de nombreux Français, notamment les plus jeunes. Ils sont 31% à devenir propriétaires ou copropriétaires chez les 18-24 ans, contre 42% chez les 25-34 ans. Plusieurs raisons mènent à l’achat. On achète pour se sentir chez soi (39% des baby-boomers, et 24% des Y), mais aussi… pour préparer sa retraite (29% de la génération Y et 33% de leurs aînés) ou encore, pour transmettre un patrimoine à ses enfants (17% des baby-boomers et 20% des Y) ! Preuve que même les plus jeunes foyers se projettent et voient en la pierre une valeur sûre.

Air of melty : Qu’est-ce qui attire tant les jeunes dans le fait de posséder un bien immobilier ? Ont-ils finalement des valeurs traditionnelles en dépit de leurs nouvelles envies ?

H.O : C’est le paradoxe des millennials, immatériels et matériels à la fois. Le choc des époques se produit à un autre niveau : celui des habitudes de vie. Il y a 30 ans, on achetait plutôt en couple, maintenant l’achat se fait plus seul comme signe d’indépendance. Les Français de la génération Y sont plus nombreux à avoir vécu chez leurs parents à l’âge adulte (43% contre 13% des baby-boomers) et à avoir vécu en colocation (28% contre 6%). Ils sont aussi 83% à se dire prêts à acheter seuls, contre 52% de leurs aînés. Enfin, les actuels trentenaires sont également plus ouverts aux nouveaux modes d’habitation : 26% envisagent d’acheter avec un tiers inconnu (crowdfunding, co-achat, etc.), une option qui séduit seulement 9% des baby-boomers ; 22% ont déjà vécu dans un immeuble à services partagés, contre 6%.

Air of melty : Comment se passe la recherche immobilière des jeunes aujourd’hui ? Est-ce que tout passe par le digital ?

H.O : En réalité, il n’y a pas de grande révolution dans leur manière de rechercher un bien immobilier… Comme leurs parents, ils se rendent sur PAP, sur Leboncoin, sur SeLoger et autres sites en ligne d’agences. Évidemment ils sont moins enclins à aller toquer à la porte de Stéphane Plaza et vont plutôt démarcher des services de chasseurs d’apparts en ligne comme le proposent Homeleo ou RightMove. Car si la recherche se réinvente à l’ère du digital avec les Millennials, c’est via l’utilisation des réseaux sociaux : on sollicite son réseau pour trouver un bien sur Facebook ou trouver sa future déco sur Instagram (71% vont sur Facebook pour trouver un bien – en grande majorité concernant la location et 31% vont sur Instagram pour trouver de l’inspiration). Et les acteurs de l’immobilier utilisent d’ailleurs de plus en plus les fonctionnalités Instagram pour le plus grand bonheur des jeunes : visiter un bien virtuellement via les stories ou récolter les préférences avec les sondages… Une chose est sûre : nous sommes encore loin d’acheter sa maison directement via Instagram !

Air of melty : Les réseaux sociaux ont-ils un impact sur ce que recherchent les Millennials en matière d’immobilier ?

H.O : Oui bien sûr mais en grande partie pour l’inspiration ! Si on voit apparaître dans notre feed en continu cet intérieur de salon style cocooning on va forcément être influencé quand il s’agira de décorer le bien acquis – ce qui explique en partie l’“instagramization” uniforme de nos intérieurs. Après ce ne sont pas Facebook ni Instagram qui vont modifier nos critères de recherche déjà réfléchis en amont (définition du quartier, prix etc..). Aujourd’hui on peut dire que les réseaux sociaux constituent un vivier de petites annonces entre particuliers et Facebook avec Marketplace ayant compris l’énorme potentiel de la recherche immobilière, développe des partenariats avec des acteurs du marché (Paru Vendu, La Boite Immo)…

Air of melty : Quelles sont les bonnes pratiques des professionnels du secteur qui cherchent à toucher les Millennials : visite virtuelle, expérience client revue, etc. ?

H.O : Avec le digital, c’est tout le cycle de l’immobilier qui a été repensé par les professionnels du secteur ! Par exemple on ne recherche plus simplement un bien mais un quartier, un lieu de vie. Trulia l’a compris et offre une vue d’ensemble sur les écoles, restaurants, bars à proximité, aussi des avis des locaux à propos de la sécurité et criminalité du quartier. La recherche étant une phase difficile et parfois solitaire, des services de personnalisation se développent comme Se Loger, qui alerte des biens qui correspondent par commande vocale via Google Home, et les chasseurs d’apparts se développent en masse ! La phase de visites l’est tout autant, il est impossible de prendre le temps de visiter tous les biens que l’on repère en ligne, la projection immobilière devient alors virtuelle : faire une visite virtuelle d’un appartement avec iStaging, ou encore utiliser des drones pour une projection améliorée sur votre annonce avec Immo Drones. Et la prise de décision est facilitée avec le digital : simulateurs de prêt immobilier en ligne, plateformes de crowdfunding pour l’aide au financement et des acteurs comme Quasiaqui qui propose la location d’un bien avec option d’achat.

Air of melty : De manière générale, les jeunes cherchent-ils un genre de bien immobilier précis ou ont-ils des envies très différentes selon leur situation ?

H.O : Quelques chiffres montrent que le neuf a le vent en poupe. Une étude révèle que 35 % des 18-24 ans envisagent d’acheter un logement neuf ou ont un projet en cours contre 21 % des 35-44 ans. Parmi les principales raisons invoquées, le neuf séduit pour ses performances en matière d’énergie et de consommation durable. Il faut aussi prendre en compte en France les prix de Paris qui rendent quasi impossible l’accès à la propriété. Certains millennials qui veulent vivre à Paris restent en location et se tournent vers l’investissement immobilier en province.

Air of melty : Enfin, comment voyez-vous évoluer le secteur de l’immobilier pour les mois et les années à venir ?

H.O : De nouvelles formes d’habitat et de propriété se confirment. La vie en communauté séduit à nouveau les Français toutes générations confondues. Nous notons une tendance intéressante autour de l’habitat participatif. Au delà d’un bien, c’est une autre façon de vivre avec une mise en commun de ressources et une consommation partagée plus juste et plus responsable et des valeurs de solidarité. Faire ensemble, en conciliant à la fois l’accessibilité financière du logement, sa durabilité écologique. A Tübingen, en Allemagne, le système bat des records et atteint 80% des logements neufs !