DISKO, « Les Millennials ont acquis un nouveau rapport à la beauté en 2018 » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 28 Juin 2018 à 11:05
Il est l'heure de se refaire une beauté ! Cette semaine, l'interview de la semaine est dédiée au rapport que les Millennials entretiennent avec le secteur de la beauté et à la révolution qu'ils provoquent. Charlotte Dine, Planneuse Stratégique chez DISKO, nous aide à décrypter tout ça en répondant à nos questions.

Vous le savez, la mission d’Air of melty au quotidien, c’est de vous aider à toujours mieux cerner la jeune génération, qu’il s’agisse de la génération Z ou de la génération Y. Et cela passe par tous les secteurs. À ce sujet, après vous avoir dévoilé les éléments qui influencent le rapport des Millennials à la mode, nous vous avons récemment dévoilé les résultats d’une étude menée par l’agence de communication DISKO et s’intéressant au rapport des Millennials à la beauté. Aujourd’hui, Charlotte Dine, Planneuse Stratégique chez DISKO, répond à toutes nos questions sur le sujet.

-Air of melty : Entre les Millennials et le secteur de la beauté, ça a l’air de beaucoup matcher en 2018. Vous confirmez la tendance ?

Charlotte Dine, Planneuse Stratégique chez DISKO : Oui car la beauté est un des secteurs qui a su s’adapter rapidement au digital et aux codes du social. Très vite les marques ont compris le succès fulgurant des Youtubeuses beauté ou des Instagrammeuses. Et les posts beauté ça like, ça share. C’est vrai qu’avant, notre lien à la beauté passait uniquement par les boutiques (multimarques) ou par les magazines féminins. Mais, aujourd’hui, c’est un lien qui est démultiplié et quotidien avec les réseaux sociaux (les consommateurs de produits de beauté consultent leur feed Instagram 21 fois par jour en moyenne, rien que ça !). Et ça matche aussi car l’offre s’est élargie et diversifiée ces dernières années et a su s’adapter à tous, avec des marques « people first » comme Glossier, des marques « influentes » comme Huda Beauty ou Goop, et des marques résolument « green » comme Ilia. En France on a vu l’arrivée à maturité de distributeurs tels que Oh My Cream, on a maintenant la beauté coréenne à portée de main grâce à Peach & Lily, etc. Bref, la beauté évolue et se cale au plus près des aspirations de la nouvelle génération, et cela ne peut être que pour le meilleur !

-Air of melty : À quel point le rapport des moins de 30 ans à la beauté passe aujourd’hui par le digital ? Quel impact leurs pratiques ont-elles sur le marché offline ?

C.D : En effet le digital a laissé place à une beauté 2.0 ! Les Millennials ont acquis un nouveau rapport à la beauté en 2018, bien loin de leurs aînés. Ils s’inspirent sur Pinterest, demandent conseil auprès de leurs Youtubeuses (et Youtubeurs) préférées, traquent la composition des produits sur Clean Beauty, achètent et partagent sur Instagram. Leur parcours d’achat étant « digital first », on peut se demander si le physique n’est pas en péril, sachant que 65% des Millennials déclarent avoir plus confiance en un influenceur Instagram ou Youtubeur plutôt qu’un représentant de la marque en magasin… Je pense que le gros dilemme pour le marché offline c’est de réussir à créer de la valeur ajoutée, d’adopter une dimension plus expérientielle, d’autant plus que pour des cosmétiques, reste le besoin de toucher, de tester et d’essayer.

-Air of melty : Dans votre récente étude, vous expliquez que, pour les jeunes, la beauté n’est plus individuelle mais plutôt plurielle et collective. Pouvez-vous expliciter cette idée ?

C.D : Personalization first, Together it’s better et Empowered beauty, ce sont les trois grandes règles à suivre. La beauté n’est plus individuelle…oui et non. Elle n’est plus individuelle dans le sens où les marques ont enfin compris l’urgence de se diversifier dans les produits (offrir des gammes de produits correspondant à tous types de peau, de besoins) et de représenter une pluralité d’individus (au delà des femmes) dans les communications, Glossier qui prône le body positivism dans sa publicité « Body Hero » ou encore Rimmel qui choisit comme égérie un jeune Youtubeur masculin, Lewys Balls. D’un autre côté, la beauté 2.0 se focalise davantage sur l’individu. La beauté standardisée est morte, vive la beauté personnalisée ! De nouvelles marques voient le jour, mettant la personnalisation au coeur de leur business model, c’est le cas de Prose, Proven ou Curology, qui établissent votre profil grâce à un questionnaire abouti, et en fonction, créent des produits sur-mesure, à votre nom. Une approche plus tech, c’est celle de Made2fit, racheté par Benefit, l’app scanne votre visage et permet d’établir votre pigmentation et de créer un fond de teint spécifique à chacun. Et enfin, ensemble c’est tout ! La beauté ce n’est pas un visage, mais bien plusieurs. 40% des Millennials sont friands de co-création de produits main dans la main avec les marques, et il ne fallait pas le dire deux fois à Volition… « Imagined by you. Powered by you » est une plateforme sur laquelle les consommateurs sont invités à proposer leurs idées de produits, les propositions ayant le plus grand nombre de votes prennent vie en fonction de leur faisabilité. Retenons donc ces trois mots clés : personnalisation, collaboration et diversité.

-Air of melty : Aussi, la beauté a-t-elle perdu de son sérieux et de son côté un brin snob grâce à la jeune génération ?

C.D : Disons qu’au delà d’avoir un nouveau visage, la beauté a acquis de nouveaux codes. Finie la représentation d’une beauté « papier glacé », distante et froide d’hier. Faites places à une approche plus « real life », plus authentique et tournée vers les vrais gens. La palme d’or revient à Glossier qui a bâti toute sa stratégie sur les gens. À l’origine, un blog à succès « Into the gloss », c’est en 2014 qu’Emily Weiss décide de créer sa propre marque Glossier, en s’appuyant sur les retours de ses lectrices, et de leurs besoins évoqués sur la plateforme. La marque a bâti toute sa stratégie à partir d’insights de vrais gens, mettant ses consommatrices au coeur de la conception des produits, faisant de ces dernières les ambassadrices de la marque avec beaucoup de contenus UGC sur Instagram et reviews sur les pages produits du site. Le langage et la tonalité y sont pour beaucoup aussi, Glossier (encore et toujours) utilise des émojis pour décrire les bénéfices de ses produits et les noms de ses produits sont des jeux de mots ou expressions qui font sourire.

-Air of melty : En matière d’influence, y a-t-il un type d’influenceur qui engage particulièrement la jeune génération sur ce créneau de la beauté : micro-macro influenceurs, influenceurs mammouth…?

C.D : Tout dépend réellement de ce que cherchent les jeunes lorsqu’ils décident de suivre un influenceur beauté. J’aurais tendance à dire que les micro influenceurs seront davantage hyper spécialisés dans un domaine en particulier, avec un style identifiable bien à eux, et une expertise permettant de toucher une audience niche, qualifiée. Si je veux avoir davantage d’informations concernant le nail art ou le nude make up par exemple, je vais avoir tendance à suivre des profils spécifiques et experts dans ces domaines. Mais si je veux m’inspirer de manière plus globale, je vais plutôt suivre Enjoy Phenix ou Sananas… Et pour les marques c’est pareil, je dirais que tout dépend du sujet (pointu ou non) qu’elles veulent évoquer avec leurs consommateurs.

-Air of melty : À quel point les Millennials ont besoin de voir les marques de beauté qu’ils consomment s’engager aujourd’hui ? Et pour quelles causes au juste ?

C.D : COMMITMENT IS THE NEW NORM. Les Millennials sont à la recherche de toujours plus d’engagement, de transparence et de conscience de la part des marques, et la beauté n’échappe pas à cette demande grandissante. Et au delà des discours des marques, ils sont très regardants sur les actes. Des initiatives telles que les Q&A en stories Instagram de Glossier ou les nombreuses activations de Nivea pour protéger les enfants du soleil en sont de très bons exemples. Aujourd’hui même si la norme semble être l’engagement pour plus d’empowerment des femmes ou la diversité des profils, et que le côté sustainable reste encore timide, celui ci devrait bientôt connaître son apogée. Car même si les gens n’ont pas encore l’habitude de scanner leurs produits cosmétiques, le Yuka de la beauté n’est pas en reste car les prises de conscience et préoccupations sur la composition des ingrédients sont belles et bien là.

-Air of melty : Pour les mois et les années à venir, comment voyez-vous le secteur de la beauté évoluer ? Qu’est-ce que les jeunes pourraient encore transformer ?

C.D : La beauté de demain sera résolument tech, connectée et davantage tournée vers les services. TECH & CONNECTED – Plus de technologie, pour plus d’expériences digitales, plus de personnalisation. Si le make up en réalitée virtuelle n’est pas nouveau, de nombreuses apps toujours plus abouties se développent pour améliorer la projection. Les objets connectés intègrent également les placards de notre salle de bain, Kérastase et sa brosse connectée, qui permet de mesurer les effets des routines capillaires et d’obtenir des recommandations personnalisées. HiMirror dit moi qui est la plus belle… n’est autre qu’un miroir intelligent qui permet d’évaluer l’état de votre peau à partir d’une simple photo et de proposer des produits adéquats. THINK SERVICE FIRST – La beauté laisse aussi place à des business models qui s’adaptent aux nouveaux usages. Livraison à domicile, beauté à domicile, abonnements mensuels se multiplient dans ce secteur. Si la box n’est plus à prouver, des marques comme Glossier ou Tata Harper permettent aux consommateurs de recevoir le même produit tous les mois, ou trimestres.

-Air of melty : Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux marques pour qu’elles suivent le rythme de la jeune génération ?

C.D : Si je résume, le tout c’est de penser « Millennial first » et de répondre aux aspirations de ces jeunes, sur tous les points. Proposer toujours plus de services (et de technologies) pour répondre à leur demande constante d’instantanéité et de rapidité. Offrir toujours plus de personnalisation dans les produits, dans les expériences, pour satisfaire leur besoin d’unicité. Être toujours plus engagé et transparent pour accroître la confiance de ces derniers envers les marques. Oser adopter un langage et une tonalité plus décomplexée, plus proche. Et enfin, aborder une approche moins top-down et les prendre par la main, être davantage dans la collaboration, que ce soit dans la conception d’un produit ou dans la manière de communiquer sur Instagram.