Emy LTR, « Pour notre génération, les réseaux sociaux, c’est la quête de la beauté en permanence » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 19 Avr 2018 à 11:16
Emy LTR, « Pour notre génération, les réseaux sociaux, c’est la quête de la beauté en permanence » (EXCLU)
Quoi de mieux que de laisser une Millennial parler pour comprendre ce que vit cette génération ? C'est ce que fait aujourd'hui EmyLTR, youtubeuse et influenceuse qui, à l'occasion de la sortie de son livre, a accepté de répondre à nos questions.

Vous le savez, au quotidien, la rédaction d’Air of melty se donne pour mission de vous aider à toujours mieux comprendre la jeune génération. Dans cette logique, il y a quelque temps, nous vous dévoilions les différents profils qui composent les Millennials. Aujourd’hui, nous voulions donner directement la parole à une jeune de la Génération Y, Emy LTR, qui vient de sortir un livre baptisé « Le guide de survie d’une meuf (ou d’un mec) normal(e) ». Alors, justement, en 2018, c’est quoi un jeune normal ?

-Air of melty : Plusieurs études américaines ont montré ces derniers mois que la jeune génération se met beaucoup de pression pour être parfaite. Toi, tu revendiques ton imperfection à l’inverse en te décrivant comme « l’anti perfection ». Mais est-ce que tu sens une certaine pression autour de toi ?

Emy LTR, youtubeuse et influenceuse : Je ressens une pression chaque jour oui, surtout étant assez exposée je suis soumise à la critique quotidiennement. Déjà que, sans personne, on se fout la pression tout seul avec toutes les photos de gens parfaits que l’on voit partout, les pubs minceurs, le maquillage, les engins de tortures pour modifier même une silhouette, alors en étant exposée c’est sur qu’il faut se blinder. En ce qui concerne la pression que causent les commentaires sous mes vidéos, ce sont des remarques gratuites qui ciblent le physique la plupart du temps, c’est une histoire vieille comme le monde et surtout depuis la naissance des réseaux sociaux et cette facilité aujourd’hui à pouvoir tout commenter comme on veut sans filtre sous couvert d’anonymat. « T’es moche, t’es belle, t’es maigre, t’es grosse… » Les méchants commentaires gratuits comme ceux-la sont heureusement une minorité. La majorité des personnes qui commentent sont bienveillantes et ça c’est magnifique, de pouvoir créer des discussions, des débats et surtout ce que j’aime c’est de voir les gens se donner des conseils entre eux sous mes vidéos, j’ai l’impression d’avoir été un peu utile. Et je le redis j’ai vraiment beaucoup de chance, les personnes qui me suivent sont vraiment solaires et y a une bonne ambiance dans les commentaires en général, c’est cool. Finalement être imparfaite c’est presque autant de boulot qu’être parfaite !

-Air of melty : Une grande partie du livre parle du fait que ta génération vit son quotidien en partageant des moments bien choisis sur les réseaux sociaux (fitness notamment). Est-ce que c’est quelque chose que tu remarques particulièrement : les jeunes ont une conscience extrême de l’image qu’ils renvoient et qu’ils veulent renvoyer ?

Emy LTR : La réponse est un grand oui ! On a tous des rêves des envies et il y a la réalité. Les réseaux sociaux ne connaissent pas la vérité. Tu peux t’inventer une vie entière grâce aux réseaux sociaux, poster une photo de plage pour faire croire que tu es en vacances, retoucher une photo pour renvoyer l’image dont tu rêves, montrer ta sociabilité en postant des photos avec tes amis etc… Les réseaux sociaux aujourd’hui sont des cartes de visite. J’ai l’impression que les gens ne s’échangent même plus leurs numéros et préfèrent se donner leurs comptes instagram respectifs. Ca me fait toujours un peu bizarre. J’ai toujours ce sentiment que l’on me demande mon compte pour observer ma vie et voir si je vaux le coup que l’on m’adresse la parole ou non. Et puis il y a ce besoin de la perfection encore une fois : on montre notre corps après les séances de sport pour atteindre cette perfection physique et l’exposer pour être rassuré dans les commentaires, on prend nos plats en photos mais seulement s’ils sont beaux, les photos de paysages retouchés. C’est la quête de la beauté en permanence. Et vu le contexte social triste et difficile pour beaucoup, c’est un peu un échappatoire aussi, se créer la vie dont on rêve et le dire aux autres.

-Air of melty : Tu expliques qu’Instagram est ton réseau social préféré. Pourquoi, qu’est-ce qui t’attire particulièrement dans ce réseau social ? Qu’est-ce qui, à l’inverse, pourrait t’inciter à t’en détourner ?

Emy LTR : Instagram reste malgré mes critiques mon réseaux social préféré tout simplement parce que j’ai toujours adoré la photo. J’adore suivre des comptes de voyages, ca me fait rêver. Puis bizarrement j’ai longtemps critiqué ce fanatisme à avoir un feed parfait mais je commence à prendre du plaisir à organiser mes posts et tout ça. Bon après je l’avoue, je le fais assez rarement parce que ca me prend assez vite la tête ! Ce qui m’en détourne c’est tout ce dont nous avons déjà parlé, cette quête perpétuelle de beauté parfaite et cette manie de tout poster. C’est vrai que, de mon côté, je ne prends presque jamais de photos de moi ou de mon quotidien. J’ai la chance d’être entourée de photographes hyper talentueux qui font tout le travail à ma place, je vais sur un shooting on prend des clichés et je repars, ensuite je n’ai plus qu’à poster ma photo. Je n’ai pas ce réflexe de poster des photos de ma vie intime, prendre mon plat en photo, poster des photos de mes activités journalières je le fais très peu, j’essaie de communiquer grâce aux stories mais même là je ne suis pas très assidue. Donc voilà ce qui m’effraie un peu avec Instagram c’est l’étalage de vie privée et je trouve ça dangereux, je n’ai rien contre les gens qui le font chacun ses gouts mais de mon côté je préfère me préserver.

– Air of melty : Quel est ton rapport aux autres réseaux sociaux, Snapchat et Facebook en tête ?

Emy LTR : Pour les autres réseaux sociaux comme Snapchat et Facebook, j’avoue les avoir vraiment beaucoup laissé de côté. Pour le coup, je n’ai même pas le réflexe d’y aller. Facebook est désormais juste un réseau de relai de mes vidéos et j’en profite pour répondre aux messages que l’on m’adresse. Et Snapchat, depuis la mise à jour on est un peu fâchés lui et moi ! Reste Twitter, que j’affectionne et sur lequel je suis très active. Même si je déplore un peu les clash violents récurrents que l’on peut y trouver. Je pense que ce doit etre le réseau social le plus violent. Et puis bien sûr, mon numéro un des réseaux sociaux, c’est Youtube, qui me donne chaque jour la chance de m’exprimer.

-Air of melty : Peux-tu nous parler davantage de cette phrase : « Au fond, les réseaux sociaux, c’est un peu comme le cinéma. Parce que Insta, YouTube et compagnie comme le cinéma te vendent le même truc : du rêve ».

Emy LTR : Comme je l’expliquais plus haut, pour moi les réseaux sociaux c’est la vie dont on rêve que l’on affiche, pas celle que l’on vit. On poste les photos sur lesquelles on se trouve les plus beaux, dès qu’on est dans un endroit superbe il faut absolument le dire aux autres pour les faire baver, etc… Et je suis moi aussi concernée, même si il y a pas mal de photos de moi bien bien difficiles pour mon ego, je fais partie du système. La majorité des photos que je vois sur insta c’est la recherche du top, bien que, de plus en plus et j’en suis ravie, on prône un retour au naturel, les personnes fines s’assument, les personnes avec des formes aussi, les photos sans maquillage etc.. Je pense qu’en vérité, la beauté est une mode comme tout comme le reste, il y a eu la mode de la perfection, qui est encore bien présente soyons honnêtes mais, petit a petit, il y a un retour aux sources, à la nature où tout le monde commence a en avoir marre de bouffer du mensonge en image et de la pression culpabilisante. On a envie de vivre la vie que l’on veut, sans la prétendre. Parce qu’il ne suffit pas d’afficher une vie parfaite sur les réseaux. Une fois que l’on coupe l’écran, le contraste est trop fort, trop douloureux. On a placé la barre si haut que la réalité est devenue trop fade, trop terne. Alors qu’en vrai, on est pas obligé de manger un plat super beau, hyper coloré pour apprécier. Et bien la vie c’est pareil, c’est pas parce que t’as pas les fesses des fitgirl que t’es moche ou mal foutue, au contraire. C’est un peu la colère que j’éprouvais en voyant des publications, je sentais vraiment la pression des comptes principalement fitness, j’avais vraiment le sentiment d’être jugée. J’entendais leurs voix me dire : « Si tu fais pas de sport c’est que t’es une perdante », ou encore « si tu manges ton croissant, tu vas etre grosse et si t’es grosse t’es moche ». Ca m’a vraiment énervée et ça m’a déclenché un vrai rejet. Mais au lieu d’en faire quelque chose d’agressif, j’ai eu envie de partager mon avis de manière humoristique avec d’autres et quand j’ai vu l’engouement j’ai compris que je n’étais vraiment pas la seule à en avoir marre. Tout ça c’est une question de liberté. La tienne s’arrête là où commence celle des autres. Cohabiter sans jugement c’est important. Et vivons nos vies sans filtre et arrêtons de profiter derrière un écran, nous passons à côté de beaucoup trop de choses essentielles.

-Air of melty : Tu expliques avoir une addiction au shopping. De nombreux jeunes cèdent comme toi aux achats spontanés. Comment tu l’expliques et quel est ton rapport aux achats en tout genre (et notamment aux achats en ligne)?

Emy LTR : Ma bête noire, c’est le shopping ! Depuis ado c’est un enfer. Je suis une accro de chaussures et de fringues. Au-delà d’aimer la mode, je pense que c’est un réflexe d’angoisse. La peur de manquer, du vide. Quand je suis stressée ou angoissée je ressens ce besoin d’acheter comme pour combler ou me réconforter. Compenser un mauvais moment négatif par une action positive. Aujourd’hui j’ai la chance de bien gagner ma vie, mais 3 ans en arrière ce n’était pas du tout le cas, j’exerçais des jobs alimentaires ou j’étais payée le smic et j’avais quand même ce problème d’achat compulsif alors j’ai eu pas mal de problèmes avec mon banquier mais je n’arrivais pas à m’arrêter pour autant. L’achat en ligne c’est traitre en plus, c’est simple rapide, tout est virtuel, on n’a même pas la sensation de payer. Donc, en résumé, c’est pratique, mais le contrôle de soi l’est encore plus !

-Air of melty : Un moment dans le livre, tu proposes des excuses pour ne pas sortir. Tu as l’impression d’avoir un côté solitaire, qui préfère le confort de chez soi devant Netflix aux soirées en boîte en groupe ?

Emy LTR : Depuis toute petite j’ai ce côté un peu solitaire, j’ai besoin de me retrouver seule. J’adore m’amuser, voir mes amis, mais la solitude ne m’a jamais effrayée, j’ai besoin de beaucoup de calme. Surtout avec mes activités aujourd’hui, je vis des expériences incroyables, à 100 à l’heure, je rencontre des dizaines de personnes, je voyage … Donc il est vrai que j’aime être au calme chez moi avec une bonne série, de quoi grignoter et mon chien. J’ai aussi beaucoup fait la fête pendant mon adolescence, j’étais tout le temps en boite sur Paris, si bien qu’à la fin c’est devenu lassant. Alors aller en boite de temps en temps comme ca c’est cool, ça me fait du bien mais tous les week ends non merci, je suis une vieille maintenant !

-Air of melty : Un chapitre du livre est consacré aux années 1990. Tu ressens une certaine nostalgie au quotidien ? En cela, les marques qui misent sur le rétro-marketing te parlent ?

Emy LTR : Oh que oui. J’aime les 90’s. Je suis née en 1991 et j’ai pas mal de souvenirs d’avant 2000. Le cinéma de cette décennie, la musique, les fringues tout était cool ! Je sors un EP d’ailleurs avec beaucoup d’inspirations du rock des années 90, on ne l’avait pas prévu mais instinctivement dès que l’on avançait sur les morceaux on se dirigeait tout le temps vers ce style. Et c’est avec plaisir oui que je vois que les 90’s are back ! Avec des inspirations de cette époque adaptés à notre modernité actuelle, je trouve ça génial, le rétro c’est cool et aujourd’hui je crois que tout le monde est d’accord la dessus. Tout ça est peut être mêlé, on a fait un bond dans le futur d’un coup avec les ordinateurs, les téléphones portables, etc. Tout est devenu un peu froid et impersonnel, le retour au rétro c’est peut être la volonté de retrouver quelque chose de plus chaleureux et de plus authentique aussi !