Feeleat, “L’été génère des angoisses et une pression sur le rapport des jeunes à leur corps” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 16 Juil 2020 à 08:55
Feeleat, “L’été génère des angoisses et une pression sur le rapport des jeunes à leur corps” (EXCLU)
L’été, meilleure ou pire saison pour la jeune génération ? Chaque année, l’arrivée de l’été provoque du stress et des doutes chez les 18-35 ans, particulièrement en ce qui concerne leur vision de leur corps. Décryptage avec Morgane Soulier, fondatrice de Feeleat, application de suivi pour les troubles du comportement alimentaire.

En cet été 2020, c’est (enfin) l’heure des vacances et des micro-aventures après un printemps confiné et très particulier. Pour la jeune génération, si la période estivale est synonyme d’apéros prolongés et de moments de détente entre amis (virtuels ou physiques) et en famille, elle peut aussi être source de stress et de doutes, comme nous l’explique Morgane Soulier, fondatrice de Feeleat, application de suivi pour les troubles du comportement alimentaire.

-Air of melty : Pouvez-vous nous présenter FEELEAT en quelques mots ?

Morgane Soulier, fondatrice de Feeleat : Feeleat est un ensemble d’outils dont l’objectif est d’aider nos utilisateurs à déconstruire les idées reçues concernant l’alimentation et à (re)trouver le plaisir de s’alimenter, notamment pour les personnes qui souffrent de troubles alimentaires tels que l’anorexie, la boulimie, l’hyperphagie. Notre écosystème intègre une application, un blog, et une communauté d’entraide très engagée sur les réseaux sociaux.

-Air of melty : Selon une récente étude que vous avez menée, 69% des Français ressentent une pression médiatique à perdre du poids avant l’été. En quoi est-ce particulièrement vrai pour les 18-35 ans ?

M.S : La pression médiatique est ressentie chez tous les âges, mais en effet, les 18-35 ans sont particulièrement vulnérables, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les jeunes adultes sont très actifs sur les réseaux sociaux et très exposés aux images véhiculées par les influenceurs, qui peuvent nous faire penser que nos vies sont moins attractives que la leur, qui semblent faire de chaque repas un moment aussi esthétique que sain, tout en étant en pleine forme, super heureux et bien dans leur peau… de quoi les envier et imaginer que la quête de l’assiette parfaite est la source du bonheur. Ensuite, c’est un âge où l’on construit sa vie d’adultes et où nos idéaux sont encore très présents, un âge où l’on veut maîtriser son avenir dans une société où les médias nous laissent penser que la minceur est la source de la réussite. C’est d’ailleurs une idée reçue de penser que les troubles alimentaires ne toucheraient que des jeunes adolescentes mal dans leur peau. Factuellement, les adultes sont très touchés par ces maladies mais de façon bien moins visible car ils osent beaucoup moins en parler, et que les troubles se manifestent principalement par des compulsions alimentaires qui ne se voient pas sur le corps (moins de maigreur).

-Air of melty : Quelle image a la jeune génération du fameux « Summer Body » ? Qu’est-ce que ce terme implique sur cette cible et quel regard porte-t-elle sur le sujet ?

M.S : Le Summer body, c’est la quête du corps parfait à l’arrivée de l’été, ou du corps qui nous permettra d’être fier de nous-même en maillot de bain devant nos amis, nos proches, nos petits copains ou petites copines. Notre étude met en avant le fait que 95% des français connaissent le terme Summer Body, et que 60% y voient un terme à connotation négative. Pourtant, nous sommes nombreux (76%) à ressentir cette pression, à y céder, et à changer nos habitudes alimentaires à l’arrivée de l’été. Comme si nous étions un peu victime d’un système qui nous met en difficulté.

-Air of melty : Quel impact a la médiatisation du « Summer Body » sur les Français ? (idées sombres, mauvaise image de soi, troubles alimentaires…)

M.S : 30 % des répondants à notre enquête estiment que l’arrivée de l’été génère des angoisses, des idées sombres, une pression désagréable sur leur rapport à eux-mêmes, à leur corps, à leur alimentation. Ils indiquent même prendre moins de plaisir à manger ! Autre chiffre marquant, 15% des interrogés indiquent même changer radicalement leur alimentation à l’arrivée des beaux jours, ce qui montre bien l’impact de cette pression sur la spontanéité que l’on devrait avoir dans notre rapport à l’alimentation, qui n’existe plus au final.

-Air of melty : De quelle manière les jeunes Français préparent-ils leur corps à l’été : sport, alimentation, etc. ? Et à quel moment commencent-ils à se mettre en condition ?

M.S : Cette année a été particulière. Avec le confinement, un grand nombre de jeunes adultes a découvert la pratique du sport en ligne et a commencé à s’entretenir dès le mois de mars. Le confinement, l’inactivité, a généré de nouvelles anxiétés face au rapport au corps. Une enquête menée par Feeleat en mai, à l’issue du confinement, a montré que 80 % des français estiment avoir subi une pression supplémentaire sur leur poids, et que 65 % d’entre eux se sont fixés de nouveaux objectifs concernant leur alimentation et leur mode de vie. Donc cette année, la préparation au maillot de bain a commencé bien plus tôt.

-Air of melty : De manière générale, quelles sont les tendances qui devraient marquer l’été 2020 des jeunes Français sur le plan de l’alimentation ?

M.S : Lorsque l’on interroge la jeune génération sur ses préférences alimentaires pendant l’été, les catégories d’aliments qui ressortent le plus sont les salades composées (de pâtes, de riz, tomates mozzarella, …) donc des repas plutôt complets qui font la part belle aux féculents et aux protéines animales ou végétales. Côté sucré, les glaces et sorbets sont plébiscités, mais aussi beaucoup les fruits de saison tels que le melon ou la pastèque.

-Air of melty : Chaque année, les magazines en tout genre préparent les Français au « Summer Body ». Mais, de plus en plus, la pression ne vient-elle pas également des réseaux sociaux ? Et même de l’entourage de chacun ?

M.S : En effet, l’enquête fait ressortir pour chez la plupart des interrogés, la pression ne vient pas que des médias mais surtout de l’image qu’on souhaite renvoyer à sa famille, à ses amis, et même à ses collègues ! Au final, cette pression vient de ce que l’on pense que les autres attendent de nous.

-Air of melty : De manière générale, peut-on dire qu’il existe une pression autour du corps parfait non seulement l’été mais à tout moment de l’année ?

M.S : Le terme Summer Body existe depuis plusieurs années, mais cette pression face au corps parfait se fait ressentir tout au long de l’année : dès le mois de janvier avec les programmes détox post fêtes de fin d’année, les tentations que l’on veut être culpabilisantes au moment de la chandeleur ou de Pâques, et nous voilà très vite en été, avant d’enchainer sur les bonnes résolutions de la rentrée pour préparer son corps à Noël…

-Air of melty : Depuis plusieurs mois déjà, la jeune génération tend à s’engager en ligne avec des prises de parole et des défis en ligne misant sur la tendance « Body Positive ». Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

M.S : Le phénomène Body Positive prend de l’ampleur et c’est une bonne chose. Il y a 2 ans déjà, une influence avait créé le #objectifbikinifermetagueule et de très nombreux instagrammers avaient rejoint le mouvement en publiant une photo d’eux / elles en maillot de bain, dans des corps tout ce qu’il y a de + normal, avec leurs petits défauts ! Ces initiatives permettent de valoriser le commun des mortels et de prendre le contrepied des influenceurs dont on parlait précédemment qui semblent avoir une vie vernie et parfaite. D’autres # sont notables dans cette même idée, notamment le fameux #onveutduvrai

-Air of melty : Est-ce un état d’esprit que vous voyez se prolonger et s’accentuer au cours des mois et années à venir ?

M.S : Je pense qu’il y a des prises de conscience, en témoignent les nombreux reportages diffusés ces derniers mois pour dénoncer la grossophobie, où les prises de parole engagées de personnalités qui témoignent de leurs troubles alimentaires. Comme dans beaucoup de domaines, les réseaux sociaux ont ça de positif qu’ils créent des phénomènes de prises de conscience et de communauté solidaires qui lèvent des tabous sur de nombreux sujets stigmatisants, avec cet objectif louable de changer les mentalités. Je pense que ce n’est qu’un début !