Festival des conversations & jeunes, « Les images font passer des émotions qui manquaient aux conversations digitales » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 15 Avr 2015 à 06:57
Les jeunes et leurs conversations décryptées !
Cette semaine, depuis lundi et jusqu’à ce vendredi, se déroule le troisième Festival des Conversations, cette année consacrée aux jeunes. La rédaction a eu l’occasion de s’entretenir avec Guillaume Villemot, fondateur du festival, afin de l’interroger sur les conversations des moins de 30 ans à l’ère du digital. Réseaux sociaux, rapport à l’image et relations aux marques, tous les sujets sont abordés par ici !

Le mois dernier, dans le cadre de l’étude Social Life 2015, la rédaction d’Air of melty vous avait annoncé que 97% des jeunes Français sont inscrits sur des réseaux sociaux aujourd’hui. Les jeunes sont présents sur 3,7 réseaux sociaux différents en moyenne, pour être précis. A ce sujet, cette semaine, se déroule le troisième Festival des Conversations, cette année dédié aux conversations chez les jeunes, notamment sur le digital. A ce sujet, Guillaume Villemot, fondateur du Festival, a répondu à nos questions sur le sujet. Découvrez tout de suite son interview par ici.

– Pourquoi avoir lancé le festival des conversations ? Et pourquoi l’avoir axé sur la jeunesse cette année ?

On n’a jamais été aussi connecté mais aussi seul en même temps. En 10 ans, nous avons dû absorber des outils et des formes de conversation qui nous isolent plus qu’ils ne nous rendent service, donc il est temps de se poser pour comprendre comment nous servir de ces outils et n’en faire que des outils, des liens permettant d’aller vers d’autres. Après avoir mis en avant les villes comme espaces de conversation, nous avons voulu mettre en avant les conversations pour les jeunes à l’ère du numérique, car ils sont d’une part consommateurs de ces nouvelles formes de conversations, mais ils sont également les créateurs de certaines de ces formes et sont également créateurs de nouveaux langages. Les jeunes constituent également une génération de sachant capables d’apprendre aux séniors certaines pratiques et certains usages des conversations numériques.

– A l’ère du numérique, les réseaux sociaux constituent aujourd’hui le canal de communication privilégié des jeunes. Mais peut-on dire qu’ils sont source d’isolement également ? En somme, quelle place occupe les réseaux sociaux au quotidien dans la vie des jeunes ?

Les réseaux sociaux servent aux jeunes à prolonger leurs échanges principalement avec les personnes de leur entourage. Ils sont aussi des façons pour eux de s’exprimer dans des cercles/tribus différentes en fonction des moments de la journée et de leurs centres d’intérêts. On constate ainsi qu’ils ont différents canaux de conversation en fonction des personnes qu’ils veulent toucher, intégrant même les jeux vidéo comme moyens de converser, particulièrement dans le cas des jeux en réseau. Les jeunes sont conscients des risques et des dangers qui existent sur les réseaux sociaux. Leur usage est assez prudent. En revanche, ils ont besoin d’être accompagnés par rapport au temps qu’ils y consacrent pour éviter de sombrer dans les seuls échanges par écran interposé.

-« La communication nous a rendu méfiants, la conversation nous rend confiant ». Qu’est-ce que cela signifie et en quoi cela s’applique particulièrement aux jeunes ?

On se méfie des marques, des fakes, des gens ou des entreprises qui nous donnent le sentiment de converser avec nous. En effet, concrètement, comment être dupe de certains influents qui dialoguent avec leurs ‘amis’ sur leurs réseaux sociaux quand ils ont plusieurs millions de fans ? Quel que soit son canal, la conversation repose sur la sincérité et sur le fait que l’on s’y consacre totalement lorsqu’on y est. Pour mener à bien une conversation, il faut être dans un état d’esprit de conversation, c’est à dire avoir du temps, avoir une générosité. En cela, on peut alors faire confiance à une conversation même si l’on n’est pas d’accord avec le point de vue de l’autre.

-Entre Snapchat, Instagram et les autres, confirmez-vous l’idée que la communication des jeunes passe aujourd’hui de plus en plus par l’image et de moins en moins par les mots ? Comment l’expliquer ?

Sur ces réseaux-là, c’est effectivement le cas car c’est leur vocation. Cela permet d’aller plus vite et le poids des images dans notre monde rend ces réseaux particulièrement présents. Mais sur d’autres réseaux, WhatsApp par exemple, les mots sont encore importants et les jeunes utilisent les mots pour échanger. En revanche, on constate que les émoticônes sont de plus en plus présents et permettent avec des images de faire passer des émotions et des sentiments ce qui manquaient à nos premières conversations digitales d’il y a encore quelques années. Ces images permettent d’ailleurs de voir émerger pour la première fois une sorte de conversation mondialement comprise.

-Que traduit l’usage d’émoticônes, GIFs et autres, justement ? En quoi trouvent-ils leur place dans les conversations des jeunes sur les réseaux sociaux aujourd’hui ?

Cela traduit un besoin de faire passer des sentiments. Enfin, aujourd’hui, la conversation n’est plus seulement associée à la moralité, elle devient multi-modale et, grâce à l’utilisation de ces images, elle permet de véhiculer des émotions, des sentiments. Nous sommes en train de vivre une conversation mondiale au sein de laquelle ces signes se multiplient et viennent enrichir ce qui était des échanges digitaux pour les transformer en véritable conversation multi canal.

-Quelle est l’influence du mobile sur les conversations des jeunes ?

Le mobile est le fil permanent de la conversation, il permet en temps réel de prolonger nos échanges physiques. Il est à propos quand il permet de faire une seule chose à la fois. Le mobile est aussi une sorte de ‘doudou’ social que l’on a sans cesse avec soi, nous permettant de relancer des sujets de conversations. On consulte compulsivement son téléphone pour voir si on est actif, voire vivant. En fonction des âges, la perception du mobile est différente. Pour les quadragénaires, par exemple, il rassure et montre que nous sommes connectés au monde des actifs, tandis que, pour les jeunes, il n’est qu’un outil de lien.

-Les marques, allant là où les jeunes se trouvent, sont de plus en plus présentes sur les réseaux sociaux. Les jeunes conversent-ils autour des marques qu’ils consomment ou qu’ils découvrent ? Existe-t-il un vrai enjeu autour du bouche à oreille sur les réseaux sociaux ?

Oui les marques tentent de se transformer en sujets de conversation mais il faut pour cela qu’elles soient crédibles dans leurs modes d’expression et dans leur façon de s’adresser à leurs consommateurs. Les marques sont des sujets de conversations avec des ondes positives et négatives (mouvement de boycott). Sue les réseaux sociaux, les marques ont inventé une nouvelle forme de guillemet en utilisant le hashtag, qui est une forme d’appel à converser et qui indique qu’elle veut entrer en contact avec ses consommateurs, qu’elle veut devenir un sujet de conversation. En cela, effectivement, le bouche à oreille existe toujours, avec les réseaux sociaux qui l’ont rendu plus puissant et plus rapide.

-Quels sont les ingrédients qui peuvent aider une marque à devenir un sujet de conversation chez les jeunes aujourd’hui : question de ton, de message, de valeurs véhiculées ?

Pour que les marques réussissent à s’intégrer dans les conversations des jeunes, elles se doivent aujourd’hui d’être vraies dans leur discours et dans leur ton, c’est la vraie priorité. D’autre part, elles doivent proposer des choses proches et accessibles, qui correspondant aux profils des personnes qui sont visées. Il faut une réelle complicité et pas de faux semblant, c’est la clé.