heaven, « Les collaborations entre une marque et un influenceur confirment la valeur de ce dernier aux yeux des Z » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 18 Fév 2021 à 12:17
Les 3 tendances à adopter pour séduire la Gen Z en 2022
Pour l'interview de la semaine, Emmanuel Berne, consultant chez heaven, répond à toutes nos questions sur le rapport des plus jeunes aux réseaux sociaux. Quelles plateformes sollicitent-ils ? Pour quels usages et quel rapport à la publicité ? On fait le point !

Le Social Commerce, une tendance en plein essor en 2021 ? Cela ne fait aucun doute ! On le sait, la jeune génération passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux au quotidien, en particulier sur Instagram et Snapchat pour les 15-25 ans. Dans ce contexte, les marques sont de plus en plus nombreuses à s’inviter sur ces terrains pour inciter aux achats. Mais qu’en est-il de la très jeune génération ? Comment utilise-t-elle les réseaux sociaux ? Et quel rapport a-t-elle à la publicité sur ce terrain ? Emmanuel Berne, consultant chez heaven, a répondu à nos questions sur le sujet.

-Air of melty : Pouvez-vous nous présenter l’agence heaven en quelques mots ?

Emmanuel Berne, consultant chez heaven : heaven est une agence de publicité next-generation, qui s’appuie sur sa connaissance des nouveaux comportements digitaux et sociaux pour concevoir et déployer des stratégies et des campagnes innovantes et performantes, locales et internationales qui s’invitent au cœur des conversations des internautes. L’agence présente depuis 2016 “Born Social”, le premier baromètre annuel de référence sur l’évolution des comportements Next Gen des moins de 13 ans.

-Air of melty : Votre dernière étude révèle que les jeunes Français restent connectés en moyenne 1h30 par jour. Que font-ils réellement sur les réseaux sociaux à l’heure actuelle : ils consomment des contenus (quels types), en partagent ? Ils discutent avec leurs pairs ? Prennent part à des challenges ?

E.B : Ce chiffre qui peut paraître bas, ne concerne QUE les enfants de 11 et 12 ans et il s’agit d’une durée moyenne observée un jour d’école. Pour l’obtenir et éviter les biais de perception nous leur avons demandé de regarder sur leur application de suivi du temps passé. 20% seulement des enfants interrogés connaissaient d’ailleurs l’existence de cette fonctionnalité. Cela étant, le temps passé connecté sur les mobiles croît très vite avec l’âge et est beaucoup plus important les jours sans forte contrainte scolaire. Lors de nos entretiens, certains enfants nous montraient des temps passés sur mobile qui dépassaient les 6 ou 8h par jour. C’est un job à plein temps ! La première des activités est celle de la socialisation. Les apps de messagerie comme les réseaux sociaux sont avant tout utilisés pour échanger avec ses camarades et proches. Un besoin d’autant plus aigu dans un contexte de limitation des interactions sociales réelles comme pendant un confinement. Les challenges sont regardés, appréciés, mais réalisés de façon plus rare. Le plus souvent les plus jeunes vont chercher à reproduire les challenges à l’instar de ce que peut-être une activité manuelle ou créative. Ils se filmeront mais garderont pour la plupart la vidéo en brouillon sans forcément la diffuser ou alors auprès de leur cercle amical ou familial le plus proche.

-Air of melty : Encore aujourd’hui, c’est YouTube qui reste l’application préférée des plus jeunes, devant Snapchat, WhatsApp et TikTok. Comment expliquer une telle popularité du service vidéo ? Qu’apprécient les jeunes sur YouTube ?

E.B : Youtube s’est imposé depuis plusieurs années comme un phénomène médiatique majeur, probablement le plus marquant auprès des jeunes générations actuelles. L’un des aspects le plus frappant de cette adoption est liée au fait que les enfants sont exposés dès leur plus jeune âge à Youtube. Il n’est absolument pas anodin de voir que la vidéo considérée comme la plus vue de la plateforme soit ”Baby Shark”, une comptine pour très jeunes enfants. Ensuite la consommation de Youtube perdure avec l’âge, même si elle se transforme en s’autonomisant et que les contenus visionnés évoluent en même temps que les centres d’intérêt. D’une certaine façon les principaux concurrents actuels de la plateforme vidéo de Google sont les services vidéos du type Netflix, Disney+, qui apportent à la fois la dimension on-demand mais en plus une sécurité et une certaine assurance de qualité… même si ces derniers acteurs ne tiennent pas la comparaison en terme de richesse, diversité et de personnification du contenu.

-Air of melty : Existe-t-il des différences profondes de comportements et de préférences sur les réseaux sociaux entre les jeunes filles et les garçons ?

E.B : Les différences sont assez marquées chez les plus jeunes. De manière générale, les filles sont plus précoces dans l’usage des fonctionnalités sociales des réseaux sociaux quand les jeux vidéos en ligne comme Fortnite prennent une place significativement plus beaucoup plus forte chez les garçons. Certains centres d’intérêt apparaissent aussi très genrés comme le foot ou le chant quand d’autres, comme par exemple la cuisine sont appréciés de façon assez équilibrée entre filles et garçons.

-Air of melty : Les périodes de confinement ont-elles transformé le rapport des jeunes aux réseaux sociaux, que ce soit en termes de pratiques ou d’applications privilégiées ?

E.B : Le confinement de mars/avril dernier s’est majoritairement caractérisé par une forte croissance du temps passé sur les écrans. Pour certains jeunes cela les a même amené à une prise de recul suite à des désagréments perçus : fatigue, mal de tête… Ce surplus de temps les a conduit à découvrir de nouvelles plateformes, des Tiktokers ou Youtubers mais pour autant, cette période leur parait déjà bien lointaine. Les usages évoluent très vite à cet âge et les effets de gain de maturité, les transformations liées à l’adolescence qui se profile, ont des effets beaucoup plus forts et prégnants que ceux liés à cette période particulière.

-Air of melty : Votre étude révèle que les jeunes Français sont nombreux à repérer les contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux alors qu’ils semblent avoir plus de mal à reconnaître les publicités classiques sur ce terrain. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

E.B : Youtubers et stars de télé-réalités sont deux figures incontournables auprès des plus jeunes et par leur biais ils sont très souvent exposés aux partenariats qu’ils mettent en place avec différentes marques. C’est ce qui explique leur relative bonne connaissance de ce type de publicité. Cela n’est d’ailleurs pas forcément perçu négativement car lorsqu’une marque effectue une collab avec un.e influenceur.e, cela confirme la valeur de ce dernier, son caractère exceptionnel, auprès de son public admiratif. De nombreux scandales ont aussi donné de la visibilité à ce format, lorsque des produits commandés sur recommandation des influenceurs se sont révélés être des arnaques pures et simples. Dans le même temps, à cet âge, ils n’ont généralement qu’une très faible connaissance de formats publicitaires digitaux classiques comme le SEA par exemple et lorsque nous les avons interrogés 34% d’entre eux ont même déclaré ne pas voir de publicités sur les réseaux sociaux. En réalité, ils ne sont surtout pas encore capables et sensibilisés pour bien distinguer les pubs des contenus éditoriaux.

-Air of melty : Dans ce contexte, quels conseils donneriez-vous aux marques pour bien communiquer auprès de cette cible sur les réseaux sociaux ? À l’inverse, quelles sont les erreurs à éviter à tout prix ?

E.B : En tant qu’agence de communication digitale, nous militons pour une approche pragmatique et responsable de l’usage des réseaux sociaux. Observer les moins de 13 ans sur les réseaux sociaux nous apprend beaucoup de choses sur des usages émergents, le rapport aux plateformes sociales, leur attractivité mais il ne faut surtout pas oublier que ces enfants ne sont pas censés être présents sur ces sites.

-Air of melty : Au sein de l’agence heaven, comment voyez-vous le marché des réseaux sociaux évoluer au cours des mois à venir : confirmation du phénomène TikTok ? Types de formats à privilégier ? Retour en force du live ?…

E.B : Effectivement Tiktok n’a clairement jamais été aussi puissant et prévalent qu’aujourd’hui auprès des plus jeunes. Ce n’était pas une évidence pour nous il y a encore un an, mais le succès de l’application aux USA s’est clairement répercuté sur un marché européen comme la France. Sur les prochains mois et années, la question des interactions cross-platforme sociales va très probablement s’imposer de plus en plus. Les usages des plus jeunes et de leurs influenceurs montrent à quel point il y a des opportunités narratives et d’engagement à proposer des dispositifs dans lesquels chaque réseau offre un contenu spécifique et complémentaire aux autres. Enfin après Tiktok, espérons que de nouveaux réseaux réussissent à émerger auprès du grand public, très probablement en séduisant d’abord les plus jeunes.