Hotwire, « La génération Alpha va redéfinir les codes du numérique et la communication des marques » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 13 Déc 2018 à 12:04
Hotwire, « La génération Alpha va redéfinir les codes du numérique et la communication des marques » (EXCLU)
Que connaissez-vous vraiment de la Génération Alpha ? Grâce à notre interview Virginie Puchaux, Directrice de Hotwire France, qui a récemment mené une étude sur ce sujet, faites le plein de connaissances sur cette cible à conquérir.

Chaque jour, la rédaction d’Air of melty vous présente tout ce qu’il faut savoir au sujet de la jeune génération, qu’il s’agisse des Millennials, alias les 25-34 ans, ou des membres de la Génération Z, âgés de moins de 25 ans, sans oublier les différences qui opposent aujourd’hui ces deux générations. Mais, depuis quelque temps, une troisième catégorie de jeunes a fait son apparition : la génération Alpha. Il s’agit d’une génération déjà accro à la technologie et prescriptrice au sein du foyer, comme nous l’explique Virginie Puchaux, Directrice de Hotwire France, qui a récemment mené une étude sur ce sujet.

-Air of melty : Pouvez-vous nous en dire plus sur la génération Alpha : qui est-elle et quelles sont ses caractéristiques ?

Virginie Puchaux, Directrice de Hotwire France : La génération Alpha définit ceux qui sont nés après 2010. Bien entendu, les limites ne sont pas étanches, mais il s’agit ici de considérer les jeunes enfants qui ne sont pas nés « avec » le numérique, mais après son avènement, une fois qu’il était déjà installé dans nos usages et foyers.

-Air of melty : Votre étude révèle que près d’un parent français sur trois, d’enfants de moins de 9 ans, est persuadé que ses enfants accordent plus de valeurs aux smartphone et tablettes qu’aux animaux de compagnie ou aux activités extérieures. Peut-on dire que les centres d’intérêt de la jeune génération ont évolué ?

V.P : En effet, il était intéressant de questionner les parents sur leur avis quant à ce qui ferait le plus plaisir à leurs enfants de moins de 9 ans. En tant que parents, ou adultes côtoyant de jeunes enfants, nous établissons des parallèles avec les critères qui régissaient une bonne éducation à l’époque où nous étions enfants. La difficulté que nous rencontrons, c’est que la donnée smartphone / tablette n’existait pas alors (la première tablette tactile grand public a été commercialisée en 2010). Nous souhaitons bien évidemment offrir le meilleur à nos enfants et, sciemment ou non, nous avons tendance à reproduire les schémas que nous connaissons : profiter du grand air, avoir un animal de compagnie, faire du sport, etc. Aujourd’hui, il suffit de tendre un smartphone à un enfant de moins de 8 ans pour voir son regard pétiller. Cela arrive également à plusieurs adultes ! Les nouveaux écrans occupent une place qui n’était pas vacante dans la journée des enfants auparavant, et sont terriblement installés déjà. Cela s’opère fatalement au détriment d’autres activités. C’est très perturbant, à la fois enthousiasmant et inquiétant. C’est ce qui rend l’étude de la génération Alpha si captivante.

-Air of melty : Peut-on dire aujourd’hui que les enfants sont de plus en plus dépendants de la technologie ?

V.P : La question de la dépendance est cruciale et soulève beaucoup de débats. Il suffit de regarder comment a été accueillie la décision récente de l’OMS de reconnaitre l’addiction aux jeux vidéo comme une maladie, en juin dernier. La nouvelle a été contredite par des psychologues qui indiquent que les sujets concernés souffrent de prédispositions. D’un autre côté de nombreuses personnes s’inquiètent du temps que nous passons tous devant nos écrans, et des impacts que cela peut avoir sur le fonctionnement cérébral des enfants… Le virage pris par les GAFAs qui prônent la déconnection en est un vibrant écho. La technologie est de facto plus présente dans nos vies, nous l’utilisons donc intuitivement davantage, et nos enfants le font avec une facilité déconcertante. Notre étude révèle d’ailleurs que 27 % des parents consultent leurs enfants avant d’acheter un appareil technologique et/ou connecté. Néanmoins, à la différence de ce qu’elle nous proposait il y a 10 ans, elle n’offre pas ou peu d’opportunités de lassitude donc on ne passe pas aussi facilement à autre chose.

-Air of melty : Quel impact de longue durée va avoir le fait que la très jeune génération est très à l’aise avec l’innovation et la technologie ? Pour les marques, qu’est-ce que cela va changer ?

V.P : Il est très difficile de se prononcer sur ce point, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses. D’après notre étude, 72% des parents de jeunes enfants estiment l’usage des nouvelles technologies leur permet de développer des aptitudes qui les aideront dans leur vie professionnelle et 43% des parents français pensent même que les nouvelles technologies aident leurs enfants à réfléchir plus vite. En parallèle, 3 parents sur 4 s’inquiètent du temps que passent leurs enfants devant leurs écrans. À court terme, il est certain que les marques qui sauront utiliser les nouvelles technologies pour amener les enfants aux activités qui rassureront leurs parents seront gagnantes ! Apprendre à coder avec des briques de constructions, construire des robots à base de carton sur une tablette, sont autant d’activités qui rencontrent des succès croissants. Pokemon Go est de ce fait une excellente réussite : l’addiction est excusée parce que c’est une activité sociale, d’extérieur, qui vous oblige à marcher beaucoup, donc à avoir une pratique sportive… Combo gagnant. À long terme, les marques vont devoir cibler cette nouvelle audience sur son terrain de manière ludique et non agressive. Par exemple : ces enfants ne regardent plus la télévision, mais uniquement les replays et Youtube. Les publicités et notifications sont éliminées en un glissement de doigt sur leurs écrans, elles ne pourraient donc pas se révéler un champ d’investissement très fructueux en l’état. Différentes techniques sont d’ores et déjà testées par les marques, certains jeux particulièrement addictifs proposent notamment des pauses régulières pour nous aider à déconnecter. Certaines marques créent des influenceurs de toutes pièces pour s’adresser aux enfants (cf. Disney). Mais tout reste à inventer.

-Air of melty : On dit aujourd’hui que les très jeunes influencent les achats high-tech de l’ensemble du foyer. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

V.P : Cette précocité des enfants quant aux technologies les positionne dans une situation de consommation inédite vis-à-vis de leurs parents. Lors d’achats technologiques, les parents se préoccupent de plus en plus de l’usage que leurs enfants pourraient avoir de l’outil, c’est le cas de 62% des parents français. 24% ont même demandé leur avis aux enfants avant d’acheter ! Si on prend en compte le fait que les enfants soient de plus en plus influencés par les influenceurs… on résout l’équation marketing à laquelle sont confrontées les marques. Il y a de fait une énorme opportunité ici, et les marques devraient réellement s’intéresser davantage à cette nouvelle génération en tant qu’audience potentielle dans leur communication. Qu’il s’agisse de biens de consommation, de loisirs, de programme de santé publique ou civique, et même pourquoi pas de programme de marque employeur ? Nous pouvons également nous rassurer de constater que le premier relais d’influence de nos bambins reste leurs amis (37% des parents interrogés indiquent ainsi que leurs enfants réclament les mêmes gadgets et appareils que leurs amis).

-Air of melty : Si vous deviez donner trois conseils pour aider les marques à communiquer auprès de cette cible jeune, quels seraient-ils ?

V.P : En premier lieu, il est indispensable pour les marques de se demander pourquoi cibler les moins de 10 ans. Cela peut être pour toucher les consommateurs qu’ils sont aujourd’hui, à travers leurs parents, ou pour toucher leur parents indirectement à travers eux, ou pour des visées à plus long terme et commencer à semer des graines en vue des adultes qu’ils deviendront. Le premier conseil serait de s’assurer de la qualité de vos contenus : récréatifs & innovants. Nous parlons d’enfants, ils viennent aux écrans pour s’amuser, le contenu de marque doit donc avoir l’intelligence de leur offrir cela. Innovants, il doit être visuel et dynamique pour conserver leur attention. Les enfants n’ont pas notre patience, un contenu qui ne convient pas ou qui présente des interruptions est agaçant pour nous, insupportable pour eux. Le deuxième conseil est d’utiliser leurs canaux. Les références d’adultes sont très différentes de celles de cette génération, les efforts que font les parents pour accompagner leur progéniture en témoigne largement. Les applications qu’ils téléchargent et les influenceurs qu’ils suivent pour les comprendre sont celles que nous connaissons, pas forcément celles que les enfants utilisent. Enfin, il faut éviter de créer des versions simplifiées supposées être plus accessibles aux enfants. Le lancement de Youtube Lite, par exemple est un échec. Les enfants utilisent souvent mieux que leurs parents l’existant, inutile de les sous-estimer.

-Air of melty : Comment voyez-vous la génération Alpha évoluer ces prochains mois et ces prochaines années ?

V.P : Je suis persuadée que cette génération va beaucoup nous surprendre ! Elle va redéfinir les codes de cet outil magique que nous appelons le numérique et qui ébahit les autres générations. Elle saura je l’espère, l’utiliser au quotidien à son service, et non au détriment de sa qualité de vie. Cela en fera conséquemment une génération difficile à séduire pour les marques : une génération qui pourra se montrer infidèle et qui ne sera pas dépendante des plateformes qui aujourd’hui sont incontournables : des marques comme Facebook existeront-elles encore pour ces enfants ? En l’état probablement pas et je ne doute pas de voir fleurir des versions et fonctionnalités différentes. Plus exigeante, la génération Alpha attendra une qualité de service client parfaite, des délais de réponses quasi immédiats et ne sera loyale qu’aux marques qui lui apporteront un intérêt réel. Je prévois une très longue vie au contenu de marque et aux innovations qui viendront bousculer les géants qui ont séduit les générations précédentes.