Hurrah, « Les marques représentent aujourd’hui 59% des revenus de l’industrie esport » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 18 Avr 2019 à 10:28
Hurrah, « Les marques représentent aujourd’hui 59% des revenus de l’industrie esport » (EXCLU)
En 2019, le phénomène esport est plus que jamais en marche ! Mais pour que les marques puissent en profiter au maximum, il faut bien qu'elles comprennent comment fonctionne ce secteur si particulier. Mathieu Lacrouts, CEO de Hurrah, agence créative dédiée à l'esport, a accepté de répondre à nos questions.

La rédaction d’Air of melty vous en parle régulièrement, la jeune génération est passionnée de gaming. Actuellement, on estime que les Millennials consacreraient plus de 8 heures par semaine au gaming. Au-delà de jouer, les jeunes sont passionés d’esport, qu’ils le pratiquent ou qu’ils le regardent. En cela, dès 2016, nous vous expliquions que l’esport était un marché à investir (au plus vite) pour les marques. Aujourd’hui, Mathieu Lacrouts, CEO de Hurrah, agence créative dédiée à l’esport, nous explique tout ce qu’il faut savoir pour bien communiquer sur ce secteur en tant que marque.

-Air of melty : Avant toute chose, pouvez-nous présenter Hurrah ?

Mathieu Lacrouts, CEO de Hurrah : Créée en 2015, Hurrah est une agence créative dédiée à l’esport. Parce que l’esport est notre premier client, nous aidons les marques non endémiques à s’engager sur le marché en leur proposant des campagnes alignées avec leur ADN de marque et les attentes des fans. À ce titre, nous avons entre autres collaboré avec la FDJ, Domino’s ou encore Coca Cola. Parce que esport et gaming sont étroitement liés, nous sommes également régulièrement approchés par des marques désireuses de toucher les gamers. Ainsi nous avons par exemple collaboré avec Volvic pour la mise en place d’une campagne à destination des amateurs et amatrices de Fifa.

-Air of melty : Qu’est-ce qui caractérise l’esport marketing en 2019 ?

M.L : Nous sommes à une période charnière où l’esport a définitivement prouvé qu’il était porteur d’opportunités pour les marques, quelles qu’elles soient. On en arrive même à un moment où les équipes sponsorship de Riot Games choisissent les quelques marques élues qui deviendront leurs partenaires après en avoir rencontrées plus de 350 sur un an. Elles sont donc de plus en plus nombreuses à investir le marché que ce soit via du sponsoring de compétitions ou d’équipes, la diffusion de campagnes publicitaires, la formation de leur propres équipes… Il n’est désormais plus rare pour les fans de voir des marques très éloignées du secteur s’intéresser à eux. Tout l’enjeu pour elles est donc d’essayer de tirer leur épingle du jeu, de marquer les esprits.

-Air of melty : Qui sont les fans d’esport ? Quel est leur profil ?

M.L : La particularité (et la beauté) de l’esport est qu’il s’agit d’un marché granulaire. Son public est aussi varié qu’il existe de scènes. Chaque scène (et donc chaque jeu) a ainsi son public et ses propres codes. Cela se traduit et s’explique en partie par la tranche d’âge de l’audience esport : 13 à 49 ans ! Ainsi, le jeu Fortnite, désormais connu du monde entier, compte une fanbase bien plus jeune que celle du jeu Dota 2 dont le public est plus mature, tandis que la scène de jeux de combat quant à elle, est perçue comme faisant partie d’un univers à part entière, presque décoléré de l’esport. Résultat : à chaque esport ses propres opportunités publicitaires ! Mais après tout, une marque irait-elle parler aux fans de golf de la même façon qu’elle le ferait pour des fans de Rugby ?

-Air of melty : Quelles sont les 3 clés d’une bonne relation entre marques et gamers ?

M.L : Serviciel, respect et ténacité semblent être un bon début. Côté serviciel, il y a quelques année encore, lorsque les marques faisaient leurs premiers pas sur le marché, l’authenticité était le premier conseil qui nous venait en tête. Désormais aguerries, l’aspect serviciel revêt toute son importance. Il est en effet essentiel pour elles de réfléchir à ce qu’elles pourraient apporter au secteur et aux fans, d’identifier leurs valeurs communes… En 2017, Les céréales Lion ont permis à 100 fans français d’assister à l’une des plus importantes compétitions de League of Legends à Hambourg en créant le premier club de supporters de l’esport. Les marques ne doivent pas voir l’esport et le gaming comme un simple moyen de vendre leurs produits à des consommateurs potentiels. Ce type de démarche se ressent tout de suite et est très mal accueilli. Côté respect, les fans d’esport et plus largement de jeux vidéo ont toujours dû faire face à de nombreux clichés. Beaucoup de marques connaissant mal le secteur ont bien malgré elles contribué à alimenter ces croyances communes. Avant de s’engager sur le marché il est essentiel de l’étudier à minima pour comprendre les fans et leurs attentes… La campagne “ teatime takedown ” d’Aldi est un bon exemple. Dans une publicité mettant en porte-à-faux de jeunes gamers, la marque a utilisé les clichés liés au gaming pour faire passer son message. Elle s’est rapidement attiré les foudres de la communauté, au point de devoir annuler sa campagne web, print et retail déjà lancée. Enfin, il faut de la ténacité parce que le marché n’est pas encore totalement installé, c’est un peu une aventure et nous ne savons pas jusqu’où nous irons. Les marques doivent être prêtes à nous accompagner. S’engager sur le marché de façon efficace c’est s’engager sur la durée. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les marques qui ont le plus marqué les esprits des fans sont celles qui sont là depuis un moment. Elles ont avancé et quelque part grandi en même temps que l’esport.

-Air of melty : Du côté des marques, quelles sont les pratiques à éviter ? Même question du côté des joueurs pro ?

M.L : S’engager sur le marché en espérant y imposer ses propres codes ou le réinventer. L’esport est un secteur très codifié. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas accueillant ou fermé mais plutôt que les fans sont fiers de leurs identités. Les marques doivent donc trouver le moyen de marcher avec eux. Pour reprendre un exemple avec l’un de nos clients, Renault a décidé de lancer la première écurie esport. Ainsi au lieu de créer sa propre structure nommée Renault Esports par exemple, la marque a décidé de faire un partenariat long termiste avec la plus grande team esport française — Team Vitality — en créant l’écurie Renault Sports Team Vilitaty. Un modèle à suivre donc pour les marques qui voudraient utiliser la brand-equity des acteurs du milieu pour ne pas s’imposer à ces communautés. Du côté des joueurs professionnels, tous n’ont pas encore compris que leur image était aussi importante pour leur futur que leurs performances compétitives. Certains attirent les sponsors comme des mouches lorsque d’autres tweetent des contenus controversés, perdant ainsi leurs partenaires. Les marques représentent aujourd’hui 59% des revenus de l’industrie esport, les joueurs pros ne doivent plus penser que seule leur performance fera leur carrière.

-Air of melty : De manière générale, comment les marques choisissent-elles les joueurs avec lesquels elles collaborent ?

M.L : Lorsque les marques choisissent l’option du sponsoring pour communiquer dans l’esport, plusieurs opportunités se présentent : s’associer à des ligues ou d’événements, supporter des équipes ou joueurs… Lorsqu’elles décident de travailler directement avec des équipes où des joueurs de façon individuelle, elles cherchent principalement à créer une histoire avec leurs partenaires. Partager des valeurs communes est donc très important. Elles ne choisissent donc pas leurs partenaires au hasard. L’origine géographique des structures peut également avoir son importance sans pour autant être obligatoire. Cela permet de rendre les choses évidentes tout de suite. C’est donc sans grande surprise que nous avons vu Orange s’associer à Vitality. La scène sur laquelle excellent les joueurs est également prise en compte. Comme dit précédemment, il existe autant de profils qu’il existe de scènes. Cela représente donc une opportunité importante pour les marques de s’associer avec des structures cohérentes avec leur cible. Beaucoup de marques ne souhaitent pas être associées à Counter Strike : Global Offensive et préfèrent éviter toute association avec les équipes faisant partie de cette scène. Enfin, les sommes qu’elles sont prêtes à engager entrent bien évidemment en compte. A savoir que comme dans le sport, les équipes qui performent le plus sont les plus chères.