Prisma Media x Storymind, “55% des 18-34 ans se sentent plutôt différents des gens de leur génération” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 26 Nov 2020 à 12:37
Prisma Media x Storymind, “55% des 18-34 ans se sentent plutôt différents des gens de leur génération” (EXCLU)
Comprendre la jeune génération en cette fin d’année 2020, qu’est-ce que ça veut réellement dire ? Marine Grémy, Directrice Marketing Insight PMS Femmes-International et Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay, Fondateur de Storymind, nous présentent les résultats d’une étude menée auprès des 18-35 ans avant et après le premier confinement pour mieux cerner leur état d’esprit du moment, leurs priorités et leurs envies.

Connaître les marques préférées des Millennials en 2020, ça ne suffit pas pour les comprendre et pour savoir comment les toucher. Heureusement, il y a quelques semaines, Prisma Media et Storymind aidaient les professionnels du marketing à mieux cerner les 18-34 ans, une génération qui assume ses paradoxes, en dévoilant les résultats d’une enquête approfondie menée sur plusieurs mois. Aujourd’hui, Marine Grémy, Directrice Marketing Insight PMS Femmes-International et Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay, Fondateur de Storymind, répondent à nos questions sur le sujet.

-Air of melty : Vous avez mené une étude auprès des 18-34 ans entre janvier et juin 2020 et vous avez notamment pu remarquer que la période de confinement et la crise sanitaire ont peu bouleversé leur vision de la vie. Vous pouvez nous en dire plus à ce sujet ?

Marine Grémy, Directrice Marketing Insight PMS Femmes-International : Le monde d’après dont on nous rebat les oreilles n’existe pas pour les 18-34 ans. Entre janvier et juin 2020, ils ont peu bouleversé leur vision de la vie et leurs priorités. La crise du Covid n’a fait qu’intensifier des tendances qui pré-existaient déjà en 2019. Les bonnes résolutions prises pendant le confinement – se mettre au sport, privilégier les circuits locaux et les achats éco-citoyens, faire preuve de solidarité…, n’ont pas toujours été tenues après. Beaucoup sont confrontés à une réalité très pragmatique : avec la crise économique, leur pouvoir d’achat ne leur permet pas d’être aussi vertueux qu’ils le souhaiteraient.

Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay, Fondateur de Storymind : La phase initiale de notre étude a été réalisée en février 2020, avec une actualisation post-Covid en juin. Quatre mois plus tard, ce fut l’occasion de se repencher sur les résultats initiaux et de voir les éventuels curseurs en mouvement. Même si cela n’était pas prévu au départ, on a la chance d’avoir un point 0 et un point 1 entre l’avant et l’après crise sanitaire. Une surprise de taille s’est imposée. Il n’y a pas d’avant et d’après covid sur les grands fondamentaux des 18-34 ans : valeurs, visions de la vie, priorités, modes de vie… Bien sûr il y a la gestion des contraintes sanitaires (masque, télétravail, sortie limitée), mais il n’y a pas de rupture sur les fondations. Pour beaucoup, c’est une pause avec une hâte : retrouver le monde d’avant avec sa consommation, ses plaisirs, ses projets etc… Le sursaut éco-responsable et citoyen dont tout le monde parle n’a pas eu lieu sur les 18-34 ans. Ceux qui était déjà très sensible à ces sujets en 2019 le sont encore plus, et les autres ne s’y sont toujours pas mis. En juin 2020, 63% déclarent acheter de la fast-fashion, 59% font les soldes pour acheter encore plus et 53M mangent des plats industriels tout prêts

-Air of melty : Quelles sont les priorités des Millennials à l’heure actuelle ?

M.G : On entend régulièrement que les 18-34 veulent changer le monde. Mais qu’en est-il vraiment ? Notre étude montre que si ils existent (¼ d’entre eux a comme priorité de changer la société), ce sont finalement plutôt des choix “sécurisants” d’intégration sociale qui dominent, même si leur discours et leurs valeurs disent souvent le contraire. Cela se matérialise notamment sur 4 points majeurs : l’importance de la sécurité économique (au travers de la valeur travail et du graal du CDI) ; l’appétence pour les marques rassurantes (et notamment les marques made in France) ; la recherche d’une vie de couple réussie ; la volonté forte de devenir propriétaire. La crise COVID a clairement renforcé ce besoin de sécurité des 18-34 qui se sentent plus que jamais fragiles sur un plan économique.

J-E.D.L.S : Une majorité de jeunes a une appréhension du réel relativement concrète et pragmatique. Quand on leur demande « qu’est-ce que vous allez faire dans un an ? » ou « comment allez-vous modifier ou pas vos achats ? », beaucoup nous répondent « je vais essayer de survivre avec mes moyens ». Il y a un écart abyssal entre l’horizon des valeurs déclarées et la réalité de leurs comportements. Et ça c’est une source de souffrance. Leurs priorités sont assez classiques car très sécurisantes : avoir un CDI, trouver un couple durable, acheter un logement. J’ai appelé ça la « safe life ». Dans un contexte oppressant et face à leurs propres doutes, ils cherchent la sécurité et la stabilité pour S’INTEGRER socialement. Ils sont plutôt autocentrés et ont du mal à se projeter concrètement dans la vie collective. Pourtant, leur discours et leurs valeurs disent le contraire: un écart entre FAIRE et DIRE. La crise Covid a renforcé ce besoin de sécurité. La situation est encore plus dramatique pour les plus jeunes qui ne sont pas encore sur le marché de l’emploi. Leur confiance en eux est en nette baisse : Alternance et stage supprimés avec possibilité de diplôme par validé, Job d’été rare en 2020, Premier poste difficile à trouver car concurrence avec les chômeurs plus âgés, CDD pas reconduit, Peu d’offres d’emploi, Retour chez leurs parents même à 30-34 ans…

-Air of melty : Votre étude montre qu’il n’existe pas de choc intergénérationnel, contrairement ce que l’on entend souvent dire au sujet des jeunes. Quelles sont les données qui montrent que les 18-34 ans ont les mêmes valeurs et les mêmes projets que leurs aînés ? Quels sont, à l’inverse, les éléments qui les différencient de leurs aînés ?

M.G : De tout temps, on a opposé les jeunes et leurs aînés. Aujourd’hui tout particulièrement avec les allocutions « Ok Boomer » et « Ok Millennials », très médiatisées car amusantes. Dans la réalité, une large majorité (59%) des 18-34 ans déclarent qu’il y a peu de différences générationnelles fondamentales avec leurs parents. Cette proximité entre les générations est notamment due au partage de valeurs, de discussions, de bons temps… autant de moments de vie qui renforcent le lien intergénérationnel. Mais bien sûr, il existe des visions divergentes et des points d’achoppement notamment autour de 3 grands thèmes : le travail, la sexualité et l’éducation des enfants. Sur la vie intime, une marque comme NEON l’a bien compris avec des prises de position fortes et engagées prônant l’inclusion ou la lutte contre les stéréotypes des genres, des combats sociétaux que les jeunes défendent.

J-E.D.L.S : Certaines fausses idées nées sur les réseaux sociaux finissent par être perçues comme vraies. Exemple typique avec le fameux « OK Boomer » qui marquerait un gap entre deux générations ne partageant pas les mêmes valeurs ni les mêmes priorités. Notre étude révèle qu’il y a au contraire une extrême complicité intergénérationnelle. Même à 32/33 ans, on note une extrême dépendance affective et économique à l’égard de leurs parents. Dans un monde instable comme le nôtre, cet ancrage est très sécurisant. La paix des âges est l’un des très gros thèmes structurants pour l’imaginaire des années 2021/2022. Les différences générationnelles se limitent surtout à des choses secondaires comme le mode de vie (conso, loisirs, voyage, centres d’intérêt, technologie). Sur les grands sujets fondamentaux, il y a peu de différences : valeurs, priorités, choix de vie. 59% des 18-34 ans pensent qu’il y a peu de différences intergénérationnelles avec leurs parents, et 83% sont optimistes sur l’avenir de leurs relations avec eux. La crise Covid a renforcé les liens intergénérationnels : besoin de rester en contact par le digital, retour chez les parents pour avoir des conditions de vie plus agréables (parfois pour une durée qui va au-delà du confinement: génération boomerang), aide financière pour les plus fragiles, écoute TV commune : JT, film, divertissement familiaux (Koh Lanta, Tous en cuisine), cohésion autour de la cuisine et des repas… En revanche, il y 3 points de désaccord avec leurs parents. le travail : les jeunes travaillent pour vivre alors que leurs parents vivent pour travailler. L’éducation des enfants : les jeunes sont dans une écoute positive de leur progéniture alors que leurs parents sont dans une transmission de règles normées. La sexualité : les jeunes sont ouverts aux nouveaux codes (appli, fast sex, bisexualité, nokids..) et leurs parents plus réticents.

-Air of melty : Votre étude montre aussi que, plus qu’une différence avec leurs parents, les Millennials évoquent des différences avec leurs pairs. Les jeunes évoluent-ils dans un monde où ils veulent être différents de leurs pairs, uniques ? Ou cette différence leur procure-t-elle à l’inverse un mal-être ?

M.G : En effet, plus de la moitié des 18-34 ans se sentent différents de leur génération. Finalement, ce collectif que l’on a parfois la facilité de faire, cache en réalité une multitude d’identités singulières. Ce qui prime pour eux devant l’appartenance générationnelle c’est la liberté d’être soi, via notamment une profonde mise à distance des diktats, des modèles, des standards et des caricatures. Ils sont d’ailleurs 58% à se définir comme originaux, créatifs, avec un talent à exprimer. Et c’est là tout l’enjeu des marques et des médias : l’inclusivité et la représentation de toutes ces identités.

J-E.D.L.S : On n’arrête pas de parler de « génération Millennials » ou de « génération digitale native ». Or 55% des 18-34 ans se sentent plutôt différents des gens de leur génération. Ils ne se retrouvent pas dans leur semblable. On n’observe pas d’identité structurelle de leur tranche d’âge, c’est tout à fait nouveau. Pour se construire, leur référent c’est eux-mêmes et des gens qui leur ressemblent. C’est pour cela que les problématiques de représentation, d’inclusivité, de minorité, de passions personnelles sont extrêmement présentes dans leur esprit. Les marques commencent à comprendre que pour parler aux 18/34 ans il ne peut y avoir 3 ou 4 modèles mais un éclatement des identités singulières. Cette idée de l’atomisation est vraiment structurante. Ce qui compte ce n’est pas de dire ce qu’ils sont mais de dire qu’ils sont pluriels. Et arrêtons avec les contenus s’appuyant sur les stéréotypes du startuppeur qui a réussi ou de l’écocitoyen vegan qui roule à bicyclette ! Ce sont des images vertueuses qui ne touchent qu’une petite minorité de cette génération. Leur mantra identitaire : affirmer leur singularité ! C’est ce que j’ai appelé l’Ego Design. 58% pensent qu’ils sont originaux et créatifs avec un talent personnel à exprimer. Une quête identitaire très forte les mobilise : Qui je suis ? Pour quoi je suis fait ? Quel est mon style ? Quelle tribu me correspond ? Ils mettent à distance des diktats, des modèles, des standards, des caricatures y compris parmi les influenceurs. Personne ne se reconnaît dans les collectifs en vogue : Gen Y, Gen Z, les jeunes, les Digital Natives, etc. Cette liberté d’être soi est d’autant plus centrale et valorisée, que le contexte post-covid est jugé anxiogène, source de menace, d’incertitude et de non-reconnaissance. Cultiver son micro-monde permet de se protéger des aléas et des impuissances du macro-monde.

-Air of melty : De manière générale, votre étude met en lumière un certain mal-être chez les jeunes, avec 40% des Millennials qui évoquent un manque de confiance en soi et 32% qui se disent déprimés. Comment l’expliquer ?

M.G : On dresse souvent le portrait d’une génération très optimiste, hyperactive, qui va de l’avant. Dans la réalité, les 18-34 ans ressentent une grande fragilité psychologique : manque de confiance en soi, irritabilité, déprime… Un état anxieux très bien décrit par Pomme qui se confiait à notre média social Simone dans une interview sur Instagram au sujet de sa chanson Anxiété : cet état anxieux est “provoqué par des insécurités, la peur de ne pas être à la hauteur, le sentiment de ne pas avoir droit à l’erreur” dans une société où l’injonction au bonheur est omniprésente et la comparaison sur le digital et les réseaux sociaux frustrante. La crise du Covid est bien évidemment un facteur aggravant d’inquiétude liée à l’absence de perspectives et le sentiment que tout peut s’arrêter brutalement.

J-E.D.L.S : La liberté « no limit » rend incertains leurs choix identitaires. Plus il y a de choix, plus c’est angoissant de faire un choix. Les 18-34 ans sont à l’écoute d’eux-mêmes, mais l’absence de référent les plonge dans une grande difficulté sur la construction de leur singularité. La pression sociale du « tout est possible » fait porter sur l’individu un poids très lourd dans leur construction personnelle. Il faut savoir qui on est pour faire les bons arbitrages. La peur de l’échec devient écrasante. Le refus des normes identitaires alimente la comparaison et la compétition permanente par rapport aux autres. Autrui est une menace de disqualification. Ils ne sont ni libres ni soumis mais inquiets. Tout ceci est renforcé par 3 circonstances aggravantes : une société paradoxale, les effets pervers du digital et les effets psycho-sociaux du confinement.

-Air of melty : En quoi l’entertainment représente une bouée de sauvetage pour cette génération ? Sous quelles formes le consomment-ils ?

J-E.D.L.S : L’une des grandes priorités de cette tranche d’âge c’est l’entertainment, car le réel est trop compliqué et angoissant. Ils vont rechercher du plaisir dans l’imaginaire. C’est dans ce sens que les séries, les jeux vidéo, les parcs d’attractions, les escape games ont pris une place colossale… 38% déclarent se réfugier souvent dans le divertissement pour supporter la réalité. Cela monte à 49% pour les jeunes inactifs lycéens, étudiants ou chômeurs.

M.G : La vie étudiante, l’entrée dans la vie active ou l’arrivée d’un premier enfant…ces étapes de vie sont souvent vécues comme angoissantes par les 18-34 ans. L’entertainment est en effet une échappatoire et un moyen de passer des moments dans une bulle réconfortante en toute sécurité. La fiction, la culture et les voyages sont 3 grands types de divertissement qui sont plébiscités. Concernant le ton et les sujets qui les touchent le plus, ils privilégient les contenus humoristiques, nostalgiques, enchanteurs…mais aussi des fictions ancrées dans le monde actuel avec des incarnations réalistes et accessibles auxquelles ils peuvent s’identifier. Pendant le confinement, la nécessité de s’échapper s’est renforcée. Sur nos marques médias destinées aux jeunes, des contenus humoristiques comme les Savoirs Inutiles de NEON ou des témoignages de personnes confinées ont été plébiscités.

-Air of melty : Quid de la notion d’engagement ? On parle souvent d’une jeune génération engagée mais qu’en est-il de ses réelles pratiques au quotidien ?

M.G : Contrairement à une idée largement reçue, il est faux de dire que la sensibilité des 18-34 aux enjeux de société est plus élevée que celle de leurs aînés. Les chiffres sont en effet très proches, qu’il s’agisse d’enjeux green, féministes, sociétaux ou internationaux. C’est plutôt une bonne nouvelle finalement car c’est la société dans son ensemble qui a évolué : un effet d’époque plutôt qu’un effet d’âge. On voit bien que les 18-34 sont tiraillés entre le discours très vertueux d’un monde meilleur et la réalité de leurs pratiques. Un coût plus élevé, une réduction du plaisir ou bien une perte de temps sont les 3 arguments qui semblent le mieux expliquer cette forte dualité.

J-E.D.L.S : Contrairement à une idée reçue, la sensibilité des 18-34 ans aux enjeux de société n’est pas beaucoup plus élevée que celle de leurs parents. Ces sujets se sont largement diffusés dans toutes les catégories d’âge : c’est un effet d’époque et pas un effet d’âge. Par ailleurs, la crise Covid n’a pas fait évoluer ces chiffres depuis janvier 2020. Les nouvelles conversions aux enjeux sociétaux restent marginales. Sur les non convertis, d’autres préoccupations plus individuelles se sont aiguisées avec la crise covid: niveau de vie menacé, revenu fragilisé, sécurité. Enfin, il y a un écart plus élevé que sur les autres tranches d’âge entre le DIRE et le FAIRE. Les 18-34 ans ont une grande facilité à s’indigner dans le DIRE et une grande difficulté à FAIRE les choses. Leurs propres difficultés et leur manque de confiance les amènent à rechercher des bénéfices concrets pour eux. Les marques et les comportements citoyens deviennent désirables à cette condition. Pour eux, le geste citoyen n’est pas une fin en soi mais un moyen acceptable de satisfaire leurs besoins. Cette grille est éclairante pour comprendre pourquoi les 18-34 ans sont en retard sur beaucoup pratiques responsables: anti gaspi, tri sélectif, achat bio, achat made in France, réduction du neuf… Un budget insuffisant pour ces dépenses jugées élevées. L’argument prix est devenu plus fort depuis la crise Covid car la précarité économique des 18-34 ans s’est accentuée. Des contraintes pas pratiques qui font perdre du temps : cuisine avec aliments frais, tri sélectif, implication dans association d’utilité publique. Si le DIY a explosé pdt le confinement, il est revenu à un niveau normal par la suite sur les jeunes. Une réduction du plaisir: réduction gaspillage, réduction conso produit neuf, réduction conso des écrans, renoncement à un plaisir pour cause green. Le plaisir reste déterminant et est amplifié par la crise Covid pour compenser la frustration et le manque.

-Air of melty : Quels sont les 3 conseils que vous donneriez aux marques qui cherchent à engager la jeune génération ? À l’inverse, quelles sont les 3 erreurs à éviter ?

M.G : Pour engager les 18-34 ans les marques doivent proposer, à cette cible, un discours de vérité, aussi bien dans le contenu qu’ils proposent (marqueurs de vérité, pugnacité du discours journalistique), que dans la représentativité de leur tranche d’âge : ils veulent pouvoir s’identifier ! Cette génération attend aussi des contenus de marques de l’apprentissage et du plaisir, ils ont un besoin de progresser tout en se divertissant. À l’inverse, toujours pour engager les 18-34 ans, les marques doivent veiller à ne pas rentrer dans un discours trop caricatural et éloigné de leur réalité, de leurs vies. Eviter également le ton trop moralisateur et injonctif.

J-E.D.L.S : J’ai deux remarques, une sur le fond et une sur la forme. Cette étude montre que les thèmes dominants tels que l’écologie, #MeToo, la parité, le racisme, l’injustice sont importants mais déjà saturés par trop de discours, peu différenciants et pas crédibles pour beaucoup de marques. En revanche, il y a d’autres territoires plus personnels que les 18-34 ans attendent : la confiance en soi, trouver sa place, avoir une relation harmonieuse fille/garçon, épanouir sa passion, surmonter un échec, être résilient… C’est l’âge des premières fois, et les marques se positionnent moins sur ces sujets. L’estime de soi me paraît être un des macro-thèmes très attendu par les jeunes et encore sous-évalué par les marques. Aider les 18-34 ans à avoir confiance EN eux, c’est construire en retour une relation de confiance AVEC eux: représentation, curation, accessibilité, pédagogie… La deuxième opportunité, c’est au niveau du traitement. A force d’être obsédées par le sens, les marques oublient la sincérité. Il faut que les marques s’inscrivent dans un principe de réalité et de preuves, qu’elles sachent mieux conjuguer la réalité et le sens. Hélas nous n’y sommes pas encore.

-Air of melty : Enfin, pensez-vous que la crise sanitaire et économique, qui se prolonge, aura un impact sur la manière dont pense et vit la jeune génération ?

J-E.D.L.S : Oui, ne serait-ce que sur un plan économique. Les études de l’INSEE ont déjà montré depuis plusieurs années que les 18-34 ans sont la tranche d’âge qui est la plus pauvre. La violente crise économique pour le cycle 2021/22 va donc exacerber les besoins de sécurité et de protection pour une majorité de cette tranche d’âge. Les derniers chiffres de la Fondapol publiés il y a un mois montrent que 39% des 18-24 ans pourraient voter pour le Rassemblement National en mai 2022. C’est très nouveau car il y a longtemps eu un vrai verrou psychologique anti RN. Bien sûr, il y a la partie émergée et médiatiquement visible des 18-34 ans qui ont tout pour eux : étude supérieure, CDI, bon job, socialisé, confiant, cosmopolite, éco-responsable, actif sur twitter… Hélas, cela ne représente que 39% des 18-34 ans. Qu’est-ce que la société et les marques ont à proposer aux autres ? Cette classe d’âge n’échappe pas à l’archipellisation sociale et à la fonte des classes moyennes. Sans surprise la CSP et la taille de l’agglomération restent les critères segmentants N°1. Deux logiques s’affrontent selon la typologie de David Goodhart: Les « anywhere » qui investissent le macro-monde pour peser dans la grande histoire et changer la société : à l’aise dans leur époque, libre et entreprenant, techno enthousiaste, green, féministe, tolérant, créatif ; Les « somewhere » qui se réfugient dans leur micro-monde pour se concentrer sur leur petite histoire et se sentir en sécurité: peu à l’aise dans leur époque, faible confiance en soi, fonction miroir capitale, discours de vérité sans fard, aide pour mieux s’intégrer, besoin de réconfort, attente de résilience inspirante.

M.G : Avec le reconfinement et l’impression de ne pas voir le bout du tunnel, les 18-34 ans vont renforcer leur recherche de sécurité et de self-care. Les marques et les médias vont devoir adapter leurs discours pour leur redonner confiance et positiver.

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