Rising Star : « Proposer une expérience Social TV représente un moyen de réconcilier les jeunes avec la télévision » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 25 Sep 2014 à 09:25
Clap de fin pour l’émission !
Qui dit jeudi soir dit Rising Star ! C’est en tout cas le pari que s’est lancé M6, qui mettra ce soir à l’antenne son tout nouveau télé-crochet. Un télé-crochet qui se veut interactif et axé autour de la Social TV. Mais l’émission est-elle vraiment une grande première dans le genre ? Les jeunes sont-ils vraiment prêts à accueillir un tel programme ? Quel intérêt pour les marques ? Gabrielle Benchetrit, rédactrice sur le site SocialTV.fr, répond à toutes nos questions.

C’est (enfin) le jour J ! Ce soir, M6 lancera officiellement l’aventure Rising Star, alias le premier télé-crochet 100% interactif de l’histoire de la télévision française. L’arrivée de ce programme innovant, sur lequel M6 mise énormément, suscite bien des questions, principalement sur le rapport de la Social TV et des jeunes en France. Gabrielle Benchetrit, rédactrice sur le site SocialTV.fr et passionnée télé-crochets autant que de Social TV, a accepté de nous donner son avis d’experte sur le sujet.

-Pouvez-vous faire un rapide état des lieux de la Social TV en France : quel est le pourcentage de personnes concernées, et quel est leur profil ?

Tout d’abord, il convient de rappeler ce qu’est la Social TV. Il existe une multitude de définitions, la notre c’est « la convergence entre le contenu (TV en direct, en rattrapage, contenus additionnels) et l’interaction sociale qui en résulte. La Social TV s‘exprime au travers d’une multitude d’expériences enrichies proposées aux téléspectateurs afin de créer un engagement avant, pendant et après la diffusion ». Ensuite, d’après les derniers chiffres Ipsos dont on dispose, 1 internaute sur 5 pratique la Social TV en France et 47% des Français considèrent la Social TV comme incontournable. On compte ainsi plus de 43 millions d’interactions sociales autour des émissions au premier trimestre 2014. Par ailleurs, 1 internaute sur 3 pratique la Social TV pour les 15-24 ans, donc c’est un phénomène qui touche particulièrement les jeunes. Presque la moitié des télénautes (48%) est âgée des moins de 35 ans. Quant à savoir s’il s’agit davantage des femmes ou des hommes, cela dépend du support utilisé. 61% des participants à la Social Tv sur Facebook sont des femmes tandis qu’elles représentent 47% sur Twitter. Enfin, ce sont les divertissements et la télé-réalité (58%) qui sont les genres de programmes les plus commentés sur les réseaux sociaux.

– Rising Star représente-t-il le premier vrai défi français en matière de Social TV ou y a-t-il eu des prémisses auparavant ?

Il me semble important de souligner que la télévision est un média social par essence. C’est l’interaction qui a énormément évolué. Du simple zapping entre les chaînes avec la télécommande, le téléspectateur peut désormais impacter directement dans le programme et/ou accéder à des contenus enrichis sur un second écran. De nombreux formats proposent aux téléspectateurs d’interagir via les réseaux sociaux ou bien de vivre une expérience de gammification comme avec le 5e coach dans The Voice. Avec la mobilité des écrans ainsi que la possibilité de regarder les programmes en replay, on observe une fragmentation de l’audience. L’enjeu pour les diffuseurs est de focaliser l’attention du téléspectateur sur le programme qu’il regarde et de recréer un « rendez-vous » avec lui. Au lieu de regarder ses mails ou de jouer à Candy Crush, le téléspectateur est obligé de se concentrer sur ce qu’il regarde en direct pour pouvoir réagir à l’émission ou être le 5e coach de The Voice par exemple. Avec Rising Star, on propose au téléspectateur d’avoir un impact direct sur le contenu de l’émission puisque c’est lui qui décide si le talent peut continuer ou non le concours de chant. En réalité, c’est le même principe que celui des votes par sms et appels. Ce qui change ce sont les outils. On doit passer par l’application 6 Play pour voter et l’émission est en partenariat avec Facebook. Rising Star place le téléspectateur au cœur du dispositif puisque les photos de profil des votants sont affichées sur le mur géant. Par ailleurs, l’un des premiers formats interactifs était la série « Salut les homards ! », où le téléspectateur pouvait choisir la fin de l’épisode avec son minitel en 1986 ! L’interaction n’est donc pas une innovation mais ce sont bien les outils qui évoluent. La mini-série « What Ze teuf » diffusée sur D8 en décembre dernier proposait aux twittos d’écrire la suite du scénario tourné le lendemain. « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » sur M6 est un autre exemple de Social TV. En revanche, le défi réside dans la technique du dispositif. Proposer une expérience Social TV en prime-time sur une chaîne grand public est audacieux. Si les télénautes sont au rendez-vous, alors il faudra pouvoir gérer la forte affluence sur l’application et anticiper les éventuels problèmes de bugg comme ça a pu être le cas dans la version brésilienne.

-Comment expliquer que les audiences décevantes de Rising Star aux USA, où la pratique du second écran est pourtant beaucoup plus répandu que par chez nous ?

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer l’échec du programme aux Etats-Unis. Tout d’abord, le décalage horaire entre les états a compliqué le dispositif des votes. Puis, il y a eu une concurrence très forte sur les autres chaînes avec notamment « America‘s got talent » sur NBC. Enfin, les talents n’étaient pas à la hauteur de l’attente. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’un télé-crochet musical. Si les candidats n’ont pas convaincu le public, Social TV ou non, le programme ne peut pas fonctionner. Il faudra aussi faire attention à ne pas créer un programme entièrement dédié aux télénautes afin de ne pas perdre l’attention de celles et ceux qui souhaitent simplement regarder sans avoir à interagir avec l’émission.

-Mauvaises audiences aux USA, en Allemagne, annulation en Grande-Bretagne, toutes ces contre-performances ont-elles de quoi inquiéter M6 ? Ou la chaîne dispose-t-elle d’arguments en sa faveur ?

Il y a effectivement des échecs d’audience dans certains pays pour ce programme mais Rising Star a rencontré son public en Israël en réunissant près de 47% de téléspectateurs et a totalisé 10 millions de votes lors de la première saison. Au Brésil, malgré quelques problèmes techniques, le programme a plutôt bien fonctionné et une saison 2 est d’ores et déjà commandée. Au Portugal aussi, le format a bien marché. On ne peut donc pas prédire un échec cuisant pour la France sans avoir au moins vu la première émission ! En outre, la Social TV a connu un essor ces dernières années et devient un enjeu majeur pour les chaînes. Pour autant, regarder la télévision de manière « passive » a toujours fait partie de nos habitudes et M6 a déployé d’immenses moyens pour nous proposer un véritable spectacle.

-Concrètement, pensez-vous que le public répondra présent ? Et plus particulièrement le jeune public ?

Je l’espère. Il faut donner sa chance au programme, on ne peut que saluer l’initiative de M6 de proposer un nouveau format télévisuel. Le succès va bien sûr également dépendre de la qualité des talents et du jury, comme n’importe quel autre télé-crochet. M6 devra créer un rendez-vous comme TF1 a su le faire avec The Voice. On sait que la consommation de la télévision est délinéarisée chez les jeunes. Ils sont cependant multi-connectés. Proposer une expérience Social TV représente donc un moyen de réconcilier les jeunes avec la télévision. Néanmoins, le fait de pouvoir voter uniquement via son application a un côté excluant. La promesse de Rising Star est « le jury c’est vous ». Or, un programme en prime-time sur M6, comme « L’amour est dans le pré » réunit chaque semaine entre 4 et 5 millions de téléspectateurs. Il est évident qu’il n’y aura pas 4 à 5 millions de personnes qui utiliseront leur second écran pour voter. La promesse de Rising Star est par conséquent un peu biaisée. Mais il s’agit d’un télé-crochet nouvelle génération, si le spectacle est au rendez-vous, l’audience suivra. La semaine dernière, on comptait déjà 350 000 inscrits sur 6 Play alors que le programme n’a pas encore été diffusé. Nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise !

On voit que les marques sont à fond derrière Rising Star. En quoi l’émission représente-t-elle un terrain de jeu privilégié pour les marques ?

C’est bien entendu le côté digital qui attire les marques. Rising Star est en partenariat avec Facebook. Lorsque vous créez un compte sur 6 Play, vous remplissez nécessairement des informations personnelles. Il s’agit d’une manne pour les annonceurs. Si on fait bien attention aux conditions générales d’utilisation, on s’aperçoit que la création d’un compte pour voter durant l’émission autorise l’exploitation de nos données personnelles (prénom, âge, ville de naissance, liens de filiation, image, statuts familiaux etc…) Ce qui permet aux marques de segmenter au maximum leurs cibles. Certains médias dénoncent d’ailleurs l’utilisation abusive de nos données. De plus, les parrains du télé-crochet vont proposer en parallèle des jeux et concours permettant d’interagir avec les consommateurs. Les marques ont donc tout à gagner en s’associant au programme.

– Enfin, vous-même, serez-vous devant votre écran ce jeudi soir ? Ou plutôt devant vos écrans ?

Evidemment, j’adore les télé-crochets musicaux ! J’ai suivi avec grand intérêt la version israélienne et je serai devant ma télévision pour profiter du spectacle et avec ma tablette pour voter ! Je vous donne rendez-vous sur notre site où nous annoncerons bientôt une surprise pour les adeptes de la Social TV !

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