Risque de disparition pour cause COVID de médias digitaux pourtant stratégiques dédiés aux jeunes ?

Par Céline Pastezeur - Publié le 24 Juil 2020 à 09:08
Quel type de contenu de marque attendent les Millennials et les Z en 2021 ?
Ce n'est pas parce que le confinement est terminé que la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 est derrière nous. Loin de là. Ces dernières semaines, les entreprises qui font face à des difficultés se multiplient. Et le monde des médias n'y échappe pas.

La crise du Covid-19 a tout chamboulé. Si les inquiétudes sont nombreuses du côté des Millennials français au sujet de leur santé, de leurs finances et de leur avenir professionnel, la période est également particulièrement compliquée à vivre pour les entreprises jeunes et les entreprises qui s’adressent aux jeunes, dont les médias digitaux dédiés à la jeune génération. En dépit de performance d’audiences inédites sur les trois derniers mois, plusieurs titres se retrouvent aujourd’hui en grande difficulté économique.

Les médias en ligne et de divertissement ont pourtant joué un rôle essentiel auprès des jeunes durant cette période de confinement. Une étude Global Web Index l’a montré, pour les 18-34 ans, et en particulier pour les populations sensibles dans des contextes économiques et familiaux déjà très difficiles, l’accès à l’actualité et au divertissement en ligne a constitué un réel refuge, une source de réconfort compensant l’absence de vie scolaire et l’isolement ressenti pendant cette période si particulière.

Les médias en ligne sont de fait un relais vital pour aider les pouvoirs publics à garder un lien d’information avec les jeunes, qui ne se reconnaissent plus ou peu dans les médias traditionnels (TV, journaux,..) et veulent s’informer auprès de médias indépendants qui leur ressemblent. D’où un fort engagement sur les contenus publiés en ligne, avec des records d’audience qui se poursuivent au-delà des semaines de confinement.

Ces médias, qui couvrent également désormais des sujets sociétaux et environnementaux ont, pour la jeune génération, une importance capitale et une portée comparable à celle de grands quotidiens généralistes. Ils sont francophones, indépendants de groupes industriels ou religieux, et dans une logique démocratique et de pluralité d’information; ils doivent pouvoir continuer à vivre. Ils sont le fruit de projets entrepreneuriaux de jeunes étudiants, et offrent une première expérience professionnelle à des centaines de jeunes, que ce soit des journalistes débutants, des monteurs ou des graphistes et bien plus encore.

À cause de la crise du Covid-19, dès le mois de mars 2020, les budgets publicitaires ont été coupés de façon drastique et la reprise s’annonce très lente. Sur l’ensemble de 2020, les revenus publicitaires des médias en ligne devraient baisser de 19 à 23% (données FTI Consulting citées par le Financial Times), alors que le secteur était pourtant en progression constante depuis quelques années.

Pour survivre, les médias ont dû prendre des décisions drastiques et rapides. À l’étranger, Vice a renvoyé plus de 150 employés. De leur côté, Vox Media, Buzzfeed et Quartz ont également déjà réduit leurs effectifs . En France, Webedia (AlloCiné, Jeuxvideo.com, Millenium, 750g, Purepeople, Purebreak, Puremedias, Terrafemina, etc.), dont les recettes publicitaires ont chuté de 28% en avril et de 39% en mai, a d’ores et déjà entamé des négociations avec ses salariés sur un plan de départs volontaires qui pourrait concerner jusqu’à 90 personnes. De son côté, le site MadmoiZelle a lancé une campagne de financement participatif ayant permis de récolter 35 000 €, donnés par quelques 2 000 lectrices fidèles et engagées. Cela n’a pas suffit puisque nous venons d’apprendre que MadmoiZelle a été cédé au groupe Humanoid et que son fondateur quitte la société.

Pour un grand nombre de groupes médias qui redoutent que cette période ait des conséquences irréversibles, l’heure est à la recherche de soutien et de financements. Pour passer la crise et résister face aux GAFA américains qui pourraient de fait prendre facilement toute la mise, le gouvernement français a déjà promis 985 millions d’euros d’aides pour le secteur des médias et de la communication. Il a aussi mis en place le Prêt Garanti par l’Etat pour aider les entreprises à faire face aux impasses de de trésorerie dues au COVID. Mais encore faut-il que les banques françaises (Société Générale, BNP Paribas, La Poste, etc.), qui mettent en avant les valeurs de solidarité et d’esprit d’équipe dans leur communication, accordent leur confiance aux entreprises fragilisées dans cette période critique.

Actuellement, plusieurs entreprises de médias se heurtent à des refus mécaniques de PGE, alors qu’elles se trouvent dans une situation alarmante du fait du gel du marché publicitaire. À l’heure où les jeunes constituent « la priorité des priorités » du plan de relance avec une enveloppe globale de 6,5 milliards d’euros annoncée sur 2020-2021, il semble important de ne pas oublier les médias qui leur parlent et qui les emploient. Si l’on ne veut « laisser aucun jeune sur la route », comme le gouvernement l’a fait savoir, il ne faudra pas non plus abandonner les médias qui parlent à des millions de jeunes chaque mois et qui trouvent mieux que personne les mots pour les informer et les engager jour après jour.