Student Pop, « les étudiants ont l’impression de sacrifier leur jeunesse et d’être pointés du doigt comme les mauvais élèves » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 18 Mar 2021 à 12:09
48% des étudiants français se sentent dissuadés de poursuivre une carrière créative
Pour l'interview de la semaine, Ouriel Darmon, co-fondateur de Student Pop, répond à nos questions pour mieux comprendre ce que vivent les étudiants en cette période de crise sanitaire et économique prolongée.

C’est une réalité indéniable, la période actuelle, avec son lot de confinements, couvre-feu et autres restrictions visant à limiter la pandémie de Covid-19, est particulièrement difficile à vivre pour la jeune génération. On l’apprenait récemment, 74% des étudiants français sont en perte de motivation. Aussi, nombreux sont ceux qui se sentent isolés ou encore ceux qui rencontrent des problèmes de sommeil. Preuve que le temps de l’insouciance est bien loin. Dans ce contexte, Ouriel Darmon, co-fondateur de Student Pop, a accepté de répondre à nos questions pour mieux comprendre ce qui se passe dans la tête et dans la vie des étudiants français en cette période de crise sanitaire.

-Air of melty : Pouvez-vous nous présenter Student Pop en quelques mots ?

Ouriel Darmon, co-fondateur de Student Pop : Student Pop, c’est la startup qui réinvente le job étudiant, en permettant aux étudiants de financer leur vie étudiante, avec des missions qu’ils reçoivent sur leur mobile, et qu’ils peuvent accepter ou non en fonction de leur emploi du temps.

-Air of melty : Après un an de crise sanitaire, de confinement, de couvre-feu, de cours à distance, etc, que peut-on dire de l’impact de la pandémie sur la jeunesse ? Peut-on parler de génération sacrifiée, oubliée ?

O.D : La situation est longue et compliquée pour tous les Français. Pour les étudiants, c’est d’autant plus compliqué qu’ils ont l’impression de sacrifier leur jeunesse, pour sauver les générations plus âgées, et pourtant d’être pointés du doigt comme les mauvais élèves. Beaucoup de jeunes et d’étudiants sont déboussolés. Les chiffres sur les idées sombres et les dépressions sont alarmants.

-Air of melty : Quels sont les éléments qui pèsent le plus actuellement sur les jeunes : l’isolement, les problèmes financiers, l’inquiétude au sujet de l’avenir ?

O.D : Le problème c’est souvent que tous ces éléments s’accumulent ! Les cours à distance, la perte de leurs boulots étudiants, l’isolement, cela crée une perte de repères. Certains passent leurs nuits sur les écrans, décrochent complètement des cours. Quand les problèmes financiers s’accumulent, il est très difficile pour un étudiant qui a gagné son indépendance de rentrer à la maison ou d’oser demander de l’aide.

-Air of melty : Plus précisément, dans quel état est le marché de l’emploi étudiant à l’heure actuelle ? À quel point la situation est-elle compliquée pour les jeunes ?

O.D : Les étudiants ont souvent besoin d’un petit boulot pour financer leur vie étudiante. Ces étudiants sont partout et pourtant on ne les voit pas, on ne parle pas d’eux ! Ils sont serveurs, vendeurs en boutique, distributeurs de prospectus, hôtes, travaillent dans les festivals de musique … beaucoup n’ont plus de boulot ! Cela a rendu la situation des plus précaires et de ceux qui ne peuvent plus retourner à la maison très compliquée.

-Air of melty : Plusieurs marques (Auchan, Intermarché, Casino…) ont mis en place des dispositifs pour venir en aide aux jeunes. Quel regard portez-vous sur ces initiatives ?

O.D : Les enseignes de grande distribution ont parfois été critiquées parce qu’elles cherchent à attirer la jeunesse grâce à ces dispositifs. Je pense au contraire que c’est une bonne chose. Ces dispositifs sont positifs, il n’y a pas de petites économies pour un étudiant ! Cela montre aussi aux étudiants à quel point cette jeunesse est importante pour le pays et les grandes marques, qui sont prêtent à leur faire des promotions pour les réconforter et les attirer !

-Air of melty : De votre côté, vous avez lancé l’association Du Beurre dans les épinards, pour venir en aide aux étudiants précaires via la distribution de repas. Pouvez-vous nous en dire plus ?

O.D : Lors du premier confinement nous avons vu les jobs étudiants s’arrêter en partie, les restaurants universitaires qui permettent de manger pour 1 ou 2 € fermer, il nous a paru évident qu’il fallait agir ! Avec d’autres acteurs du monde étudiant, ainsi que le Refettorio de JR qui a fait un travail incroyable, nous avons mobilisé les étudiants pour qu’ils nous aident à organiser des distributions de repas puis de colis alimentaires.

-Air of melty : Avec tout cela, peut-on dire qu’il existe une réelle solidarité étudiante ? Ou peut-on/doit-on faire mieux ?

O.D : Cette solidarité intergénérationnelle existe. Lorsque nous avons lancé ce mouvement, nous avons été surpris par la mobilisation. Mais nous avons l’impression d’avoir apporté une goutte dans un océan de besoin. Et certains étudiants nous ont dit, ce n’est pas des colis que l’on veut, c’est du boulot ! Ou tout simplement, de la vie étudiante, avec ses joies et ses galères ! On doit clairement faire mieux, nous avons besoin de solidarité en ces temps difficiles économiquement et moralement. J’invite toutes les personnes qui en ont les moyens d’aider, à le faire.

-Air of melty : Comment voyez-vous les prochains mois pour les étudiants ? Quels changements espérez-vous ?

O.D : Les prochains mois s’annoncent compliqués, jusqu’à la fin de l’année scolaire, pour ce qui est des cours et des examens à distance ! Un bon objectif serait de sauver la rentrée de septembre 2021 ! Une entrée à la fac, en IUT, BTS, ou en école est un vrai rite de passage pour les étudiants, c’est là que l’on rencontre des amis pour la vie. Faisons tout pour que la rentrée prochaine se fasse dans les meilleures conditions en présentiel. Et espérons que cet été, les jobs d’été reprennent ! Le gouvernement pourrait d’ailleurs s’inspirer de modèles étrangers, comme le modèle Belge, qui permet de simplifier l’accès au job étudiant.

-Air of melty : Quel message souhaitez-vous envoyer à la jeune génération aujourd’hui ?

O.D : Notre jeunesse est pleine d’énergie, elle rêve de transformer le monde et de le conquérir. Vous avez raison d’être impatients, le monde est à vous et il sera meilleur grâce à vous. N’attendez pas demain, engagez vous dans des associations, mobilisez vous sur les réseaux pour des causes qui vous animent, faites bouger les lignes chez vous ou dans votre résidence étudiante. À vous de jouer !