VVF, “Le COVID va faire émerger une nouvelle génération de jeunes voyageurs” (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 01 Oct 2020 à 11:26
VVF, “Le COVID va faire émerger une nouvelle génération de jeunes voyageurs” (EXCLU)
Pour l'interview de la semaine, Stéphane Le Bihan, DG de VVF, répond à nos questions pour comprendre ce que change la pandémie de Covid-19 dans la manière dont les Millennials entendent profiter de leurs vacances et de leurs voyages dans un avenir plus ou moins proche.

C’était attendu et ça a bien été le cas : avec la pandémie de Covid-19, les vacances d’été 2020 des Millennials français n’ont pas beaucoup ressemblé à des vacances normales. À l’heure où le voyage fait partie des projets privilégiés des 18-35 ans, Stéphane Le Bihan, DG de VVF, a accepté de répondre à nos questions pour faire le point sur ce que la situation actuelle change dans l’état d’esprit et les priorités des jeunes en matière de vacances, que ce soit pour les mois ou les années à venir.

-Air of melty : Pouvez-vous nous nous présenter VVF en quelques mots ?

Stéphane Le Bihan, Directeur Général de VVF : VVF est un groupe associatif engagé dans le tourisme responsable qui se veut accessible économiquement et qui est avant tout durable pour l’économie locale depuis plus de 60 ans. Les salariés VVF portent des projets de développement engagés pour la transition écologique, la découverte des territoires, du patrimoine, la promotion des activités « sports, nature et bien-être ». Mais VVF c’est d’abord la convivialité, le partage, les activités et soirées entre amis ou en famille dans l’une de nos 100 destinations avec de petits hébergements favorisant le lien social. L’offre a su se renouveler ces dernières années et accompagner les attentes des associations sportives et des jeunes familles. Le bien-être, la possibilité de s’approvisionner en local et bio, de trouver des activités à la carte dans des espaces nature restent au cœur de notre proposition d’offre. Les jeunes sont de retour notamment par la recherche de nouvelles formes de consommation plus raisonnée.

-Air of melty : En résumé, quels ont été les plus grands chamboulements des vacances des 18-35 ans en cet été 2020 (destinations, hébergement, activités…) ?

S.LB : Les constats qui ont été faits par notre cabinet d’études VVF Ingénierie montrent que la tendance pour les jeunes générations est à l’accélération de toutes les formes du retour à la nature. La nature reste un lieu de ressourcement, de développement des relations par l’activité que ce soit via le sport, les moments de détente ou encore les rencontres festives. Les destinations les plus plébiscitées par les jeunes sont liées à deux vecteurs de réussite : les activités et l’authenticité. Les hébergements authentiques se sont développés par un retour aux sources : gites familiaux, maison entre amis, bateaux, camping nature loin des campings toboggan, et même des villages vacances en formule locative.

-Air of melty : Les jeunes Français ont-ils exprimé une crainte de la pandémie de Covid-19 ou ont-ils, à l’inverse, eu tendance à faire preuve de (presque trop de) sérénité ?

S.LB : Les jeunes restent très concernés par la crise et sont globalement sereins même si certains médias aiment exacerber certains comportements. Factuellement nous constatons une réelle mobilisation, car ils sont bien informés et décryptent mieux les effets médiatiques que leurs aînés. Il faut le noter : beaucoup se sont mobilisés solidairement, nous l’avons constaté autour de notre programme d’aide au départ pour notamment les personnels soignants ou accompagnants : www.lesvacancesdesheros.fr. La situation sanitaire a créé chez eux non pas, des craintes plutôt liées au confinement, mais un besoin relationnel que l’on trouve dans des modes de consommation plus collective qu’avant. On constate notamment un rapprochement des générations pour faire face à la situation économique des jeunes toujours précaires depuis l’allongement des études, de l’augmentation du chômage et de la crise économique qui se profile.

-Air of melty : Globalement, diriez-vous que les vacances 2020, si particulières, étaient une exception dans un contexte inédit ou pensez-vous qu’elles ont réellement changé sur le moyen et long terme la manière dont les Français envisageront leurs vacances désormais ?

S.LB : Le marqueur de cette année, c’est la reprise de l’évasion de proximité. Nous avons constaté un redéveloppement d’activité comme la croisière nautique entre jeunes, et l’aide intergénérationnelle pour les gîtes familiaux. C’est une rupture, cela montre que l’identité même de certaines activités est en train de sauter une génération. Mais le soutien qui est réel ne signifie pas que les vacances se pratiquent ensemble. Par ailleurs les vacances ne sont pas les mêmes pour tous au regard de la crise. Il y a de très fortes disparités sur la notion même de départ que l’on soit en zone périurbaine ou au cœur des villes. Le niveau de vie familiale joue énormément sur le droit aux vacances pour tous. Les jeunes, naturellement plus mobiles et engagés, vivent le COVID comme une parenthèse extraordinaire. Nous constatons dans l’étude que le besoin d’évasion sera au cœur de leurs préoccupations dès la fin de crise sanitaire. La question est de savoir s’ils intégreront les notes de développement durable et s’ils poseront les bases d’une société dont les modes de consommation sont plus vertueux. La réponse est oui, car cette tendance apparaît nettement. Des jeunes ont opté pour des destinations qui sont notamment plébiscitées par les seniors. Le mois d’août a été marqué par une concentration de la demande sur 4 semaines avec des effets de surtourisme sur de nouvelles destinations (nord aquitain, Bretagne, Normandie) et septembre a été un mois étonnant sur certaines destinations. Une génération se démarque toujours de la suivante en développant un engagement plus fort pour de nouvelles valeurs vers une nouvelle société.

-Air of melty : Vous avez récemment dévoilé une étude qui montre que 35% des Millenials projettent des vacances à l’étranger en 2021. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Qu’est-ce que cela nous indique sur l’état d’esprit de la jeune génération ?

S.LB : La question pour les Millennials n’est pas de savoir s’ils voyageront demain, mais comment ils concrétiseront ce besoin. 35% expriment un besoin fondamental de découvrir le monde en réel. L’accès à l’information, aux images est permanent. Des premiers éléments de réponse apparaissent avec le développement de nouveaux moyens de mobilité plus vert, mais aussi plus collectif. La crise économique fait remonter dans les préoccupations des jeunes, les modes de consommation partagés. Ils seront encore plus présents et on peut s’attendre à une accélération des voyages France vers les limitrophes dès que la crise sera levée. Car le rêve du voyage n’a été que plus exacerbé et les projets sont tous reportés en 2021 et 2022.

-Air of melty : Est-ce que l’on peut dire aujourd’hui que le voyage reste un sujet prioritaire pour les 18-35 ans ?

S.LB : Oui, mais il est plus important pour les 18-35 ans de savoir avec qui ils partent que de savoir où ils partent. C’est une différence importante. Le « comment » dès la réouverture des frontières offre de nombreuses possibilités. Les budgets sont contraints donc les bons plans, la « dernière minute » sont une recherche permanente liée au modèle de consommation actuel. Dans la question du voyage c’est l’inattendu et l’expérience portés par un moment visuel ou vidéo qui fait finalement pencher le choix des jeunes. Mais cela a toujours été le cas. Internet offre une très grande proximité une très grande proposition de territoires et de cultures, les jeunes se retrouvent dans des endroits qui sont aussi organisés pour eux.

-Air of melty : Comment les jeunes prévoient-ils de voyager au cours des prochains mois : prévoient-ils de réserver de nouvelles vacances ou attendent-ils de voir comment la situation évolue sur le plan sanitaire ?

S.LB : L’emploi et le calendrier scolaire avec la situation sanitaire posent de nouvelles contraintes. Le covoiturage – économiquement le plus intéressant – va sans doute s’accélérer, et l’accès à la consommation à la carte est un marqueur de cette génération. On a une possibilité forte de choisir un voyage qui se construit globalement sur internet et localement à la dernière minute. La notion d’aventure découverte va sans doute ouvrir la voie à de nouvelles tendances. Les jeunes seront toujours les plus résilients. Ils ne réservent plus, ils partent sur une destination ou un itinéraire et réservent sur la route lorsqu’ils sont ensemble, et pour les jeunes familles l’évasion et les services pour les jeunes enfants sont plébiscités.

-Air of melty : Dans ce contexte, quels sont les conseils que vous donneriez aux acteurs du tourisme pour engager la jeune génération au cours des mois à venir ? Quelles sont les priorités des Millennials ?

S.LB : Les jeunes générations ne perçoivent pas les acteurs du tourisme en fonction de leur modèle de voyage, mais de leur valeur. Il est à noter qu’il faut distinguer deux profils, les jeunes qui n’ont pas encore l’intention de vivre en couple et ceux qui le sont déjà ou qui le souhaitent. Dans tous les cas, on assiste à une nouvelle rupture générationnelle. Il y aura la génération post-covid. Le marqueur c’est l’autonomie. L’événement est historique. Les professionnels du voyage vont devoir répondre à un vrai défi, celui de proposer un modèle de voyage dont les services seront plus orientés d’un côté vers le confort et de l’autre côté vers les choix et la liberté des activités. La période de COVID est vécue comme un cycle de contraintes qui devra se compenser par un besoin de liberté plus prononcé dans la proposition touristique. Le succès de l’offre pour les Millennials reposera sur l’authenticité et non sur un modèle consumériste. Nous observons des attentes plus élevées sur la profondeur de l’expérience touristique. La recherche des traditions est plus forte que l’image du folklore. La génération Millenniale consomme à travers des outils de réassurance ou d’évaluation collective (tripadvisor, instagram, pinterest, google…). On a l’impression d’être en co-consommation permanente. Ce qui est en très forte progression c’est le bien-être et la santé, les vacances deviennent un investissement à part entière ou l’utilité est recherchée. Une rupture de service se prépare avec l’internet spatial dans quelques mois qui va accélérer l’accessibilité aux services et l’auto-organisation des vacances. Les Millennials vont porter une mutation des contenus activités, mais il faudra toujours assurer des services fondamentaux comme l’hébergement, l’accueil et certaines activités sociales. Les territoires touristiques vont devoir s’adapter. L’information est disponible et le retour d’expérience instantané. Certains Millennials ont aussi pour ambition de sortir de la vie urbaine grâce à un marché du travail plus connecté pour trouver une nouvelle vie plus équilibrée et un autre rythme entre loisir et travail. Le COVID va sans doute faire émerger cette nouvelle génération de jeunes voyageurs fondant un nouveau modèle plus vite qu’on ne l’imagine.