Valtech, « Les Millennials ne subissent plus la publicité traditionnelle puisqu’ils ne la voient plus » (EXCLU)

Par Céline Pastezeur - Publié le 14 Déc 2017 à 11:33
En cette fin d'année 2017, il est temps de se tourner vers l'avenir : qu'est-ce qui marquera le secteur publicitaire en 2018 ? Quels formats sauront particulièrement engager les Millennials ? Pascal Malotti, Directeur Conseil Marketing de Valtech France et auteur des volets du Carnet de Tendances de l'agence digitale, répond à nos questions à ce sujet !

En ce mois de décembre 2017, il est désormais temps de préparer l’année qui s’apprête à débuter. Cap sur 2018 ! Après le Hubforum qui a présenté les 8 tendances qui vont accélérer la transformation digitale en 2018, c’est Pascal Malotti, Directeur Conseil Marketing de Valtech France et auteur des volets du Carnet de Tendances de l’agence digitale, qui nous donne son regard sur ce que pourrait être le marché publicitaire l’an prochain. Parce que demain, c’est dès aujourd’hui que ça se prépare !

Air of melty : Pouvez-vous présenter Valtech en quelques mots ?

Pascal Malotti, Directeur Conseil Marketing de Valtech France et auteur des volets du Carnet de Tendances de l’agence digitale : Valtech est une agence digitale internationale spécialisée dans la transformation de l’activité de ses clients. Elle les aide à anticiper les tendances de demain et à engager les consommateurs via les points de contacts digitaux, tout en optimisant le « time-to-market » et le RoI. Forte de son expertise sur les technologies, le marketing et la conception d’expérience, sa passion est d’accompagner les marques : conseil en stratégie, design de services et mise en œuvre de plateformes digitales, favorisant une expérience multicanale et un engagement marketing en continu.

Air of melty : Avant de parler de l’avenir de la publicité, pouvez-vous faire un état des lieux du présent de la publicité ? Qu’est-ce qui aura particulièrement marqué l’année 2017 selon vous : la vidéo, les réseaux sociaux, le cross canal…?

P.M : De mon point de vue, l’élément clé reste la narration d’un story-telling convaincant qui pousse les utilisateurs à interagir avec des marques dans le contexte de scénarios multicanaux. Le search remarketing est aussi devenu une valeur sure et performante de campagnes de conversion et enfin, les marques se tournent de plus en plus vers des formats publicitaires mobiles en embrassant la pub in-app, la pub SMS/MMS, le paid search sur mobile ou bien les social ads sur des formats mobiles avec Facebook, qui cartonne dans ce domaine pour cibler des niches de consommateurs pour de nouvelles marques émergeantes.

Air of melty : Plus précisément, quel genre de publicité a particulièrement su faire ses preuves auprès des moins de 35 ans ? À l’inverse, quels formats ont été des échecs ?

P.M : Les Millennials sont la première génération à qui on a confié les clés du camion Digital : ils façonnent les modes de consommation et les usages des médias sociaux et ils en sortent assez déboussolés sur leurs certitudes en tant que génération. Ils ne supportent guère les formats traditionnels de la publicité online qu’ils jugent intrusifs et répétitifs. Quant à la publicité traditionnelle, ils ne la subissent plus puisqu’ils ne la voient plus : les plateformes de streaming à la Netflix, modèle économique par abonnement sans publicité, sont devenus leur consommation du divertissement. En un mot, la technologie et les Millennials accélèrent la chute de l’Empire publicitaire et les Millennials plébiscitent les formats qu’ils consomment massivement : la vidéo sur des plateformes de partage ! Ainsi, ils privilégient les formats visuels impactants qui intègrent un narratif pertinent à leur contexte de vie. Aujourd’hui, la vérité semble être celle des formats vidéo sur mobile mais les usages changent très vite. En tout cas, nous en avons fini de la société de l’écrit avec l’avènement des emojis, des visuels et des vidéos. Quels seront les mots-clés ces prochains mois pour engager la jeune génération ? Emerveillement, simplicité, rapidité, confiance…

Air of melty : « La publicité traditionnelle ne vous aidera pas dans un monde où le succès est conditionné par l’agilité, l’intelligence artificielle et les réseaux. Les marques doivent donc jongler avec de nouvelles règles en faveur de campagnes de marketing et de communication personnalisées, et d’une présence multiplateformes », avez-vous déclaré récemment. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

P.M : La réussite des marques sera conditionnée par de nouvelles formes d’expressions : les recettes traditionnelles auront de moins en moins d’importance dans le succès des marques. Ou bien, il faut repenser l’ancien en recréant du neuf. Je prends un exemple précis : un réseau de vente physique. C’est la clé principale du succès d’Apple avec ses 492 Apple Store dans le monde qui draine plus d’un demi milliard de consommateurs par an : réinventer la magie de l’innovation dans le lieu de vente puisque c’est de plus en plus difficile de faire de l’innovation produit (très coûteux et facilement « copiable » !). La publicité ne véhiculera de moins en moins les valeurs d’une marque parce que ce n’est pas tangible ! Le tangible devient : la capacité à être agile pour réduire les temps de développement entre un concept produit et sa mise en vente en magasin, l’utilisation de l’intelligence artificielle pour créer de l’hyper-personnalisation dans un service, la redéfinition de la politique de distribution pour être proche des usages des millennials qui représenteront bientôt la majeure partie de la consommation d’une société post-digitale…

Air of melty : La publicité programmatique suscite des problèmes de confiance de la part des internautes, en s’affichant parfois à côté de contenus indésirables. Comment rectifier le tir ?

P.M : Ce sont surtout les marques qui doivent s’inquiéter de l’association entre le contenu du support publicitaire et le message de la marque parce que les consommateurs ont déjà voté depuis longtemps par l’utilisation massive des ab-blockers (parfois jusqu’à 40% des utilisateurs sur certains marchés). Le problème est donc celui des plateformes comme YouTube ou Facebook qui ne semblent pas concernées et responsables des contenus publiés sur leur plateforme… C’est facile d’expliquer au monde que leur métier est technologique et non éditorial ! Mais il y a un mélange des genres peu rassurant pour les marques de se retrouver sur des vidéos de djihadistes ou bien de contenus pédophiles. Cela signifie, par ailleurs, que la publicité rémunère des gens peu recommandables… Que faire ? Les annonceurs ont exigé la mise en place de technologies tierces analytiques pour obtenir des données plus fiables sur la diffusion des publicités sur ces plateformes… De plus, il revient à ces plateformes de mieux travailler leurs algorithmes et la modération pour faire le ménage sur ces contenus infâmes et qui donnent l’impression que ces entreprises qui vivent du modèle de la publicité comme Google et Fb ne pensent qu’à réaliser des bénéfices au détriment d’une certaine éthique.

Air of melty : « Souvent hors-contexte et synonyme d’interruption intempestive, la publicité n’est plus le meilleur moyen d’influencer les consommateurs en leur proposant de vivre des expériences : il faudra désormais bien plus qu’une bonne pub mettant en scène un ambassadeur de marque pour se différencier ». Pouvez-vous expliciter cette idée ?

P.M : Dans une économie de l’expérience, le consommateur ne souhaite plus recevoir passivement des messages décontextualisés de ses actes de vie. Ce n’est pas la créativité d’un concept qui est à remettre en cause car les meilleures campagnes d’engagement possèderont toujours la force de l’idée ou bien le rôle d’une égérie car l’individu possède toujours ce désir d’identification mais une campagne de promotion doit apporter des bénéfices tangibles et démontrer qu’elle me connait comme consommateur sur mes centres d’intérêt ou mes comportements. La publicité traditionnelle est la résultante d’un monde traditionnel qui est en voie d’extinction !

Air of melty : En 2018, Facebook et Google se partageront-ils toujours la majorité des parts de marché ou peut-on attendre l’essor de nouveaux acteurs, tels que Snapchat ou encore Amazon par exemple ?

P.M : Nous savons que Facebook et Google ont une influence directe sur 70 % du trafic Internet… Dans le même temps, ces géants vivent de la pub en offrant aux annonceurs un ultra-ciblage, par le vecteur de la donnée, sur le milliard de consommateurs et plus (2 milliards pour Fb avec une croissance mensuelle de 17%) qui utilisent les services de ces plateformes. De son côté, les parts de marché d’Amazon sur le marché du e-commerce aux Etats-Unis s’élèvent en 2017 à 43,5% contre 38% en 2016. Il devient, donc, essentiel pour les marques qui vendent sur Amazon de bien être référencées en utilisant les leviers du marketing digital communs aux autres protagonistes de cet oligopole. Ainsi, Amazon possède des enjeux de e-commerce mais aussi de plateforme média et peut s’appuyer sur une autre source de revenus qui montent en puissance d’année en année et atteindra très rapidement les 10 Milliards de $ de revenus. Pour Snapchat, l’histoire est beaucoup plus compliquée : le produit est bon mais personne ne sait si ce dernier est rentable à long terme comme Uber par exemple. La croissance est rapide mais ce projet perd plus d’argent qu’il n’en gagne à l’heure actuelle. En un mot, Snapchat est en train d’être vampirisé par le « Facebook pour Millennials » (catégorie trustée par Snapchat) avec Instagram qui copie systématiquement les fonctionnalités stars de Snapchat depuis plusieurs mois déjà…