« Quiet Quitting : Le bien-être des collaborateurs n’est pas un frein à la performance » (Tribune)

Par Céline Pastezeur - Publié le 19 Oct 2022 à 12:10
Emploi : Salaire élevé ou temps libre, la jeune génération a choisi !
À l'heure où le Quiet Quitting est un phénomène qui fait de plus en plus parler et qui en dit long sur l'état d'esprit de la jeune génération, Keren Deront, experte de la gestion de projet et Business Head Europe chez Project Management Institute, fait le point sur ce que les entreprises doivent apprendre de cette tendance.

Le Quiet Quitting, ou la démission silencieuse, c’est une tendance qui révèle beaucoup de choses sur le rapport que la jeune génération entretient actuellement avec le monde de l’entreprise. Dans une tribune exclusive, Keren Deront, experte de la gestion de projet et Business Head Europe chez Project Management Institute, s’intéresse à l’importance de privilégier le bien-être et la santé mentale des salariés pour toujours plus de productivité.

Et si la tendance du « quiet quitting » illustrait la dénonciation d’un système où organisation et ambition collective ont cédé face à une surperformance inefficace et nocive ? Préserver la santé des collaborateurs tout en leur permettant de s’épanouir au travail est possible, en rationalisant l’organisation et en autonomisant les équipes.

La tendance du « quiet quitting » n’épargne presque aucune entreprise (près de 520 000 démissions par trimestre depuis fin 2021). Qu’il s’agisse de refuser les heures supplémentaires ou de s’en tenir strictement à sa fiche de poste, cette attitude est perçue comme un renoncement à la performance et à la notion même de travail. Pourtant, il s’agit souvent ni plus ni moins d’honorer les obligations qui lient collaborateur et employeur. Les « quiet quitters » pointent en réalité les dérives d’un monde du travail désorganisé où les responsabilités cèdent parfois la place à une surperformance de façade, au détriment du bien-être au travail. Il est pourtant possible d’assurer la santé des salariés, tout en leur permettant de s’épanouir et de progresser au travail.

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L’humain, moteur de la performance

Selon une étude, 41% des salariés s’estiment en détresse psychologique au travail, et 37% souhaitent quitter leur entreprise. Ce désengagement coûte 15 000 euros (par an et par personne) aux organisations. En cause notamment, une culture de la compétition et une désorganisation aggravée par la crise sanitaire. Rien d’étonnant alors à ce que les organisations s’affranchissent de leurs propres règles, persuadées d’œuvrer en faveur de la performance.

Ces règles sont pourtant conçues pour protéger l’intégrité du salarié et celle de l’entreprise : une main d’œuvre épanouie est plus productive, comme le prouvent les différentes expérimentations menées en France comme à l’étranger.

La prise de conscience des bénéfices du bien-être au travail est possible, au-delà des actions de sensibilisation (qui se limitent trop souvent à des déclarations d’intention, comme l’a montré Balance Ta Start-up). Pour cela, les entreprises doivent accepter de relever le défi de rationaliser les processus de travail tout en préservant la flexibilité voulue par les salariés.

Adapter les responsabilités en rationalisant les processus de travail

Pour éviter le surinvestissement des collaborateurs, les entreprises doivent d’abord mettre en place une organisation saine. En travaillant en mode projet, les leaders se doteront d’une approche indispensable pour rationaliser et améliorer l’efficacité des tâches réalisées par les équipes.

Ainsi, il sera possible de constituer des équipes adaptées selon leurs compétences, leurs disponibilités et leur appétence pour le sujet. Cela garantit l’optimisation des efforts que fourniront les collaborateurs. Par ailleurs, le projet ferait l’objet d’une chaîne de décision et d’une répartition des responsabilités transparentes. Les entreprises éviteraient ainsi à leurs salariés d’assumer des charges qui ne relèvent pas de leurs fonctions, tout en fixant un cap individuel et collectif clair.

Se faisant, les entreprises s’exposent néanmoins à un écueil mis en lumière par la crise sanitaire : le manque de flexibilité des organisations et d’autonomie des collaborateurs. Vecteurs d’inertie dans un monde en constante évolution, ces facteurs sont aussi fuis par les talents à la quête d’une plus large autonomie dans la gestion de leur mode de travail.

L’autonomie, au service de l’épanouissement des salariés

Les talents appellent désormais à davantage de flexibilité, tant dans les méthodes de travail que dans l’équilibre avec leur vie personnelle. Une requête à priori contradictoire avec le recadrage des responsabilités de chacun. Pourtant, rigueur d’organisation et agilité ne sont pas antinomiques !

Les outils numériques permettent déjà aux salariés de rester productifs en télétravail, et de maintenir des canaux de communication clairs avec leurs équipes. De même, le flex-office et le nomadisme digital offrent de nouvelles solutions d’organisation aux collaborateurs. D’après une étude d’IWG, 78,5 % des professionnels sont en effet plus épanouis depuis qu’ils travaillent de manière flexible. De même, 81 % d’entre eux affirment que la flexibilité au travail est désormais un critère essentiel dans le choix de leur entreprise.

Les entreprises doivent néanmoins donner à leurs équipes les clés de leur usage : d’abord, en les formant à différentes méthodes de travail, afin de leur permettre de sélectionner l’approche la plus adaptée aux besoins de l’entreprise et à leur profil. Ensuite, en promouvant un leadership collaboratif, où l’expression de chaque idée, de chaque crainte, a droit de cité. En l’absence de ce type de management, empathique et franc, il est probable que les collaborateurs exprimant des sentiments négatifs se trouvent ostracisés en raison de « l’injonction au bonheur » parfois imposée dans les espaces de travail.

Pour garder les talents d’aujourd’hui et attirer ceux de demain, les entreprises doivent comprendre que la performance de leurs équipes dépend d’abord de l’environnement dans lequel elles évoluent. Cela passe par l’adoption de modes opératoires audacieux qui permettent aux collaborateurs de s’épanouir dans leur travail et d’être reconnus pour leurs compétences.