Les jeunes Français, plus que jamais sceptiques envers la science ?

Par Céline Pastezeur - Publié le 06 Fév 2023 à 12:12
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En quoi croit vraiment la jeune génération en 2023 ? La Fondation Reboot et la Fondation Jean-Jaurès ont commandé à l’Ifop une enquête auprès des jeunes pour étudier leur rapport à la science et, dans le même temps, leur vulnérabilité aux contre-vérités scientifiques. Verdict, les 11-24 ans ont des idées bien arrêtées sur certains sujets ! Et ça peut surprendre...

La rédaction d’Air of melty vous le répète régulièrement, la jeune génération ne fait rien comme ses aînés, ou presque. Cela se vérifie notamment en matière de séduction, avec des tendances dating très surprenantes comme l’éco-dating ou l’éco-dumping, et en matière de consommation, avec des consommateurs qui privilégient largement les achats en ligne et notamment sur les réseaux sociaux dans le cadre de l’essor du Social Commerce. En marge de cela, on sait aussi que les jeunes sont plus nombreux que toute autre catégorie d’âge à consommer des actualités sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, on découvre que les moins de 30 ans sont aussi différents de leurs aînés dans leur rapport à la science. Une étude Ifop pour la fondation Reboot et la fondation Jean Jaurès réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 28 octobre au 7 novembre 2022 auprès d’un échantillon national représentatif de 2 003 jeunes, représentatif de la population française âgée de 11 à 24 ans, révèle que les jeunes Français semblent être plus sceptiques que jamais à l’égard de la science et, à l’inverse, plus sensibles aux thèses conspirationnistes et aux croyances irrationnelles. Alors, la génération TikTok est-elle en train de virer toctoc ? On fait le point sur le sujet !

crédit photo : Getty Images
Comme le révèle l’étude menée par Ifop pour la fondation Reboot et la fondation Jean Jaurès, la posture des jeunes à l’égard de la science s’avère de plus en plus critique : seul un jeune sur trois (33%) estime aujourd’hui que « la science apporte à l’homme plus de bien que de mal » alors qu’ils étaient plus d’un sur deux à le penser il y a cinquante ans (55% en 1972). À l’inverse, la proportion de jeunes percevant négativement ses bienfaits sur l’humanité a triplé entre 1972 (6%) à 2022 (17%), tandis que le sentiment qu’elle n’a pas d’impact restait, lui, relativement stable (41%, +3 points). Or, cette défiance croissante à l’égard de la science va de pair avec une sécession avec nombre de « vérités » faisant consensus dans le milieu scientifique. Sur les origines de l’homme par exemple, l’enquête révèle que plus d’un jeune sur quatre croit aujourd’hui au « créationnisme » : 27% des jeunes de 18 à 24 ans estiment que « les êtres humains ne sont pas le fruit d’une longue évolution d’autres espèces (…) mais ont été créés par une force spirituelle (ex : Dieu) ». Et cette contestation de l’évolutionnisme s’avère particulièrement forte chez les sondés se disant « religieux » (60%), les personnes appartenant aux minorités religieuses attachées à une vision littérale des textes (ex : 71% des musulmans) et aux catégories populaires au regard de leur catégorie socioprofessionnelle (38% des ouvriers). En dépit des évidences scientifiques, le « platisme » trouve aussi un écho significatif dans la jeunesse française. Alors qu’elle reste marginale chez les seniors (3%), l’idée selon laquelle on nous ment sur la forme de la Terre est partagée en effet par près d’un jeune sur six (16%). Présentant les mêmes caractéristiques socio-culturelles que les adeptes du créationnisme, les platistes sont surreprésentés chez les jeunes potentiellement les plus exposés à ces thèses sur internet, notamment les gros utilisateurs de services de vidéos en ligne comme YouTube (21%), d’applications comme Telegram (28%) ou de TikTok comme moteur de recherche (29%).

Dans un brouillard informationnel post-Covid propice au complotisme, nombre de jeunes adhérent aussi à des « fake news » médicales. L’efficacité de la chloroquine contre le Covid-19 est ainsi reconnue par un jeune sur quatre (25%) et ils sont encore plus (32%) à croire que les « vaccins à ARNm (…) causent des dommages irréversibles dans les organes vitaux des enfants ». Et dans la confusion liée à l’actualité sur le sujet, l’idée selon laquelle on peut avorter sans risque avec des plantes est, elle, partagée par un quart des jeunes (25%) et plus d’un tiers (36%) des utilisateurs pluriquotidiens des réseaux de microblogging (36%). En marge de cela, les jeunes semblent à l’inverse accorder de plus en plus de confiance dans d’autres croyances infondées scientifiquement telles que l’astrologie ou l’occultisme. Ainsi, 49% des jeunes estiment aujourd’hui que « l’astrologie est une science », contre 43% en 1999. Et sur d’autres croyances occultes, cette tendance à la hausse est encore plus nette au regard du nombre de jeunes qui croient par exemple aux esprits (48%, +8 points depuis 2004) ou en la réincarnation : 35% en 2022, soit une hausse de 15 points en seize ans. Et un clivage générationnel se dessine aussi bien dans la croyance dans les prédictions des voyants (38%, contre 12% des séniors) que dans celle liées aux envoutements et à la sorcellerie (36%, contre 20% parmi les plus de 65 ans). Aussi, les jeunes se montrent nettement plus sensibles que leurs ainés à des superstitions à caractère occulte. Globalement, 59% croient en au moins une d’entre elles, contre 21% des plus âgés. Et ce gap générationnel se retrouve sur toutes les croyances, qu’il s’agisse du mauvais œil (44%, contre 10%), dans les fantômes (23%, contre 4%), les démons (19% chez les plus jeunes, contre 8%) ou bien encore dans les marabouts (13% des 18-24 ans, contre 4%).